Jeudi dernier, on apprenait que l'opération militaire lancée contre le groupe terroriste Boko Haram, au lac Tchad, par le président Idriss Déby Itno qui voulait venger la mort de 52 militaires tchadiens tombés dans les combats avec la branche Iswap, sur la presqu'île de Bohoma, aurait entraîné la mort d'un millier de prétendus jihadistes. L'armée tchadienne, réputée la plus professionnelle dans la région du Sahel avait subi un terrible revers et avec cette riposte, elle aurait poursuivi l'Iswap, branche dissidente de Boko Haram, jusque dans ses refuges au Nigeria et au Niger, nettoyant, au passage, la constellation de tous les îlots du lac Tchad dans lesquels le groupe extrémiste prospérait. Au cours des quatre derniers mois, Boko Haram a, dans ses deux versions, intensifié les attaques contre les armées des quatre pays riverains du lac Tchad, à savoir le Tchad, le Nigeria, le Niger et le Cameroun, leur infligeant des pertes sévères en hommes et en matériels. Avec cette offensive de N'Djamena, les troupes tchadiennes ont pénétré à Duguri, une île nigériane dont l'armée nigériane était exclue depuis trois ans, mais la victoire aura eu un goût amer. En effet, les autres pays avaient convenu en 2015 de participer à une Force multinationale mixte (FMM) pour lutter contre Boko Haram, créé au Nigeria en 2009, mais le projet est resté très en deçà des objectifs initialement convenus. Aussi, la frustration des autorités tchadiennes fut-elle extrême, le président Idriss Déby ayant déclaré: « le Tchad est seul à supporter tout le poids de la guerre contre Boko Haram.» Une conclusion qui l'a conduit à annoncer, hier, que son armée ne participerait plus à des opérations militaires contre les terroristes autour du lac Tchad et au Sahel. «Nos soldats sont morts pour le lac Tchad et pour le Sahel. A compter d'aujourd'hui, aucun soldat tchadien ne participera à une opération militaire en dehors du Tchad», a ainsi déclaré Déby Itno. Cette déclaration du chef de l'Etat tchadien, jeudi dernier, a été diffusée par la télévision tchadienne le lendemain et elle sonne comme un nouvel avertissement à l'adresse des partenaires qui savent que l'armée tchadienne est la plus efficace dans la région. Fort de cet instrument, Idriss Déby en appelle également aux partenaires internationaux et semble remettre en question son rôle d'allié de la force française Barkhane, engagée au Sahel contre les autres groupes terroristes de la région. Aucune réaction n'a pour le moment été entendue, que ce soit du côté du G5 Sahel ou de la FMM. Le rapport de force reste ainsi incertain, Idriss Déby ayant averti le Nigeria et le Niger que son armée allait quitter les bases prises à Boko Haram le 22 avril prochain, que leurs armées prennent ou non le relais. «Nous nous sommes battus seuls, aux confins du lac Tchad, sans l'apport des pays censés nous aider», a-t-il constaté jeudi, non sans une exaspération affichée, alors même que son ministre de la Défense, Mohamad Abali Salah se voulait plus diplomate en rencontrant le président nigérien Mahamadou Issoufou à Niamey. «La plupart des opérations ont été au niveau de la frontière du Niger où beaucoup de bases de Boko Haram au Niger ont été reconquises. Des orientations, des échanges ont lieu pour maintenir ces acquis et les discussions vont continuer. L'opération a pris fin mais la lutte contre Boko Haram continue», a-t-il indiqué. Toujours est-il que la sortie du président tchadien sonne comme un avertissement aux chefs d'Etat de la Force multinationale et du G5-Sahel qui doivent vite se concerter au plus vite pour sauver cette alliance, Idriss Déby n'ayant pas, cependant, remis en cause la présence de ses troupes au sein de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma).