Les objectifs de Washington dans la région pourraient permettre à l'ANP de jouer de nouveaux rôles dans le Maghreb. Le chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), le général-major Ahmed Gaïd Salah effectue depuis lundi une visite officielle aux Etats-Unis d'Amérique, annonce un communiqué du ministère de la Défense nationale (MDN). Le communiqué précise que cette escale intervient à l'invitation du président du comité des chefs d'états-majors interarmées des forces armées américaines, le général d'armée Peter Race, et s'inscrit dans le cadre des perspectives de développement des relations de coopération entre les armées des deux pays. Pour être importante, cette visite l'est certainement, en ce sens qu'elle confirme un nouveau flirt entre Alger et Washington. Depuis la visite de Bouteflika à Washington, où il s'est longuement entretenu avec Bush, il était désormais établi que les Etats-Unis et l'Algérie s'étaient «connectées» pour longtemps. Par la suite, les multiples visites des plus hauts gradés de l'armée américaine confirmèrent les visées militaires de Washington sur l'Algérie. La visite du général d'armée James L. Jones, commandant suprême des forces alliées et commandant en chef des forces américaines en Europe, à Alger, où il s'était entretenu pendant deux jours avec le général-major Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'Armée nationale et les cadres de l'armée, avait renseigné sur la volonté de Washington d'intégrer Alger dans le puzzle sécuritaire qu'elle est en train de mettre au point. Cette tendance militaire se confirmera aussi par la visite du général d'armée Charles F. Wald, adjoint au commandant des forces armées américaines en Europe, mais surtout celle, plus récente, du patron du FBI, Robert Mueller, qui avait dit porter un regard attentionné sur le Maghreb, puis enfin celle, de loin la plus importante, de Donald Rumsfeld, le secrétaire d'Etat à la Défense, dans un périple 100% maghrébin qui le mena aussi en Tunisie et au Maroc. Washington, qui a pu aussi fructifier l'après-11 septembre, semble vouloir durablement s'installer dans la bande sahélo-saharienne, où elle suggère que cette «zone grise», véritable ventre mou du Maghreb, est un «no man's land sécuritaire», qui peut facilement servir de rampe de lancement aux groupes djihadistes affiliés à Al Qaîda. Experts militaires et drones ont mis cette zone sous la loupe depuis 2003, date du lancement du plan «Pan-Sahel Initiative» (PSI), puis de Flintlock, qui a clos ses exercices au début de l'année 2005. Les objectifs de Washington sont pour le moment d'ordre principalement militaire. D'où la visite de Rumsfeld et des principaux chefs militaires dans la région, et certainement celles très prochaines de Condoleeza Rice et de Dick Cheney, deux autres hommes forts du président Bush et «faucons» convaincus de l'efficacité de l'effort de guerre. Les forces américaines engagées au Machrek et les pertes qu'elles y subissent renseignent sur la volonté des chefs militaires américains d'accaparer, en amis et en alliés, le Maghreb. Et pour ce faire, la guerre et les pactes de paix semblent être la diplomatie parallèle privilégiée et le gage d'une politique étrangère conquérante. Lors de sa visite à Alger, le 12 février, le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, avait indiqué que les Etats-Unis souhaitaient accroître leur coopération militaire et antiterroriste avec l'Algérie. De son côté, le chef de la diplomatie algérienne, Mohamed Bedjaoui, en visite à Washington les 12 et 13 avril, avait déclaré que «les Etats-Unis progressivement sont devenus le premier client de l'Algérie dépassant la France et le reste des pays européens», avec un total des échanges, dominés par les hydrocarbures, de 12 milliards de dollars en 2005. L'intégration de l'Algérie dans des opérations menées par l'Otan depuis 2001, et qui ont ciblé principalement la sécurisation de la Méditerranée que Washington juge comme étant une zone hautement sensible et stratégique, a eu pour effet de pousser les forces navales algériennes à accroître leurs aptitudes maritimes, notamment concernant le contrôle des navires, le repérage et l'interception en haute mer. Les visées de Washington dans la région offrent aussi à l'Algérie la possibilité d'intégrer des missions militaires régionales et continentales d'ordre humanitaire et de maintien de la paix, et partant, de se poser comme un leader dans la région, bien que cette éventualité paraît agacer beaucoup de pays voisins et semble mettre sous tension des pays comme la France ou la Russie, alliés traditionnels d'Alger, mais qui semblent y avoir perdu pied. Alliance tactique pour Alger, stratégique pour Washington qui s'appuie sur des motifs avant tout militaires, car les impératifs de la sécurité intérieure sont devenus la grande hantise américaine depuis les événements du 11 septembre. Occupant la bordure sud d'une bonne partie de la Méditerranée, l'Algérie peut au moins mettre sous la loupe cette partie qui préoccupe les Etats-Unis en ce sens qu'elle constitue un passage pour l'Atlantique, donc pour les Etats-Unis. C'est le plan inclus dans l'opération «Active Endeavour» («Participation Active»). Pour les soucis américains concernant le Sahel, vaste bande sahélo-saharienne qui hante l'esprit de ses experts militaires, l'Algérie constitue déjà un rempart sûr contre toute incursion terroriste, d'autant plus que le Gspc y a été largement décimé par les militaires.