Le Parlement basé à Benghazi, depuis avril 2019 au moment de l'offensive de Haftar contre Tripoli, a déclaré, hier, soutenir une éventuelle intervention de l'armée égyptienne contre la Turquie en Libye, en cas de «menace» pour sa propre sécurité. «Aux forces armées égyptiennes d'intervenir pour protéger la sécurité nationale libyenne et égyptienne, si elles voient une menace imminente pour la sécurité de nos deux pays», a affirmé l'instance présidée par Salah Aguila. Ce Parlement, élu en 2014, est divisé à l'image du pays, entre pro et anti-Haftar. Avec ce communiqué, il prend position en faveur de la mise en garde formulée par le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, le 20 juin dernier, par laquelle il menace d'intervenir directement en Libye, compte tenu de l'implication directe de la Turquie en soutien au gouvernement d'union nationale (GNA), présidé par Fayez al Serraj et soutenu par les Nations unies. Avec le soutien résolu d'Ankara, les forces loyales du GNA ont infligé, au cours des derniers mois, une série de revers à l'armée nationale libyenne autoproclamée du maréchal Khalifa Haftar qui, plus d'un an après le lancement de son offensive contre Tripoli, est revenu à la case départ. Ses forces sont, en effet, assiégées à Syrte, ultime verrou entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque autour duquel les forces du GNA sont actuellement massées pour un nouvel assaut. Alarmés par l'échec consommé du maréchal, ses soutiens (Emirats, Egypte, France, Russie...) en appellent à une reprise des négociations sous l'égide de l'ONU mais, l'habitude aidant, les deux protagonistes de la crise jouent la montre et font la sourde oreille, en posant des conditions préalables dont ils savent qu'elles constituent un obstacle majeur. «Nous appelons à des efforts concertés entre les deux pays frères, la Libye et l'Egypte, pour assurer la défaite de l'occupant envahisseur (la Turquie) et préserver notre sécurité nationale commune», poursuit le Parlement dans son communiqué qui souligne que «les dangers posés par l'occupation turque représentent une menace directe pour notre pays et pour les pays voisins, surtout pour l'Egypte». Le Parlement qui siégeait au départ à Tobrouk ne reconnaît pas la légitimité du GNA et de son président, Fayez al Serraj et il soutient un gouvernement rival basé dans l'Est, contrôlé par l'ANL de Khalifa Haftar. Mais c'est, également, une assemblée minée par les divisions, des députés boycottant les sessions alors que 40 d'entre eux sur les 188 qui le composent en théorie ont dénoncé l'instance pour s'installer à Tripoli où ils ont élu un président du Parlement, autre que Salah Aguila. Compte tenu de la forte dégradation des relations entre la Turquie et l'Egypte depuis que le maréchal Abdelfatah al Sissi a déposé le président islamiste Mohamed Morsi, soutenu par Ankara, les risques d'une déflagration régionale au Maghreb se sont considérablement accrus. Il ne s'agit pas, comme le suggère le communiqué du Parlement de Benghazi, d'une menace pour le seul terrain égypto-libyen mais également pour tous les pays voisins dont l'Algérie et la Tunisie. Les mises en garde égypto-émiraties adressées au GNA et à son mentor turc contre une offensive pour le contrôle de la ville stratégique de Syrte, située à mi-chemin entre Tripoli et Benghazi, sonnent comme un tambour de guerre qui peut conduire à de graves conséquences humaines et politiques pour l'ensemble de la région, d'où l'urgence impérieuse d'un cessez-le-feu durable et d'un retour à la table de discussions parrainées par les Nations unies, comme n'a cessé de le préconiser la diplomatie algérienne.