La Corée du Nord a tiré samedi deux projectiles vers la mer du Japon, vraisemblablement des missiles balistiques de courte portée, en pleine crise sanitaire mondiale liée à la pandémie de coronavirus. Ces missiles ont été lancés depuis la province du Pyongan du Nord (ouest), a indiqué l'armée sud-coréenne. Elle a jugé les tirs «extrêmement malvenus compte tenu de la situation difficile que le monde connaît en raison du Covid-19», la maladie causée par le nouveau coronavirus. La Corée du Nord n'a rapporté aucun cas de contamination sur son sol, même si en Corée du Sud, beaucoup imaginent qu'il y a pu en avoir. «L'armée surveille d'éventuels autres tirs et se maintient en état d'alerte», a ajouté l'état-major interarmées dans un communiqué, en appelant à leur arrêt. Le ministère de la Défense japonais a affirmé de son côté qu'il avait détecté ce qui semblait être «un ou des projectiles de type missiles balistiques». La Corée du Nord a multiplié depuis novembre les essais d'armement en l'absence de progrès dans les négociations par lesquelles les Etats-Unis espèrent lui faire abandonner son programme nucléaire. Selon les analystes, Pyongyang affine peu à peu ses capacités, malgré les sanctions et les condamnations. Avec ces tirs, Pyongyang «poursuit une stratégie internationale consistant à tenter de normaliser ses essais de missiles», a expliqué Leif-Eric Easley, professeur à l'université Ewha de Séoul. Début mars, en pleine impasse sur les négociations entre Washington et Pyongyang sur les programmes nucléaire et balistique nord-coréens, le pays avait fait des tirs similaires à deux reprises. Cette fois, les projectiles ayant traversé tout le pays d'ouest en est, il s'agit d'un «exercice d'une côte à l'autre», a souligné sur Twitter Ankit Panda, de la Federation of American Scientists, une ONG scrutant les risques liés au nucléaire. Cet analyste a cependant dit attendre plus de détails de la part de l'agence de presse nord-coréenne KCNA sur le type d'arme testé. Lors des derniers tests en date, l'agence officielle avait communiqué à ce sujet le lendemain des tirs. La péninsule coréenne avait connu en 2018 une remarquable détente, illustrée par des rencontres historiques entre le leader nord-coréen Kim Jong Un et le président américain Donald Trump. Mais les négociations sur la dénucléarisation sont au point mort depuis le deuxième sommet entre les deux dirigeants, en février 2019 à Hanoï. Peu avant que Yonhap n'évoque les tirs, KCNA avait annoncé une convocation le 10 avril de son Assemblée populaire suprême, son Parlement. Pour les analystes, cela supposerait de rassembler quelque 700 personnes, alors que de tels regroupements ont été interdits dans de nombreux pays pour tenter de ralentir la pandémie de coronavirus. «La Corée du Nord ne prendrait pas le risque d'organiser un événement politique national d'une telle ampleur si le régime n'était pas sûr d'empêcher ou de contenir la propagation du virus», a déclaré Rachel Minyoung Lee, analyste du site spécialisé NK News. En revanche pour Leif-Eric Easley, les «restrictions draconiennes» de Pyongyang sur les déplacements, «la campagne pour le port de masques, la punition publique des élites ‘corrompues' enfreignant la quarantaine et la hâte mise à construire des installations médicales laissent penser que le Covid-19 a pénétré dans le pays». La Corée du Nord, qui a fermé ses frontières et adopté des mesures de confinement drastiques contre l'épidémie, clame régulièrement sa détermination contre un virus qui a infecté plus de 250.000 personnes dans le monde et fait plus de 11.000 morts. Visé par des sanctions internationales en raison de ses programmes nucléaire et balistique interdits, le pays a un système de santé notoirement défaillant, et la prévention semble pour Pyongyang le seul moyen d'éviter une hécatombe. Début mars, la présidence de la Corée du Sud, pays alors aux prises avec le coronavirus, avait annoncé avoir reçu de Kim Jong Un un message personnel de «réconfort» adressé aux Sud-Coréens. Depuis, l'épidémie a été largement maîtrisée dans ce pays.