Dimanche 9 août, la nuit tombe sur Alger! Un moment que beaucoup d'Algérois ont décidé de contempler...dehors! Car, c'est la première fois depuis plus de 5 mois qu'ils peuvent sortir à la tombée de la nuit, couvre-feu sanitaire oblige. Ils ne se sont pas fait prier pour profiter de ce moment que certains n'hésitent pas à qualifier de magique. «Je vais, rallumer les phares de ma voiture et sortir rouler la nuit. Cela m'avait manqué», indique Ghanou, un jeune père de famille qui avoue avoir pris le volant juste pour retrouver le plaisir de la conduite nocturne. Les embouteillages, qui étaient encore plus importants que durant la journée, ne l'embêtent nullement. «Bien au contraire, cela me permet de contempler ‘'Alger by night''. Je la vois d'un autre oeil», ajoute-t-il avec beaucoup d'émotion. Il n'était pas le seul à avoir eu l'idée d'une virée nocturne vers la capitale. «El Bahdja» a retrouvé sa joie estivale. Ses entrées et sorties étaient complètement bouchées. Les principales ruelles grouillent d'une foule compacte. Les vendeurs de glaces ont retrouvé leurs places. Des chaînes humaines se sont formées devant leurs devantures. Les citoyens attendaient patiemment de pouvoir goûter à ce plaisir glacé. «Durant les nuits chaudes de l'été, on a pour habitude de manger une glace et se balader en famille. C'est notre petit péché mignon qui nous a particulièrement frustrés», indique Farida, accompagné, de sa petite famille en train de croquer leurs cornets de glace. Les crémeries n'étaient pas les seules a avoir été prises d'assaut. Les fast-foods ont retrouvé leurs clients. Même s'ils ne servent encore qu'à vendre des produits à emporter, cela n'a pas refroidi les ardeurs des amateurs de la «Junk food». Ils mangent leurs sandwichs, hamburgers et autres «French Tacos» en marchant ou en se mettant dans un petit coin bien aéré, à l'image du jardin de la Grande Poste qui s'est transformé en «garden party». «Manger dehors est le seul moyen de distraction des Algériens. Avec ce couvre-feu à 23 h, on peut enfin respirer. On ne se prive pas de prendre un bon Tacos en plein air», soutient Salim assis avec ses amis dans cet espace vert du centre d'Alger. «Nous sommes vraiment heureux de pouvoir profiter de ce qui nous reste de l'été. Vivement le retour des plages et la réouverture des cafés et autres restaurants!», réplique la bande d'amis de Salim, qui étaient collés les uns aux autres échangeant même leurs canettes de limonade... Rares sont les masques! Cette petite virée algéroise nous ferait presque oublier l'existence du Covid-19! Les règles d'hygiène et de distanciation sociale sont quasi inexistantes. Les gens sont presque les uns sur les autres aux entrées des magasins. Ils se bousculent même pour être les premiers à avoir leurs glaces ou leurs jus glacés. Le plus terrible est le fait que la majorité des personnes ne portait pas de masque. «Makache la police douka (il n y a pas de policiers maintenant, Ndlr)», fait savoir, avec un large sourire, un jeune que nous avons interrogé sur les raisons qui font qu'il ne porte pas sa bavette. «Il n'y a pas de contrôle, donc pas d'amendes...», poursuit-il non sans sortir son masque de sa poche. «Au cas où je tombe sur un contrôle de police», a-t-il souligné. Les jeunes ne sont, cependant, pas les seuls a faire preuve d'inconscience. Leurs aînés ne font guère mieux. On a observé des familles entières qui se baladaient le visage en...l'air. «Il fait trop chaud, on n'arrive pas à respirer avec les bavettes, c'est pour cela qu'on ne les porte pas», répond un père de famille avant de tenter de se justifier. «On est entre nous, on approche personne», assure cet homme qui se trouvait pourtant, au milieu d'une dizaine de personnes qui n'étaient séparées que par quelques centimètres. Pis encore, on a même vu des personnes du troisième âge qui ont repris leurs bonnes vieilles parties de dominos. Elles étaient évidemment toutes regroupées dans un même coin, sans leurs masques. «On les a laissés à la maison. Makache corona fel lile (il n'y a pas de coronavirus la nuit)», plaisante l'un d'eux en faisant référence à ce nouveau couvre-feu nocturne. «On se moque tellement de nous que je ne crois plus à l'existence de ce virus», peste l'un de ses amis entre la pose d'un domino et une autre pose. «Je laisse ma vie aux mains du Créateur. Ce qui est écrit ‘'maktoub'' est le bienvenu», rétorque-t-il non sans avouer qu'il avait «abandonné» toutes les mesures dictées par les autorités sanitaires. Le relâchement des commerçants... Un relâchement qui se fait également ressentir chez certains commerçants. On ne croirait pas que ce sont les mêmes magasins que l'on voie avant la tombée de la nuit. Dans la journée, ils respectent toutes les règles à la lettre, notamment celles relatives à l'obligation du port du masque ou de la limitation du nombre de personnes en même temps dans la boutique. Le soir, c'est un véritable «souk». Heureusement, ce ne sont pas tous, mais certains laissent entrer des dizaines de personnes à la fois, ils acceptent même ceux qui n'ont pas leurs masques. Pourvu qu'ils écoulent leurs marchandises en «suspens» depuis presque 5 mois. «On est en Algérie, ils savent qu'il n'y a presque pas de contrôle nocturne alors que certains font ce qu'ils veulent, sans se soucier de leur santé ni de celle de leurs clients», dénonce Mourad, un vendeur de sacs et accessoires pour femmes qui fait partie de la minorité qui applique les mesures d'hygiène et de distanciation sociale pour des raisons sanitaires et non... pécuniaires. Il y a également des restaurants et cafés qui proposent le service à table alors qu'il ne sera autorisé qu'à partir de samedi prochain. Certains grands hôtels et grands restaurants le font, eux, depuis un bon moment de façon «clandestine». «La majorité n'a ouvert que les terrasses et laisse de l'espace entre une table et une autre. Mais ils sont ouverts depuis plusieurs semaines, sans être iniquités. Ils sont tolérés», témoigne Karim, un habitué de ce type d'endroits. Voilà donc que les Algériens reprennent peu à peu leur vie normale. Mais gare à l'excès de confiance et au relâchement, le virus n'a pas disparu! Si on continue sur cette lancée, on risque un retour à la case départ, si ce n'est une deuxième vague...