Soixante ans de riche carrière, cette femme discrète devait revenir en 2016 jouer dans un film de Sid Ali Bensalem. Aussi, en 2017, dans le cadre de la Journée internationale du théâtre, l'Office national des droits d'auteur et droits voisins, (Onda), le Théâtre national algérien (TNA), et l'Association 3e Millénaire ont rendu un vibrant hommage, en célébrant le brillantissime parcours de ce monstre sacré du 4e art et du cinéma en Algérie, et ce, en présence d'une pléiade d'acteurs et de comédiens qui l'avaient fortement ovationnée. Et pour cause! L'actrice et comédienne Nouria Kazdarli a réalisé un parcours qui capitalise plus de deux cents pièces, cent soixante téléfilms et quatre longs métrages. Nouria Kazderli s'en est allée, dimanche soir, à l'âge de 99 ans avec douceur et discrétion comme l'ont été ses dernières années quand elle a décidé de se retirer du milieu proffessionel après avoir tant donné. Avec un regard perçant, un visage que l'on n'oublie pas facilement, et surtout des rôles forts, Nouria aura marqué plusieurs générations, elle, la doyenne des comédiennes. Une icône des planches À elle seule, elle représente toute une époque révolue qui ne reviendra plus hélas, celle de la comédie populaire et dramatique, très proche d'un public qui fréquentait beaucoup le théâtre et connaissait surtout sa valeur, notamment durant la guerre d'indépendance. Mais il a fallu de la persévérance avant que cette femme ne devienne cette grande icône qu'elle est devenue aujourd'hui. Nouria, de son vrai prénom Khadîdja, était à la base couturière et habitait à Bab El Oued. «Je faisais la marmite pour tous les artistes qui y venaient. Il y avait Touri, Kouiret, Rouiched, amis de Mustapha! Un jour, à la fin de l'année 1945, la troupe devait faire une tournée à l'Est du pays, mais il manquait une femme pour un rôle mineur - Raïs est venu me voir pour jouer ce rôle où je ne devais prononcer que deux phrases, mais j'ai refusé et il a fallu bien me convaincre.» Femme «de caractère, qui crie tout le temps, mais hypersensible» comme en témoignera sa fille Fouzia, Nouria campait souvent des rôles de femmes dures qui haussaient souvent le ton, mais une femme qui savait ce qu'elle voulait, un peu comme dans la vie. Une femme tenace qui se bat pour elle et sa famille. Née en 1921, à Ammi Moussa, dans un village près de Tiaret, à 14 ans, elle rejoint sa soeur aînée établie à Mostaganem. Là, elle fait la connaissance de Mustapha Kazdarli, intellectuel et homme de théâtre qui deviendra professeur d'art dramatique. Le mariage est célébré en 1939. Le couple s'établit à Alger. Et c'est en 1945 qu'elle commence sa carrière artistique à travers des tournées en Algérie. Son mari, de son vrai nom Mustapha Bouhrir, sera arrêté durant la guerre de Libération, torturé et incarcéré durant deux ans. Le couple reprendra de plus belle après l'indépendance ses activités artistiques. Mustapha décède en 2001. Dans le Dictionnaire du cinéma algérien et des films étrangers sur l'Algérie, (Casbah Editions, Alger, octobre 2013), Achour Cheurfi écrit à propos d'elle: «Khadidja Benaïda, voit le jour dans une famille d'agriculteurs originaire de Matmata dans l'Ouarsenis, la famille déménage et s'installe à Mostaganem. C'est dans cette ville portuaire que la jeune Khadidja fit la connaissance de Mustapha Bouhrir, jeune bachelier qui deviendra plus tard son époux et qui sera plus connu sous le pseudonyme de Mustapha Kazdarli. Une femme de caractère Le couple s'est marié en 1939 et s'installa à Alger, elle exerce le métier de couturière et Mustapha travaille à l'Electricité et gaz d'Algérie (EGA), puis à la mairie d'Hussein Dey. Mustapha découvre le théâtre à Alger où il fait la connaissance de Taha El Amiri et Boualem Raïs. Les trois hommes qui ont des vocations d'acteurs créent avec Mustapha Badie une troupe théâtrale, le «Croissant algérien» qui se fondra quelques mois plus tard dans «la troupe des artistes associés». Quelques années plus tard, avec le souhait de son mari, Khadidja Benaïda intègre la troupe en 1945 lors d'une tournée à Constantine où sa carrière commence et elle s'affirmera comme une comédienne incontournable, elle adopta le pseudonyme de son mari avec un autre prénom, désormais son nom de scène est Nouria Kazderli.». Depuis, ce nom est connu de tous les Algériens. Avec le départ de Nouria Kazdarli c'est une nouvelle page du paysage théâtral et artistique qui se tourne. RIP Nouria!