A moins de cinq mois de l'élection présidentielle, Donald Trump est pris à la confluence de trois crises historiques, à la traîne dans les sondages, visé par un livre explosif et accumule les revers à la Cour suprême. Mais son retour prochain en campagne entretient l'espoir d'un rebond. Le républicain n'est «pas apte à la fonction» de président, affirme son ex-conseiller John Bolton, dans un entretien. Le commentaire lapidaire vient ponctuer l'avalanche d'affirmations embarrassantes pour Donald Trump tirées de ses mémoires, qui secoue Washington cette semaine. La Maison-Blanche a beau tenter d'en bloquer la parution prévue mardi, les fuites et les déclarations de l'ex-conseiller à la sécurité nationale alimentent l'image d'un président américain incompétent sur la scène internationale, moqué par de hauts responsables de sa propre administration, mais surtout qui fait passer sa soif de réélection le 3 novembre avant l'intérêt du pays. Quitte à demander des faveurs à des dirigeants étrangers: un geste de la Chine pour satisfaire ses agriculteurs, une enquête sur son rival démocrate Joe Biden à l'Ukraine... «Les conversations de Trump avec Xi Jinping, le président chinois, reflètent non seulement les incohérences de sa politique commerciale mais aussi l'interconnexion dans l'esprit de Trump entre ses propres intérêts politiques et l'intérêt national américain», écrit John Bolton. De la «pure fiction», a dénoncé jeudi Donald Trump, pour qui celui qui fut son conseiller à la sécurité nationale d'avril 2018 à septembre 2019 n'est qu'un «malade» qu'il a «viré» comme il le méritait. La route est encore longue jusqu'au scrutin et Donald Trump a le temps de se relever. Mais en ce mois de juin, les nuages s'accumulent pour le milliardaire new-yorkais, déjà aux prises avec trois crises -sanitaire, économique et sociale, avec le vif malaise racial. Après une brève hausse en mars, sa courbe de popularité a replongé. Sa gestion de la pandémie de coronavirus, qui a fait plus de 110.000 morts aux Etats-Unis, est vivement critiquée. Et la crise du Covid-19 a fait exploser le taux de chômage sur lequel l'homme d'affaires comptait faire campagne. Dans un entretien au Wall Street Journal jeudi, il avance d'ailleurs que les Chinois pourraient avoir encouragé la contagion mondiale parce que les Etats-Unis les «tuaient» économiquement, avant de préciser qu'il en doutait. C'est au moment même où les Etats-Unis s'ouvraient vers le déconfinement que le pays a été saisi par une vague historique de colère contre le racisme et les brutalités policières, après la mort de George Floyd, asphyxié par un policier blanc le 25 mai. Même s'il a dénoncé son décès, Donald Trump n'a pas saisi l'occasion de s'inscrire en président rassembleur, pour s'en prendre plutôt aux manifestants. Dans ce contexte déjà chargé, le républicain vient d'essuyer deux camouflets successifs à la Cour suprême. Lundi, elle avait étendu les droits des salariés homosexuels et transgenres malgré l'opposition de l'administration Trump. Jeudi, elle a validé les protections accordées par son prédécesseur Barack Obama à 700.000 jeunes migrants, les Dreamers, que le républicain voulait supprimer. Des décisions «horribles» venant d'une Cour qui «crache à la figure des gens fiers de se considérer comme républicains ou conservateurs», a réagi Donald Trump. En parallèle, Facebook a retiré des publicités publiées par son équipe de campagne, parce qu'elles affichaient un triangle rouge inversé, symbole utilisé par les nazis pour désigner les prisonniers politiques dans les camps de concentration. Malgré sa campagne en sourdine, Joe Biden, 77 ans, prend le large dans les sondages devant Donald Trump, 74 ans. à l'échelle nationale mais aussi dans des Etats clés, qui font et défont les victoires en basculant d'un parti à l'autre. Le républicain n'a pourtant pas choisi l'un de ces Etats pivots pour tenter de redonner une impulsion à sa campagne de réélection, mais un Oklahoma conservateur. Celui pour qui les meetings de campagne sont toujours une bouffée d'oxygène y retrouvera des milliers de partisans samedi, à Tulsa. Son retour sur les estrades est toutefois assombri par deux polémiques. Il fait d'une part l'objet d'un tir de barrage pour les risques de contamination à grande échelle au nouveau coronavirus que représente ce genre de grand événement. Et de l'autre, pour avoir au départ prévu de l'organiser le 19 juin, jour anniversaire de la fin de l'esclavage, dans cette ville marquée par le souvenir du plus grand massacre d'Afro-Américains, en 1921. Mais des partisans l'attendent déjà, enthousiastes, à Tulsa. Invité à la Maison-Blanche jeudi, le gouverneur républicain de l'Oklahoma, Kevin Stitt, le lui a dit: «Nous avons hâte de vous recevoir.»