Le président turc Recep Tayyip Erdogan a rejeté les critiques concernant sa volonté affichée de reconvertir l'ex-basilique Sainte-Sophie d'Istanbul en mosquée, en dépit de l'inquiétude exprimée en Turquie et à l'étranger. «Porter des accusations contre notre pays au sujet de Sainte-Sophie revient à attaquer directement notre droit à la souveraineté», a déclaré M. Erdogan. Il réagissait à des mises en garde adressées par plusieurs pays quant à un éventuel changement du statut de Sainte-Sophie pour la transformer en mosquée, examiné jeudi par le plus haut tribunal administratif de Turquie. Le Conseil d'Etat turc s'est penché sur une requête en ce sens formulée par plusieurs associations lors d'une brève audience et doit annoncer sa décision sous 15 jours. Convertie en mosquée après la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453, elle a été transformée en musée en 1935 par le dirigeant de la jeune République turque, Mustafa Kemal, soucieux de «l'offrir à l'humanité». Mercredi, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo avait exhorté Ankara à ne pas toucher au statut de musée de Sainte-Sophie et la France a affirmé qu'elle serait attentive «à la préservation de l'intégrité de ce joyau du patrimoine universel» qui doit selon elle «rester ouvert à tous». Le sort de Sainte-Sophie préoccupe aussi tout particulièrement la Grèce voisine, qui surveille de près le devenir du patrimoine byzantin en Turquie. Erdogan, nostalgique de l'Empire ottoman qui cherche aujourd'hui à rallier l'électorat conservateur sur fond de crise économique due à la pandémie de coronavirus, s'est plusieurs fois dit pour une reconversion en mosquée. L'an dernier, il avait qualifié la transformation de Sainte-Sophie en musée de «très grosse erreur». A leur tour, les autorités russes et l'Eglise orthodoxe se sont montrées, hier, «inquiètes» face à la volonté affichée par le président turc Recep Tayyip Erdogan de reconvertir l'ex-basilique Sainte-Sophie d'Istanbul en mosquée. Le patriarche russe Kirill s'est dit dans un communiqué «profondément préoccupé» par un éventuel changement de statut de «l'un des plus grands monuments de la culture chrétienne» et «particulièrement cher à l'Eglise russe», héritière des traditions byzantines. «Toute tentative d'humilier ou de piétiner l'héritage spirituel millénaire de l'Eglise de Constantinople est perçue par le peuple russe - jadis comme aujourd'hui - avec amertume et indignation», a averti le patriarche de Moscou. «Une menace envers Sainte-Sophie est une menace pour l'ensemble de la civilisation chrétienne, et donc envers notre spiritualité et notre histoire», a-t-il ajouté, appelant le gouvernement turc à la «prudence». Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a lui dit «espérer que le statut de la basilique Sainte- Sophie en tant qu'objet appartenant patrimoine mondial sera pris en compte» par Ankara. Il a estimé aussi que Sainte-Sophie avait «une valeur sacrée» pour les Russes, tout en jugeant que la question de la reconversion ou non du lieu relevait «des affaires intérieures de la Turquie». Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Verchinine, a également appelé Ankara à «prendre en compte l'importance mondial» de l'ancienne basilique byzantine. Le plus haut tribunal administratif de Turquie a étudié jeudi une demande de reconversion en mosquée de l'ex-basilique Sainte-Sophie, mesure que le président Recep Tayyip Erdogan appelle de ses voeux «au risque de susciter des tensions avec plusieurs pays». Le tribunal doit désormais annoncer sa décision sous 15 jours. OEuvre architecturale majeure construite au VIe siècle par les Byzantins qui y couronnaient leurs empereurs, Sainte-Sophie est un site classé au patrimoine mondial de l'Unesco et l'une des principales attractions touristiques d'Istanbul.