La fête du printemps est la journée des Braïdjias par excellence. Par son sol fertile, ses montagnes boisées, l'abondance et la douceur de son eau, la région de Bordj Bou Arréridj avait attiré l'attention de plusieurs peuples depuis les époques lointaines. Elle fut maintes fois conquise, soumise et habitée par des peuplades venues de près ou de contrées lointaines d'où un brassage de coutumes, de traditions, dont certaines ont disparu au fil des siècles, mais d'autres se sont ancrées définitivement au sein de la population devenant même un symbole traditionnel bordjien ou braïdji comme la fête du printemps, «Chaou r'bae ou r'bae rabaani». Cet événement est une tradition sacrée pour les familles bordjiennes, où chaque premier vendredi du mois de mars, la population bordjienne sort pique-niquer en un vaste mouvement de foule, unique au monde, riche en couleur de la région, justement hérité de ces peuplades qui, au fil du temps, ont constitué une mosaïque de traditions connues des seuls Braïdjis et Braïdjiates. La fête du printemps est celle de toutes les familles, kabyles, arabes, chaouies, mozabites, soufies, qui sortent accueillir le printemps dans les prés, les champs, les forêts, là où pousse un brin d'herbe, là où se trouve un coin de verdure. Origine indéterminée Les familles préparent pour la circonstance des plats et des gâteaux connus seulement des Braïdjiates, avec uniquement des ingrédients naturels: la semoule de blé ou d'orge, du miel, du beurre, des oeufs, des légumes frais et la datte écrasée, destinés à la préparation de plusieurs plats ou gâteaux, à bénir mère nature pour ses dons à l'être humain. Les origines de la fête du printemps n'ont pas été déterminées. Est-ce une fête païenne, romaine, arabe, kabyle, turque? Ou bien, toutes les civilisations qui se sont succédé dans la région ont voulu transmettre, de génération en génération et pendant des siècles, uniquement les symboles du printemps, pour signifier que le printemps est la meilleure saison et qu'il faut chaque année, l'espace d'une journée ensoleillée, faire un «pèlerinage vers mère nature qui se découvre et offre ses belles couleurs au mois de mars». Ces plats préparés uniquement pour la fête du printemps, l'on retient en premier lieu, lambardja ou «elbradj», la galette aux dattes écrasées. Sa préparation est simple : de la semoule de blé, de l'eau, du sel, du beurre, la datte écrasée (ou el gharss). La datte écrasée est fourrée entre deux couches de galette, bien pétrie et cuite sur un tadjine d'argile. Cette galette sucrée peut être conservée d'ailleurs plusieurs jours comme un gâteau et peut-être additionnée à d'autres plats qui tirent leur préparation des frontières de la wilaya de Bordj Bou Arréridj. Au fait, la wilaya de Bordj Bou Arréridj a adopté, depuis très longtemps, le mode de vie de toutes les régions d'Algérie, devenant le socle d'une véritable mosaïque de traditions algériennes où se mêlent les us kabyles, sétifiens, sahraouis et chaouis, donnant ainsi à la population de la région des Biban, une particularité nationale : tous les «dialectes» ou langues du pays y côtoient une richesse culinaire mais aussi vestimentaire. Toutes ces richesses sont étalées le jour du printemps et mariées aux couleurs de la nature, le vert naturel, rendant Bordj Bou Arréridj, en une journée, un carrefour de toutes les traditions rurales et urbaines du pays, où l'on trouve pratiquement tous les modes de vie du pays. Ainsi, l'olive est fêtée le jour du printemps dans les zones montagneuses du nord où l'on trouve tous les plats kabyles appréciés pour leur goût fort prononcé à l'huile d'olive, notamment le chiouchiou (un couscous garni de tous les légumes frais du printemps, cuit à la vapeur et servi avec des oeufs bouillis et la tikerbabine (semoule roulée en boulettes et mijotée à la sauce blanche ou rouge bien épicée). Toute cette région qui s'étend jusqu'à la wilaya de Béjaïa au nord et à la wilaya de Bouira