Pyongyang a fait voler en éclats, hier, le bureau de liaison intercoréen situé sur son territoire, a annoncé le gouvernement sud-coréen, faisant ainsi monter les tensions sur la péninsule après des semaines d'attaques verbales incessantes du Nord contre le Sud. Cette destruction survient après des menaces proférées, ce week-end, par Kim Yo Jong, la puissante soeur cadette du dirigeant nord-coréen Kim Jong Un. «Dans peu de temps, l'inutile bureau de liaison entre le Nord et le Sud sera complètement détruit au cours d'une scène tragique», avait-elle mis en garde. La télévision sud-coréenne a diffusé des images montrant de la fumée s'élevant de la zone industrielle située de l'autre côté de la frontière, dans la ville nord-coréenne de Kaesong, où le bureau de liaison a été installé il y a moins de deux ans. Certains experts estiment que Pyongyang cherche à provoquer une crise avec Séoul, au moment où les négociations sur le nucléaire avec Washington sont à l'arrêt. La Maison bleue, la présidence sud-coréenne, a appelé à une réunion d'urgence du conseil national de sécurité, selon l'agence de presse sud-coréenne Yonhap. Ce bureau de liaison avait été ouvert en septembre 2018, avant un troisième sommet entre le président sud-coréen Moon Jae-in et son homologue nord-coréen. Il abritait une vingtaine de fonctionnaires des deux pays. Mais les relations intercoréennes se sont graduellement dégradées dans la foulée du fiasco du deuxième sommet entre Donald Trump et M. Trump et Kim, en février 2019 à Hanoï. Les travaux du bureau de liaison ont été suspendus en janvier en raison de la pandémie de coronavirus. Depuis le début du mois, Pyongyang a multiplié les attaques au vitriol contre son voisin, notamment contre les transfuges nord-coréens qui, depuis le Sud, envoient des tracts de propagande par-delà la Zone démilitarisée. L'agence officielle nord-coréenne KCNA a déclaré mardi que la destruction du bureau de liaison était conforme à «l'état d'esprit du peuple en colère qui veut contraindre les déchets de l'humanité, et ceux qui les ont abrités, à payer très cher leurs crimes». La semaine dernière, le régime nord-coréen a annoncé la fermeture de ses canaux de communication politique et militaire avec l'«ennemi» sud-coréen. Pour Leif-Eric Easley, professeur d'études internationales à l'université Ehwa de Séoul, «la Corée du Nord a entamé un cycle d'escalade» en appelant à cette destruction qui porte un coup symbolique à «la réconciliation et à la coopération intercoréenne». «Le régime de Kim envoie également un message aux Etats-Unis pour leur signifier qu'ils ne pourront pas se permettre de laisser la Corée du Nord au second plan jusqu'à la fin de l'année», a-t-il ajouté. Depuis que Pyongyang a condamné ces envois de tracts, qui sont souvent accrochés à des ballons qui s'envolent jusqu'au territoire nord-coréen, ou insérés dans des bouteilles lancées dans le fleuve frontalier, le ministère de l'Unification a porté plainte contre deux groupes de dissidents nord-coréens accusés d'être à l'origine de cette propagande. Lundi, le président sud-coréen Moon Jae-in, grand artisan du rapprochement de 2018, avait exhorté le Nord à ne pas laisser «la fenêtre du dialogue se refermer». Mardi, l'armée nord-coréenne s'est déclarée «totalement prête» à agir contre le Sud. La Guerre de Corée (1950-1953) a été ponctuée par un armistice, non par un accord de paix, ce qui signifie que les deux voisins sont encore, techniquement, en état de guerre. La semaine dernière, la Corée du Nord s'est fendue de critiques cinglantes à l'égard des Etats-Unis, accusés d'hypocrisie deux ans jour pour jour après le sommet historique de Singapour entre MM. Trump et Kim.