L'urgence est d'aller vers une médecine sociale. C'est ce qu'a déclaré hier, le professeur Djamel-Eddine Nibouche, chef de ser-vice de cardiologie à l'hôpital Nefissa Hamoud au CHU d'Hussein Dey. Invité à l'émission Question d'Actu, de Canal Algérie, le spécialiste aux côtés de deux autres sommités de la médecine, à savoir les professeurs Kamel Sanhadji qui vient d'être nommé à la tête de la nouvelle Agence nationale de la sécurité sanitaire (Anss) et Kamel Bouzid, président de la Société algérienne d'oncologie, a expliqué sa vision de la réforme sanitaire. Lancée dernièrement par le président de la République avec la création, notamment donc de l'Anss, cette réforme nécessite «obligatoirement l'identification d'un modèle de santé en fonction des spécificités locales», a estimé le professeur Nibouche qui a appelé à «une vision multisectorielle et une réforme continue en fonction de l'évolution universelle». Estimant que l'organisation actuelle est «totalement anarchique avec un gaspillage extrêmement important», Djamel Eddine Nibouche estime nécessaire de «revoir l'organisation de la médecine gratuite, la sécurité sociale et la disparité de la prise en charge entre le Nord et le Sud. Il faut enlever tous les slogans et réfléchir pour qu'il y ait plus d'efficacité et d'efficience dans le modèle de santé et la faisabilité». Revenant sur la nouvelle Agence nationale de sécurité sanitaire qui vient de voir le jour, le professeur Nibouche considère que la création d'un tel organisme était attendue depuis très longtemps déjà car il y a eu des situations qui ont mis à nu les graves dysfonctionnements dans la sécurité et la prise en charge sanitaires. Aujourd'hui et avec la création de l'Agence, il est primordial, explique le professeur Nibouche, de «définir clairement les prérogatives et les objectifs à atteindre, mais surtout de s'assurer de leur faisabilité». Le professeur Kamel Sanhadji a également évoqué les défaillances du système sanitaire annonçant que l'Anss a tracé une feuille de route qui sera étoffée par l'audit des spécialistes afin de faire face aux risques majeurs quels qu'ils soient. Cet organe qu'il a la charge de présider, devra, explique encore le professeur Sanhadji, «prendre à bras-le-corps la réforme dans sa globalité avec l'aide déjà de la direction générale de la recherche scientifique et du développement technologique qui participera à la récolte des informations, mais aussi l'université. En fait, la pandémie de Covid-19 a permis, pour la première fois, d'apporter la démonstration concrète que la stabilité et la sécurité nationales sont liées à la santé». Pour le professeur Bouzid, la crise du coronavirus a apporté une autre démonstration: l'abnégation et le sacrifice du personnel médical et paramédical. «Malgré les défaillances du système sanitaire, les soignants ont fait face à ce défi avec le peu de moyens qu'il y avait, de la volonté et beaucoup de courage», a déclaré le professeur Bouzid ne manquant pas de s'incliner devant la mémoire des victimes du secteur sanitaire. Il a estimé qu'il était temps que les mentalités changent et que les responsables aient confiance dans leur système de santé. Le professeur Bouzid qui a donné des exemples clairs sur les difficultés rencontrées par le personnel soignant dans son activité quotidienne, a également fait état de l'incohérence des décisions, notamment en ce qui concerne l'obligation du service civil estimant que la disparité régionale en matière de santé ne peut disparaître qu'avec un réel plan de mise à niveau pour le Sud. Le président de la Société algérienne d'oncologie a également souligné l'importance de penser à une politique de prise en charge des maladies chroniques qui engrangent plus de 80% des dépenses de la santé, tout autant que la maladie cardio-vasculaire qui représente le premier taux de mortalité en Algérie, comme l'a, enfin, souligné le professeur Nibouche.