à l'ouest, a les mêmes traditions. Le tissage pour toute la Petite et Grande Kabylie se fait de la même manière pour le tapis aux multiples couleurs et le burnous blanc. Ces régions se partagent les «traditions et us ancestraux» comme les mariages ou l'organisation des zerdas et ouziaâ (collecte de denrées alimentaires de la part de toute la population pour en faire un festin collectif pour le village lors des fêtes religieuses). Au sud, dans la daïra d'El-Hammadia, limitrophe à la wilaya de M'sila, l'on retrouve les traditions du Hodna avec sa célèbre chakhchoukha et autres plats du Sud algérien comme le zviti mais, là aussi, l'huile d'olive est de tous les plats. A l'est, dans les daïras de Bir Kasdali et Aïn Tagrout, ce sont les traditions sétifiennes avec la chorba frik et el barboucha (el keskès) ou couscous bien garni avec les légumes de saison et une sauce mélangée avec du lait et préparée avec de la viande de mouton et servi, naturellement, avec du petit-lait de vache. A l'ouest, l'on retrouve la daïra de Mansourah coincée dans un triangle formé par les trois frontières des wilayas de Bouira, M'sila et Béjaïa, où se mêlent toutes les traditions culinaires et vestimentaires de ces trois wilayas avec el kachabia, le burnous blanc en laine ou roux tissé avec la toison de chameau, le turban blanc, la gandoura blanche et bien sûr, la traditionnelle robe kabyle avec ses couleurs vives, la robe sétifienne, le hidjab et même le haïk blanc et noir de Sétif. Aussi, toutes ces coutumes, traditions et modes de vie de la Kabylie, du sud du pays et de l'est se trouvent conjugués dans cette région de Mansourah, appelée aussi les portes de fer (El-Bibane, d'où les Biban). Pour les traditions chaouies, mêlées aussi au mode de vie sétifen, elles se trouvent particulièrement dans les communes montagneuses des daïras de Ras El-Oued et Bordj Ghdir, au sud-est de la ville de Bordj Bou Arréridj, limitrophes aux wilayas de Batna et M'sila. Toutes ces habitudes de vie sont conjuguées par des familles bordjiennes qui habitent le chef-lieu de la wilaya, où l'on peut vous préparer toutes les spécialités de ces régions sans oublier des plats ruraux comme ezraïqa (un mélange de semoule, sauce, beurre, lait de vache et oeufs) et hasoua (des spaghettis maison, piquants, à la sauce rouge ou bouillis au lait). Avec ces quatre frontières sétifiennes (à l'est), sahraouie (au sud, M'sila), kabyle (au nord, Béjaïa) et chaouie (au sud-est, Batna), la wilaya de Bordj Bou Arréridj est un véritable socle où la culture algérienne dans ses formes de vie est présente. Journée des légendes A cela, l'on note que dans la daïra de Zemmourah, au nord-est de la wilaya, un haut lieu de religion musulmane, l'on trouve aussi des traditions turques, mais avec le temps, elles ont été imprégnées de toutes les traditions kabyles. En tout cas, toutes les familles qui résident dans la région de Bordj Bou Arréridj peuvent prétendre être de toutes les régions d'Algérie. On ne peut passer sous silence le fait que c'est probablement la seule ville où les mariages sont fréquents entre familles kabyles, arabes, chaouies, mozabites et soufies. La fête du printemps est la journée des «Braïdjias» par excellence. D'autres plats préparés avec des herbes fraîches le premier jour du printemps, aujourd'hui, remplacés par la pomme de terre frites ne sont que dans l'imagination de nos vieilles mères. La journée du printemps est celle aussi des légendes, des rencontres pour les futurs époux - il fut une époque à Bordj où l'on ne voyait sa future mariée que le jour du printemps et la nuit de noces - loin des bruits de la ville, la journée du printemps rappelle à tous les Braïdjis, leurs souvenirs d'enfance, la rencontre de leur premier amour, leur première sortie dans les prés et leur première rencontre avec la nature. Qu'il soit kabyle, arabe, mozabite, soufi, turc ou chaoui, le printemps est bien accueilli à Bordj Bou Arréridj. Il reste éternel.