Le dossier de l'assemblage automobile et le financement de la campagne de Bouteflika en avril 2019 qui avait coûté des milliards de dinars au Trésor public continue de livrer tous ses secrets et démontre au grand public comment l'argent de l'Etat est géré depuis des décennies. En ce deuxième jour du procès en appel qui a eu lieu, hier, à la cour d'Alger, les langues se délient et l'ensemble des déclarations des prévenus nous renvoie l'image d'un pays entre les mains d'un «réseau mafieux» pour qui le Trésor public n'est qu'une cagnotte. Un marché de 6 milliards de dollars partagé entre six hommes d'affaires qui ont également bénéficié de cadeaux fiscaux et d'autres avantages estimés à des centaines de millions de dollars, selon les services des douanes. Si les deux ex-Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal ont déclaré devant le juge lors de l'ouverture du procès avant-hier qu'ils appliquaient le programme du président «seul responsable de cette gabegie», les déclarations des prévenus, hier, devant le juge donnent un éclairage sur la provenance de l'argent de campagne et confirment les liens existants entre le dossier de l'automobile et le financement de la campagne du Bouteflika. En ce jour, c'est l'ancien ministre de l'Industrie Bedda Mahdjoub, le premier qui passe à la barre. «à mon arrivée à la tête du ministère, j'ai trouvé un nid de guêpes. J'ai écarté 13 cadres et cette décision m'a coûté cher, même si j'avais eu le soutien de l'ex-Premier ministre (Tebboune) et celui du peuple», déclare-t-il devant le juge. Le procureur de la République l'interroge sur l'instruction permettant au patron de KIA Algérie, Hassan Larbaoui, d'exercer ses activités dans la «clandestinité». «J'ai été contraint de signer l'instruction en question qui devait permettre à six opérateurs de continuer à exercer leur activité. Je n'ai pas étudié le dossier de Larbaoui. Il était déjà en exercice à mon arrivée» lui répond-il. «Saviez-vous que ce que vous avez fait est illégal!» lui rappelle le juge. «J'étais forcé de le faire monsieur le juge», lui répond le prévenu avant de s'effondrer en larmes. Le juge l'invite à rejoindre le box et appelle Ahmed Mazouz à se présenter à la barre et lui demande de parler du financement de la campagne du président déchu. «Dans ce milieu, le plus offrant est toujours le plus respecté», laisse entendre le prévenu. à ce moment, une vague de chiffres en milliards déferle sur la petite salle d'audience. «J'ai rencontré deux fois Ali Haddad et je lui ai remis un montant de 39 milliards de centimes en plus d'un chèque de 130 milliards de centimes, car on m'a dit que Ali Haddad à lui seul a offert 180 milliards de centimes. C'est une question d'honneur», déclare-t-il, devant le juge. «Et les 24 milliards de centimes offerts à Kamel Chikhi?», lui demande le procureur. «C'est un ami. Je l'ai aidé», lui répond le prévenu. Pour ce qui est du déblocage de sa marchandise au port, Ahmed Mazouz déclare devant le juge qu'il «avait payé plus de 360 milliards de centimes». Pour sa part, le patron de KIA Algérie, Hassan Larbaoui a plaidé son innocence et affirme devant le juge qu'il est «victime de son succès». Dans ces déclarations, Larbaoui précise que l'autorisation du ministère de l'Industrie est bel et bien datée du 20 juillet 2017. A ce moment, Mahdjoub Bedda était en poste au ministère de l'Industrie. Il fallait donc attendre la comparution de Abdelghani Zalène, ex-directeur de campagne de Bouteflika pour connaître la vérité. Ce dernier assure devant le juge qu'il n'avait aucune idée de la provenance de l'argent de campagne de Bouteflika. «J'étais informé du retrait d'un montant de 19 milliards de centimes rien de plus.» Le procureur intervient et donne plus de détails, «en date du 5 mars 2019, l'homme d'affaires Larbaoui Hassan a émis un chèque de 20 milliards de centimes, et le lendemain, l'homme d'affaires Medtiji a remis 10 milliards de centimes». Abdelghani Zalène indique qu'il «n'avait jamais rencontré les deux hommes, et qu'il n'avait aucun compte courant en son nom». La séance est levée, aujourd'hui, c'est au tour d'autres hommes d'affaires de passer à la barre, dont l'ex-chef du FCE Ali Haddad et son adjoint Mohamed Baïri.