Le gouvernement tchadien ne laissera finalement pas tomber la force du G5 Sahel. Il a assuré, dimanche, que son armée allait continuer à participer aux opérations conjointes ciblant les groupes terroristes. Le président Déby avait pourtant décidé la semaine dernière de retirer l'armée tchadienne des opérations sous-régionales. Il s'était agacé publiquement que son armée se batte «seule» au Sahel et sur le Lac Tchad. L'annonce du président Déby avait concerné en particulier «les bataillons tchadiens du G5 Sahel», avait insisté Jean-Bernard Padaré, ancien secrétaire général de la présidence tchadienne et porte-parole du parti au pouvoir. Déjà décriée pour son manque de résultats, la force du G5 Sahel – qui est perçue par de nombreux observateurs comme une coquille vide – n'aurait certainement pas pu aller loin sans le soutien de l'armée tchadienne. Aussi, il est certain que la décision du président tchadien, Déby, a dû jeter l'effroi dans les capitales des pays de la région. C'est que N'Djamena est un élément important du dispositif sécuritaire au Sahel et dans la région du Lac Tchad. L'armée tchadienne participe en effet à la Force multinationale mixte (FMM) qui combat depuis 2015 le groupe terroriste Boko Haram, apparu dans le nord-est du Nigeria, mais désormais très établi dans le bassin du lac Tchad, à la frontière avec le Niger et le Cameroun. Le Tchad fournit également 1400 soldats à la Mission onusienne au Mali (Minusma) et fait partie de l'organisation régionale G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad), qui a officiellement lancé, en 2017, sa force conjointe pour lutter contre les groupes terroristes. En janvier, le président tchadien avait même accepté, lors du sommet de Pau (sud-ouest de la France), d'envoyer un bataillon supplémentaire de 480 hommes dans la région des «trois frontières» entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, au sein de la force du G5 Sahel. Le président tchadien a décidé de revoir les conditions de l'engagement de son armée dans la région au lendemain précisément de l'attaque de Boko Haram, le 23 mars dernier, sur la presqu'île de Bohoma, au Tchad, qui a coûté la vie à une centaine de ses hommes. Pourquoi une perte aussi lourde ? Selon plusieurs officiers, la base ciblée par Boko Haram, située à quelques heures de N'Djamena, manquait d'hommes, car certains devaient être redéployés hors du pays au sein de la force du G5 Sahel. Dans un discours diffusé vendredi à la suite d'une offensive de l'armée tchadienne contre des positions de Boko Haram, Déby avait alors déclaré : «A partir d'aujourd'hui, aucun soldat tchadien ne prendra part à une opération militaire extérieure.» Le ministère tchadien des Affaires étrangères a cependant déclaré que les propos de Déby avaient été mal interprétés et signifiaient seulement que l'armée ne mènerait plus d'opérations unilatérales au-delà de ses frontières dans le bassin du lac Tchad. «Il n'a jamais été question pour le Tchad de se désengager de la Force opérationnelle multinationale conjointe (anti-Boko Haram) ou de la force conjointe du G5 Sahel, et encore moins de la Minusma», a indiqué dimanche un communiqué du MAE tchadien. Le président Déby avait plusieurs fois menacé par le passé de retirer l'armée tchadienne des opérations sous-régionales. Et il s'était à chaque fois ravisé. «Ce qu'il s'est passé sur les rives du Lac Tchad est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase», a cependant insisté Jean-Bernard Padaré. «On aurait souhaité avoir le concours, l'appui des pays concernés, notamment le Niger et le Nigeria, mais nous avons constaté malheureusement qu'ils n'ont pas bougé», a-t-il dit. Si Idriss Déby Itno est revenu sur sa décision cette fois encore, c'est qu'il a certainement dû recevoir des assurances de ses partenaires locaux et étrangers que ses soldats ne seront plus laissés seuls face aux terroristes. Cela à moins qu'il ait négocié autre chose.