Alors que le pays profond bruit de mécontentements et de manifestations parfois violentes, notamment dans la région ouest où les jeunes impatients ne cessent de réclamer les emplois promis par les gouvernements successifs de Youssef Chahed puis de Elyes Fakhfakh, la capitale vit quant à elle au rythme des rumeurs concernant le remaniement ministériel donné pour «imminent». «Les bruits, affirment plusieurs médias locaux, se font de plus en plus pressants» et certains n'hésitent pas à se livrer à des révélations a priori hasardeuses, s'agissant d'un événement qui pourrait n'intervenir que dans quelques jours seulement. Auquel cas, la liste a largement le temps d'être vue et revue, à loisir. Toujours est-il qu'au sein des principales formations présentes à l'Assemblée des Représentants du peuple, le Parlement tunisien, les discussions et même les tractations semblent aller bon train, de sorte que des noms sont jetés en pâture à qui veut croire qu'il s'agit bien d'une option arrêtée et non d'un simple voeu. Au ministère de l'Intérieur, on évoque donc Sofiene Essid ou Walid Dhahbi, à celui de la Justice, Youssef Zouaghi, aux Affaires sociales il est question de Chiheb Ben Ahmed et à la Santé de Hachemi Louzir. D'autres départements sont également pointés avec des candidats dont rien ne dit qu'ils sont eux-mêmes au courant de leur candidature! Le chef du gouvernement Hichem Mechichi reste, pour sa part, silencieux, tout en ayant annulé sa visite à Paris pour participer au One Planet Summit consacré à la question du climat et de l'environnement. Et côté partisan, le ton est plutôt acerbe, comme le montre le propos du député de Qalb Tounes, Yadh Elloumi, qui affirmait, hier, que son parti n'avait pas connaissance d'un éventuel remaniement ministériel. Ajoutant que telle n'était pas à son sens la priorité, le pays étant confronté à une grave crise pandémique du Covid-19 et socio-économique induite par les mesures prises face à cette menace, il qualifie l'éventuel remaniement d' «inopportun» et relance, avec force, la revendication d'un gouvernement politique», avant de conclure que son parti «n'est plus en phase avec Hichem Mechichi. Or, si tel est le constat de Qalb Tounes, il n'y a forcément plus de place au doute quant à une approche identique de son allié Ennahdha. Cette formation islamiste a accepté, la mort dans l'âme, de soutenir le programme du gouvernement Mechichi, «pour le bien de la Tunisie», mais en coulisses, les armes étaient sans cesse aiguisées, pour le cas où. Mais patatrac! En limogeant le mois dernier le ministre de l'Intérieur, de façon bruyante et ostentatoire, Hichem Mechichi a opéré un spectaculaire rapprochement avec la troïka parlementaire, composée d'Ennahdha, al Karama et Qalb Tounes, au détriment de Carthage. Abandonnant sa carte de technocrate, il s'assurerait, grâce aux deux partis islamistes et à leur allié, une ceinture parlementaire adéquate, à même de lui garantir une certaine longévité. A ce stade, il ne s'agit, soulignons-le, que de rumeurs et de pures spéculations dont la Tunisie meuble son quotidien difficile.