Ecrit dans les années 1838-1839, « Abd-el-Kader et les relations entre les Français et les Arabes en Afrique du Nord », du lieutenant d'artillerie Adolph Vilhelm Dinesen (1807-1876) pourrait être le premier livre traitant de la personne, du combat et de l'oeuvre de l'Emir. Le livre du jeune officier d'artillerie danois n'a pas la prétention d'être un chef-d'oeuvre littéraire, mais il est remarquable pour deux raisons. D'abord, parce qu'il s'agit vraisemblablement du premier ouvrage consacré à cet homme voué à une destinée extraordinaire. Ensuite, de par le regard critique et objectif que l'auteur porte sur les faits qui ont conduit l'Emir à s'imposer en tant qu'interlocuteur unique avec les forces françaises établies à Oran. Publié à Copenhague en 1840, sa traduction allemande, parue la même année à Berlin, devait susciter le plus grand intérêt dans les cercles militaires qui y voyaient une référence crédible. Inscrivant au début de son ouvrage une lecture intéressée des moeurs guerrières et politiques des tribus arabes dans la province d'Oran, l'auteur dresse une cartographie très précise de la région avant de se consacrer à la personne de l'Emir et à son oeuvre en tant qu'administrateur de son Etat, acquis après d'habiles tractations avec la partie française. Une partie des correspondances entretenues avec le général Desmichels témoigne de cela, et l'auteur ne manquera pas de reconnaître le génie diplomatique de l'Emir en joignant ses commentaires. Le plus troublant dans cet ouvrage c'est le retrait de l'auteur dans son traitement, si bien qu'on a du mal à discerner ce qu'il a vraiment vu de ce qu'il a pu lire ou entendre. Le parcours du lieutenant Dinesen est, quant à lui, bien connu: compagnon du célèbre conteur Hans Christian Anderson pendant un certain temps, il se rend à Paris en 1837 avant de se porter volontaire dans l'armée française. Il part immédiatement en Algérie avec le général Bugeaud. La description détaillée qu'il donne de la rencontre de Tafna en 1837 entre les deux chefs de guerre laisse supposer qu'il comptait parmi la vingtaine d'officiers ayant accompagné Bugeaud. De cette rencontre historique est née une profonde admiration pour l'Emir Abd-el Kader, l'auteur et le chef de guerre ayant le même âge. Cet ouvrage a fait l'objet d'une récente traduction en arabe. La fondation l'Emir Abd-el-Kader, consciente de l'importance de ce document, s'est procuré une version en langue originale pour une traduction en français. Il s'agit, selon Idriss Jazairy, président de la fondation, signant le préambule du livre, d'une pièce historique précieuse car elle représente l'unique biographie de l'Emir écrite par un de ses contemporains sur le champ de bataille.