En ce jour de Youm El Ilm, nous avons demandé à Mustapha Cherif de nous donner son point de vue sur la vision que le savoir occidental s'est fait au sujet du Prophète. La journée nationale du Savoir, Youm El Ilm, 16 avril, cette année, est marquée par la fête du Mouloud Ennabaoui, 11 avril, la commémoration de la naissance du Prophète. C'est une occasion pour faire connaître à notre jeunesse, des points de vue de chercheurs étrangers objectifs, sur le Prophète, Modèle par excellence des musulmans. Points de vue objectifs qui sont plutôt rares en Occident, ou, du moins, qui ne sont pas assez connus, vu la censure et les interdits au sujet de l'Islam, qui prévalent depuis des siècles, en Occident. Notre Prophète est méconnu. Plus encore, depuis 15 siècles, les idéologies dominantes, selon les époques, cléricales, athées, ou ignorantes des faits, ont imposé sur le Prophète, le refus d'approfondir la connaissance en la matière et ont distillé des informations tendancieuses et erronées. «Faux Prophète» répétaient ceux, qui, habités par la jalousie et la haine, n'arrivaient pas à comprendre la grandeur, les réussites morales et les succès historiques du Prophète. Qui aurait osé dire du bien du Prophète, hier, dans une ambiance de croisade, de colonisation, et, aujourd'hui, dans une atmosphère de dictature du marché et de sortie de la religion de la vie organisées par l'Occident, monde marqué par la culture de «la Mort de Dieu»? Dans le meilleur des cas, on mélange, plus ou moins, le vrai et le faux, mais dans une logique réductrice, de ce modèle sans pareil. L'islamophobie est ancienne, au point qu'une sorte de désémitisation, de désislamisation du fonds commun, judéo-islamo-chrétien et gréco-arabe, a été systématiquement opéré, et s'amplifie en ces temps modernes. Trois exemples d'intellectuels L'opinion publique occidentale et internationale mérite d'être informée sur la réalité de ce Modèle extraordinaire, que le Coran nomme comme «Miséricorde pour les Mondes». Pour les lecteurs, j'ai choisi trois exemples d'intellectuels occidentaux, parmi ceux qui n'ont pas succombé à la propagande des islamophobes, depuis des siècles. Trois savants, trois personnalités européennes de haute culture, trois monuments des lettres européennes attentifs à l'autre, un Allemand, un Anglais, un Français, qui ne sont pas des orientalistes. Le premier est le penseur et romancier allemand, Goethe (1749-1832), auteur de cette oeuvre majeure, Faust, mais aussi d'un ouvrage romancé sur le Prophète. Il nous dit: «J'ai toujours eu une grande estime pour la religion prêchée par Mohammed parce qu'elle déborde d'une vitalité merveilleuse. Elle est la seule religion qui me paraît contenir le pouvoir d'assimiler la phase changeante de l'existence - pouvoir qui peut la rendre alléchante à toute période. J'ai étudié cet homme merveilleux, et, à mon avis, loin d'être un antéchrist, il doit être appelé le sauveur de l'humanité. J'ai prophétisé sur la foi de Mohammed, qu'elle sera acceptable à l'Europe de demain comme elle commence à être acceptable à l'Europe d'aujourd'hui». L'enjeu est toujours d'actualité. Le deuxième témoignage émane du célèbre dramaturge irlandais, George Bernard Shaw (1856-1950), prix Nobel de littérature 1925, considéré comme l'auteur dramatique le plus important depuis Shakespeare et qui puisa son inspiration dans la critique des moeurs du système capitaliste: «Je voulais mieux connaître la vie de celui qui, aujourd'hui, détient indiscutablement les coeurs de millions d'êtres humains ; je suis, désormais, plus que jamais, convaincu que ce n'était pas l'épée qui créait une place pour l'Islam dans le coeur de ceux qui cherchaient une direction à leur vie. C'était cette grande humilité, cet altruisme du Prophète, l'égard scrupuleux envers ses engagements, sa dévotion intense à ses amis et adeptes, son intrépidité, son courage, sa confiance absolue en Dieu et en sa propre mission. Ces faits, et non l'épée, lui amenèrent tant de succès et lui permirent de surmonter les problèmes». Ici, encore cet avis motivé, bat en brèche ceux qui veulent faire croire que la violence est inhérente à l'Islam. Alphonse de Lamartine (1790-1869), le troisième témoin, un poète romantique, auteur de méditations sur le sens de la vie, nous dit: «Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens et l'immensité du résultat sont les trois mesures du génie humain, qui oserait comparer un homme de l'histoire moderne à Mahomet?». Héritage de lumière L'admiration, le regard respectueux, l'approche scientifique quant à la saisie de la personnalité du Prophète, se retrouvent avec clarté dans ces trois témoignages, mais aussi dans d'autres écrits, chez des savants non -musulmans, chrétiens, agnostiques, de Mahatma Gandhi à Martin Luther King, ou, simplement, des hommes et des femmes de toutes les cultures et confessions qui reconnaissent la sagesse, le génie et l'immense humanisme spirituel de celui qui fut choisi, selon le Coran, par la volonté divine, comme le Sceau des envoyés pour toute l'humanité. Le plus beau des privilèges, octroyé au meilleur des êtres de tous les temps. Sommes-nous assez conscients de cet héritage de lumière? C'est à chacun des musulmans à être, aujourd'hui plus que jamais, digne de leur Modèle. Par un comportement humain, raisonnable et responsable. Opposés à toutes les formes d'obscurantisme,les musulmans seront les meilleurs ambassadeurs de l'image du Prophète. Par des attitudes intolérantes ou aveugles, les actes de certains, qui usurpent le nom de l'Islam, portent préjudice à la notoriété de l'Islam, la religion du Salam, de la Paix, mot de la même racine que le mot islam. L'ignorance est la source de bien des maux. Par le savoir et la connaissance, el ilm et maarifa, on saura faire reculer le fanatisme, d'un côté, et le racisme et les partis pris de l'autre. On doit réapprendre à communiquer et à dialoguer. En cette journée, de Youm El Ilm, il faut nous souvenir que le savoir et la foi ne sont pas antinomiques, mais complémentaires. Il n'y aura pas de progrès plénier, sans conjugaison et alliance avec l'authentique. Le Prophète nous a appris l'ihsan, le bel-agir, el wassatia, le juste milieu, la ligne médiane. Il dépend de chacun de nous de donner une belle ou mauvaise image de notre sens de la vie, de notre Modèle, de notre patrimoine spirituel et civilisationnel. Tout en sachant que, dans tous les cas de figure, Dieu et le Prophète sont innocents de ce que les êtres humains font de leurs religion et culture. Nous sommes entièrement responsables. D'où que l'extrémisme et l'intolérance c'est l'anti -Islam. Et la dissolution dans le modèle de vie des autres, source de dépersonnalisation, voire de déshumanisation, ce n'est pas, non plus, la solution. A une question sur «qu'est- ce que la religion?» le Prophète répondit: «Agir selon notre conscience!». Il n'y a rien de plus respectueux de la liberté de l'humain et de sa prime nature, «la fitra», en fidélité au Coran, Voix qui nous parle, qui s'adresse à la raison, pas seulement au coeur. Le Prophète? Modèle universel.