Le président Kaïs Saïed a décidé, avant-hier, qu'il y a soit le gouvernement Fakhfakh, soit des élections anticipées. Les partis et les organisations nationales multiplient les tractations pour un compromis dans les délais constitutionnels, qui expirent aujourd'hui. Il a fallu une décision souveraine du président Saied, menaçant d'élections anticipées, en cas d'échec de Fakhfakh, pour couper court aux spéculations d'Ennahdha sur une autre issue constitutionnelle. Kaïs Saied l'avait annoncé au président de l'Assemblée, l'islamiste Rached Ghannouchi, en présence du chef du gouvernement de gestion des affaires courantes, Youssef Chahed. La Com de la présidence de la République a diffusé la vidéo qui a remis tous les partis sur le droit chemin. Tout le monde était devenu expert constitutionnaliste en Tunisie, durant les dernières 48 heures, pour interpréter l'article 89 de la Constitution, si Elyes Fakhfakh n'obtient pas la confiance de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Les islamistes d'Ennahdha et Qalb Tounes ont prévu de voter une «motion de censure» contre Youssef Chahed et proposer un nouveau chef du gouvernement, dans la période précédent le 15 mars, date fatidique, avant que le président de la République ne dissolve l'ARP. Tahya Tounes, le parti de Youssef Chahed, répond que «cela n'a aucun sens de retirer la confiance à une équipe chargée des affaires courantes, pour remettre la même équipe aux affaires courantes». Le flou était total. Il a donc fallu une intervention énergique du président Saied pour dire qu'il n'y avait que l'option Fakhfakh ou des élections anticipées. Les constitutionnalistes ont conclu que c'est le droit du président de la République d'interpréter, puisqu'il est le «garant de la Constitution». Interprétation officielle Pour le Pr Slim Laghmani, universitaire constitutionnaliste, ces interprétations officielles émanent des décideurs en dernier ressort, soit la Cour constitutionnelle, si elle existe, le président de la République, dans le périmètre de sa compétence, ou l'ARP, dans le périmètre de sa compétence. Dans ce cas, Kaïs Saied a fait une interprétation officielle de l'article 89 de la Constitution et elle est considérée comme une décision. Et en évoquant l'alternative du retrait de confiance au gouvernement des affaires courantes, qui a créé des malentendus ces deux derniers jours, le Pr Laghmani a indiqué que cette option ne se pose même pas. «Le gouvernement des affaires courantes n'est évoqué que dans l'article 100 et si on retire la confiance au gouvernement, ce sera une violation de la Constitution», précise le professeur. Des tractations incessantes ont lieu, depuis avant-hier, pour retoucher l'équipe Fakhfakh. Ennahdha et le Courant démocratique ne veulent pas de Mechichi, le proposé au ministère de l'Intérieur. Il est actuellement conseiller auprès de Kaïs Saied. Ennahdha ne veut pas que Lobna Jeribi soit ministre des TICs. Elle est également de la sphère rapprochée du président Saied. Faute de l'attribuer à l'un des leurs, comme ce fut sous Maaref, les islamistes veulent que ce soit un indépendant. Les islamistes veulent aussi que Lotfi Zitoun, l'un des proches conseillers de Ghannouchi, ait un poste. Concernant Qalb Tounes, Fakhfakh a continué à refuser de l'intégrer au gouvernement. Il n'y aurait donc pas de gouvernement d'unité nationale. Soit les islamistes acceptent la proposition légèrement modifiée de Fakhfakh, dans la limite du respect de l'indépendance des ministères de souveraineté, soit la Tunisie va vers des élections anticipées. Les prochaines 12 heures décideront du proche avenir. Le conseil de la choura d'Ennahdha devrait entériner les dernières décisions, selon le secrétaire général de l'UGTT, Noureddine Taboubi. «La Tunisie aura son nouveau gouvernement dans les prochaines heures», a-t-il déclaré aux médias.