Les femmes célèbrent aujourd'hui leur journée mondiale, une date instaurée depuis le 8 mars 1910, pour évaluer l'évolution de la condition féminine. En Algérie, les moeurs ont considérablement évolué mais les femmes rencontrent encore des problèmes socio-économiques et la question de leur statut demeure entière. La participation des femmes à l'activité professionnelle est encore faible, indique une enquête établie par l'Office national des statistiques (ONS). L'écart d'activité entre les hommes et les femmes «est bien mis en évidence à travers les taux des actifs, qui est chez les hommes, âgés de 15 ans et plus, de 69,2% alors qu'il n'est que de 12,4% parmi les femmes de la même tranche d'âge». La plus forte proportion d'actives (22,3%) parmi les femmes est observée au niveau de la tranche d'âge 25 à 29 ans, selon la même enquête, qui ajoute qu'à partir de 30 ans, les femmes commencent à cesser l'activité professionnelle. Par ailleurs, «presque les deux tiers des femmes sont occupées dans le secteur du commerce et des services». Le plus souvent, d'ailleurs, il s'agit même de femmes divorcées ou séparées. Le secteur de l'industrie occupe la seconde place et renferme plus du tiers des femmes occupées du monde rural et plus d'un quart de celles de l'urbain. L'ONS révèle aussi que «le nombre des femmes actives, âgées de 15 ans et plus, représente 7,3% seulement de la population féminine totale». Chiffre heureusement réconfortant, elles sont 57% des inscrits à l'université. Ce qui montre que les nouvelles générations aspirent à la modernité, et donc à une réalisation sociale et économique. Les jeunes filles, plus conscientes que jamais des enjeux, fondent leurs espoirs sur la valorisation par les diplômes et le travail. Comme le constate Fatima, cette maman de six filles, «aujourd'hui les priorités et les préoccupations ont bien changé. La femme, à mon époque, arrêtait les études autour de l'âge de 10 ans pour s'occuper de la maison et être ainsi prête pour le mariage. Aujourd'hui, mes filles vont à l'école, se battent pour avoir le baccalauréat, vont à l'université, délaissent même les tâches ménagères». Ce changement des moeurs s'est effectué en à peine deux générations et est conforté par la télévision, l'ère des portables et d'internet. La femme algérienne se veut aujourd'hui résolument moderne, active et surtout persévérante. Elle conquiert peu à peu tous les secteurs d'activité, que ce soit les douanes, les corps de sécurité et, à un degré moindre, le monde politique. Il n'est plus impossible de voir certains postes de direction occupés par des femmes. Exemple, Madame Ghania Houadria, directrice d'Algérie Poste, entreprise publique. Autre modèle significatif, celui de Madame Zohra Drif-Bitat, vice-présidente du Conseil de la nation, qui milite pour une place, toujours plus significative, de la femme dans tous les centres de décision. Des noms comme ceux de Louisa Hanoune, porte-parole du parti des travailleurs, ou encore de Khalida Toumi, ministre de la Culture, viennent compléter une liste naissante de femmes en politique. Longtemps, les femmes ont dû se contenter de postes dits «féminins», dans les services, le médical, le paramédical ou encore l'enseignement. Aujourd'hui, dans les universités de droit, d'économie, de médecine dominent de plus en plus des silhouettes féminines. 53% des médecins généralistes sont des femmes et ce n'est pas peu dire. Il est vrai que les femmes accèdent aux postes de responsabilité plus difficilement et y font encore figure d'exception. Seul un système de quotas pourrait changer éventuellement la donne. Le discours prometteur du président Bouteflika, à l'occasion du 8 mars 2005, encourageait les femmes à se lancer dans la politique. Mais, il semble que le législateur soit encore un peu timide sur la question. Cependant, cela n'empêche pas la nouvelle génération de voir grand. «Nous on veut maîtriser notre destin, faire des choix toutes seules», clament en choeur les soeurs Slimani, âgées de 15 et 18 ans. La première Amina, rêve d'être notaire «comme mon père». Il semble bien que la mère ne constitue plus la référence. Le père est aussi le modèle à suivre, pour réussir et construire un foyer. C'est ainsi que le modèle familial classique subit, lui aussi, une transformation profonde. La famille et le mariage ont complètement changé de sens et de fonction. Le nombre des femmes célibataires représente actuellement environ 20% de la population en milieu urbain, et il devrait atteindre les 30% d'ici 2010. La célibataire n'est plus systématiquement marginalisée. De plus, la réalité économique ne permet plus des mariages à la hâte et les grossesses nombreuses. Le taux de natalité a bien baissé passant de 30,94 à 20,67 en 15 ans. La difficulté d'accès au logement, les coûts élevés du niveau de vie, sans compter les sommes astronomiques de la noce, poussent les familles à réfléchir plus posément sur toutes les questions d'avenir. Toutes ces préoccupations sociales sont aussi des facteurs déterminants non négligeables quant à l'émancipation féminine. La femme fait des choix conjointement avec l'homme pour faire face aux difficultés de la vie. Là semble être toute la subtilité de l'émancipation à l'algérienne : la passation de pouvoir ne lèse pas la gent masculine. Les vrais traditions ne sont pas bousculées. La femme algérienne s'est peu à peu affranchie des contraintes de la société traditionnelle même si, subsistent dans les textes, comme le code de la famille, un certain nombre de dispositions frustrantes et parfois mêmes inégalitaires. En foi de quoi, on peut dire que l'épreuve de l'émancipation continue car, aux yeux du monde, les femmes algériennes restent quand même celles de tous les combats.