Il reste toujours l'un des cinq artistes du style populaire algérois les plus adulés. Et dans le registre qui est le sien, celui de la chansonnette chaâbi modernisée, sur fond poétique sentimental, il demeure le meilleur à tous points de vue. Bien qu'ayant été l'élève du Cardinal, El Anka, et qui ne l'a pas été d'une manière ou d'une autre, et tout comme tout vrai et grand artiste, El Hachemi Guerouabi a vite volé de ses propres ailes en se forgeant sa propre voie et voix. Il a ainsi décidé de ne pas tenter d'imiter aveuglément El Anka, mais de s'inscrire dans une toute autre démarche. Et l'apport du géant Mahboub Bati a été incommensurable dans la percée spectaculaire d'El Hachemi Guerouabi devenu en quelques années l'idole de la majorité des mélomanes et des férus de la chanson chaâbie. Le choix de la chansonnette conjugué à celui de la thématique amoureuse exprimée de manière trop directe n'a pas été sans emballer toutes les nouvelles générations amoureuses de la chanson châabie. Un fin mélomane Avec des chansons comme la mythique El warqa ou encore El barah, Allo allo et la liste est longue, il est devenu incontournable. Guerouabi, tout en interprétant les merveilles que lui offrait sur un plateau d'argent Mahboub Bati, ce génie unique des auteurs-compositeurs du genre châabi, n'a pas pour autant abandonné les anciens chants chaâbis sous forme de qsidate longues et envoûtantes à l'instar des inénarrables et immortelles Awicha wel haraz, El meknassia ou encore Youm El Djemaâ khargou riam. Le génie de Guerouabi, en plus de sa voix bien entendu et de sa façon magique d'interpréter les chansons, réside dans le fait qu'il a réussi à marier l'ancien et le nouveau pour plaire aux plus jeunes qui commençaient à se détacher peu à peu du style chaâbi pour être emportés, presque naturellement, dans la mode des chansons occidentales qui étaient en vogue dans les années soixante-dix. Pour écouter et admirer un ténor comme El Anka avec sa manière puriste de produire du chaâbi, il faut être un fin connaisseur et un mélomane patient car ce n'est pas du jour au lendemain que l'on puisse tomber amoureux de l'univers ensorcelant d'El Anka. Guerouabi a vite compris cette réalité. Il fallait faire quelque chose. C'est ce qu'il fit et le résultat a été on ne peut plus satisfaisant. Une voix unique Guerouabi a réussi non seulement à conquérir les jeunes mélomanes, mais aussi la gent féminine. Il avait donc tous les atouts pour réussir dans le registre qu'il a choisi d'investir. Et sur scène aussi, sa prestation était exceptionnelle, son allure, son sourire qui ne le quittait jamais quand il chantait et ses improvisations qui n'en finissaient pas de surprendre ses auditeurs sont autant d'ingrédients qui ont fait de lui un autre géant de la chanson chaâbie algérienne le classant dans la même lignée qu'El Hadj Mhamed El Anka, Boudjemaâ El Ankis et Amar Ezzahi. Un nouveau souffle au chaâbi Quand il interprétait la fameuse El Harraz, Guerouabi tenait toujours en haleine son public qui le guettait inlassablement pour attendre la nouvelle «khardja» (innovation) du maître qui était friand en improvisations. Un art qu'on retrouve aussi chez Amar Ezzahi et chez pas mal d'autres ténors de la chanson chaâbie. Dans le cas de Guerouabi, c'est aussi cette gaieté constante qu'il mettait dans ses prestations, qui faisait de lui ce qu'il était pour ses fans. Il faut insister toutefois sur le fait que sa voix était unique et mielleuse. La modernisation du chaâbi par Guerouabi a permis de donner un nouveau souffle à ce style authentique pour ne pas dire qu'il l'a sauvé d'une certaine manière et dans un certain sens. El Hachemi Guerouabi nous a quittés le 17 juillet 2006. Mais il reste l'un des chanteurs algériens les plus écoutés et les plus adulés par toutes les générations confondues, mais aussi par une infinité d'artistes qui voient en lui un maître et un modèle à suivre. Pour redécouvrir El Hachemi Guerouabi, plusieurs livres ont été écrits sur lui à l'instar de celui réalisé par son neuveu, le romancier et poète Youcef Dris.