L'action judiciaire introduite contre Ahmed Ouyahia par le Syndicat national des avocats, que préside maître Khelili, sera certainement déclarée irrecevable par les juges. Au même moment, le Conseil national des barreaux algériens apporte un démenti cinglant à Me Khelili et se félicite de la disponibilité du ministre de la Justice à poursuivre le dialogue et la concertation. L'avocat, connu pour être le défenseur de la veuve et de l'orphelin, entend par cette réaction prendre une avance sur le ministre de la Justice qui comptait soumettre l'avant-projet au Président de la République afin de le faire passer par ordonnance à l'intersession parlementaire, en attendant d'être avalisé par le Parlement. Me Khelili, qui n'a pas hésité à qualifier cet avant-projet de «Code pénal bis, qui vise à faire taire la voix de la défense», s'inquiète de l'avenir de la profession d'avocat. Ce nouveau texte de loi élaboré par le ministre de la Justice propose, en fait, une réforme radicale de la profession, qui est actuellement régie par un texte plus souple rédigé en janvier 1991. Ce que reproche en fait, le président du Syndicat national des avocats, c'est l'introduction de nouvelles propositions, visant à restreindre la liberté de la défense et rendant plus difficile l'accès à la profession d'avocat. Ainsi, dans le texte de l'avant-projet de loi modifiant et complétant la loi 91-04 portant sur l'organisation de la profession d'avocat, il est dit par exemple, dans l'article 9, que deux nouvelles conditions seront soumises pour l'inscription à l'ordre des avocats. Subir avec succès un test psycho-technique et rendre positives les conclusions d'une enquête de bonne moralité diligentée par le parquet avec le concours des pouvoirs publics, alors que dans la législation actuelle, la bonne moralité est prouvée sur la production du casier judiciaire. Une modification que certains avocats qualifient d'atteinte à la dignité d'un représentant de la loi, qui est ainsi soumis à un test généralement réservé aux repris de justice. Autre proposition jugée irrecevable par le représentant du Bâtonnat, celle relative à l'accès à la profession d'avocat. Ainsi, l'article 9 bis propose d'instituer un concours d'accès aux cours du Certificat d'aptitude professionnelle d'avocat (Capa) alors que l'accès actuel à cette formation est libre et sans condition pour les titulaires d'une licence en droit. Une fois le diplôme obtenu, l'avocat débutant devra plaider sous la surveillance de son directeur de stage pendant une durée de huit ans (six années de formation et deux années de stage informel). Pour Me Khelili, ces nouvelles propositions tendent plus à fermer les portes de la profession à la nouvelle génération, qu'à rendre au métier d'avocat son sérieux et sa discipline. En revanche, pour d'autres membres du bâtonnat, ces nouvelles propositions de loi visent essentiellement à assainir le métier, qui, depuis un certains temps souffre de quelques carences techniques dues aux difficultés des affaires et au manque d'expérience de certains avocats. De plus, cet avant- projet de loi propose d'augmenter la durée de la formation pour l'obtention du Capa à trois ans, alors qu'elle est actuellement de 9 mois seulement. Pour certains avocats, cette mesure est la bienvenue puisqu'elle vise à rendre au métier d'avocat son sérieux d'antan et préparer la nouvelle génération à la concurrence des cabinets étrangers. Parmi les propositions de la cellule de réflexion mise en place par le ministre de la Justice qui comporte entre autres 20 avocats, et qui inquiète Me Khelili il y a celles qui «mettent les avocats sous la tutelle du parquet». Ainsi l'article 48 de ce texte propose d'accorder au procureur le droit et surtout le pouvoir de saisir le conseil de discipline de l'ordre des avocats. Autre modification qui complète cet article, celle qui permet au même procureur d'introduire un recours contre une décision du conseil de discipline. Une mesure qui risque de faire couler beaucoup d'encre et fera, à coup sûr, l'objet d'un débat contradictoire dans les milieux de la justice et de l'Assemblée où chacun ira de sa propre interprétation au regard du texte de l'avant-projet de loi. Ouyahia - qui selon certaines indiscrétions, aurait rédigé lui-même le texte avant de le soumettre à la réflexion et à l'étude de la cellule élaborée par le ministère de la Justice - voudrait rendre au métier d'avocat sa véritable valeur, en lui instruisant des limites. Pour l'avocat Mahmoud Khelili, ses limites ont été largement dépassées, donnant lieu à un véritable verrouillage des libertés de la défense. En attendant, la réaction du ministre de la Justice qui interviendra sûrement la semaine prochaine à l'occasion de la réception du rapport définitif de la cellule de réflexion, Me Khelili prépare activement sa défense de ce qui pourrait être l'affaire de sa carrière.