Le Liban et Israël, pays voisins techniquement en guerre, ont annoncé jeudi des pourparlers sous la médiation de l'ONU concernant leurs frontières disputées, un accord qualifié d'»historique» par les Etats-Unis. Le secrétaire d'Etat adjoint américain pour le Moyen-Orient, David Schenker, a précisé que ces discussions débuteraient la semaine du 12 octobre. La démarcation de frontières maritimes est liée aux projets d'exploration d'hydrocarbures en Méditerranée orientale. «Sur la question des frontières maritimes, des réunions se tiendront de manière continue au siège de l'ONU à Naqoura», localité frontalière d'Israël, a déclaré lors d'une conférence de presse à Beyrouth le président du Parlement libanais, Nabih Berri. Elles se dérouleront «sous les auspices du bureau du coordinateur spécial de l'ONU pour le Liban», a-t-il ajouté. Israël et le Liban «ont demandé aux Etats-Unis de jouer le rôle de médiateur et de facilitateur pour la délimitation des frontières maritimes, et ces derniers sont prêts pour cela». L'accord est «le résultat de près de trois ans d'efforts diplomatiques intenses» de la part de Washington, a déclaré le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo, en le qualifiant d'«historique». Dans un communiqué publié à New York, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a «salué» l'accord pour lancer des négociations sur «la délimitation des frontières terrestres et maritimes entre le Liban et Israël, qui seront accueillies par les Nations unies dans les locaux de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) à Naqoura». Dans son communiqué, le secrétaire général de l'ONU «reconnaît les efforts diplomatiques soutenus des Etats-Unis pour faciliter cet accord» et assure de la détermination de la mission onusienne «à appuyer le processus comme demandé par les parties et dans le cadre de sa capacité et de son mandat». Les dernières négociations bilatérales entre Israël et le Liban chapeautées par Washington avaient eu lieu en 1983, en pleine guerre civile libanaise. Elles avaient abouti à un accord visant à engager des pourparlers de paix, mais cet accord avait été abrogé après son rejet par plusieurs partis libanais. Le litige maritime entre Israël et le Liban concerne une zone de 860 km carrés. En 2018, le Liban a signé son premier contrat d'exploration pétrolière pour deux blocs offshore (4 et 9) avec un consortium mené par le groupe français Total et incluant l'italien Eni et le russe Novotek. Une partie du bloc 9 se trouve dans une zone maritime disputée avec Israël. Des négociations doivent en outre porter sur les territoires disputés le long de la Ligne bleue, une frontière dessinée par l'ONU après le retrait des troupes israéliennes du Liban en 2000, selon M. Berri. Elles visent à parvenir à un accord «sur la frontière terrestre en lien avec la Ligne bleue», a-t-il dit. M. Schenker a déclaré jeudi que les frontières terrestres feraient l'objet de discussions distinctes. «Nous nous félicitons (...) des nouvelles démarches entreprises par les parties pour reprendre les discussions au niveau des experts sur les points non résolus de la Ligne bleue dans le but également de parvenir à un accord sur la question», a-t-il dit. Mais «il s'agit d'un volet distinct et (...) de discussions qui devront être menées entre les Israéliens, les Libanais et la Finul», a souligné le responsable américain. Le coordinateur spécial de l'ONU pour le Liban, Jan Kubis, a confirmé «les discussions sur la délimitation de la frontière maritime», précisant qu'«une série distincte de pourparlers, sur la Ligne bleue, aurait également lieu». Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gabi Ashkenazy, a remercié jeudi «Mike Pompeo et son équipe pour leurs efforts dévoués». Pendant des années, Washington a fait la navette entre les deux pays pour lancer des pourparlers.Une résolution du litige frontalier est vitale pour le Liban, à la traîne dans l'exploration de ses ressources offshore et englué depuis un an dans sa pire crise économique. «La délimitation des frontières (maritimes) est nécessaire, car elle facilitera d'abord le travail dans le bloc 9 et peut susciter l'intérêt des entreprises internationales pour le bloc 8, dont plus de la moitié se trouve dans la zone contestée», explique Laury Haytayan, experte sur la gestion des hydrocarbures au Moyen-Orient.L'annonce de ces négociations intervient au moment où le Liban, en défaut de paiement depuis mars, est paralysé par un blocage politique après l'échec à former un nouveau gouvernement attendu par la communauté internationale qui réclame des réformes pour débloquer toute aide financière. La situation socio-économique désastreuse du pays a été aggravée par l'explosion dévastatrice du 4 août à Beyrouth, dont une bonne partie de la population attribue la responsabilité à une classe dirigeante quasi inchangée depuis des décennies et dénoncée comme incompétente et corrompue. L'explosion, causée par un incendie, de plusieurs centaines de tonnes de nitrate d'ammonium stockées dans un entrepôt du port de Beyrouth a fait plus de 190 morts et plus 6.500 blessés et a dévasté des quartiers entiers de la capitale. Israël et le Liban sont techniquement en état de guerre et leur frontière commune reste le théâtre d'incidents sporadiques. Le 27 juillet, des échanges de tirs nourris à la frontière avaient rappelé, le temps d'une journée, le spectre de la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah, mouvement armé chiite proche de l'Iran et force politique dominante au Liban.