L'importance de la délégation qui a accompagné le chef d'état-major renseigne sur les discussions de haut niveau qui se sont tenues au Pentagone. Le général major Ahmed Gaïd-Salah, chef d'état-major de l'ANP a clos jeudi, sa visite de travail de quatre jours aux Etats-Unis, à la tête d'une importante délégation de hauts officiers de l'institution militaire, visite effectuée à l'invitation du chef d'état-major interarmées américain, le général d'armée, Peter Pace. Le chef d'état-major, Ahmed Gaïd-Salah, a clos son escale américaine par une série d'entrevues avec de hauts responsables américains à la défense. Un texte de l'APS, qui cite une source proche de la délégation algérienne, précise que la journée de jeudi, dernière journée de la première visite d'une délégation de l'état-major de l'ANP aux Etats-Unis, «a été réservée à une série d'entretiens au Pentagone, entretiens centrés notamment sur les voies et moyens du renforcement de la coopération militaire, de sécurité et de défense entre les deux institutions militaires». La délégation de l'état -major de l'ANP, qui était accompagnée de l'ambassadeur d'Algérie aux Etats-Unis, Amine Kherbi, a été, en outre, conviée à un dîner offert en son honneur, en sa résidence, par le général d'armée Peter Pace, président du comité des chefs d'état-major interarmées des forces armées américaines. Dans l'après-midi de jeudi, un tête-à-tête avait réuni le général Ahmed Gaïd-Salah et le général d'armée, Peter Pace. L'entretien restreint devait ensuite être élargi aux deux délégations, qui ont passé en revue les différents aspects de la coopération bilatérale. Pour être importante, cette visite l'est à plus d'un titre, en ce sens qu'elle confirme un rapprochement tactique et stratégique entre Alger et Washington. Depuis la visite de Bouteflika à Washington, où il s'est longuement entretenu avec Bush, il était clairement établi que les Etats-Unis et l'Algérie s'étaient «connectés» pour longtemps. Par la suite, les multiples visites des plus hauts gradés de l'armée américaine confirmèrent les visées militaires de Washington sur l'Algérie. Par delà les seules affinités politiques qui relient les deux pays depuis les événements du 11 septembre 2001, le Pentagone a bien formulé ses soucis sécuritaires et identifié les plans dans lesquels peut s'intégrer Alger. Pour Washington, en plus de l'appui politique que peut lui apporter Alger, il y a le fait de surveiller, contrôler, de jour comme de nuit, et, au besoin, intercepter et mettre hors d'état de nuire, tout danger qui peut toucher les Etats-Unis ou ses intérêts, et qui viendrait de la Méditerranée ou de la bande du Sahel. Or, pour les deux missions, l'Algérie semble aujourd'hui jouir de la totale confiance américaine. Il est évident que les Etats-Unis, hégémoniques au sein de l'Otan, ont donné le coup de pouce à la percée algérienne dans la région, au détriment d'autres pays. Des dizaines de bâtiments ont accosté la baie d'Alger depuis 2002, et des dizaines de manoeuvres navales ont été opérées en haute mer avec des flottilles du Traité de l'Atlantique, et qui ont ciblé principalement la mise à niveau des Forces navales algériennes. Si l'on se réfère à ce qui a été accompli par la marine militaire algérienne, on constate que les exercices s'étaient surtout articulés autour de missions de communication en mer, de surveillance, de repérage et d'interception de bâtiments suspects. Ce qui donne déjà un aperçu des demandes américaines directes, concernant la marine militaire algérienne, ou « intégrées » dans les formules Otan. Il faut comprendre que pour Washington, et depuis septembre 2001, il y a cette incommensurable crainte d'être encore la cible d'attentats terroristes, et pour l'administration Bush, la notion «zéro mort» devenant absurde, l'impératif est d'assurer sa propre sécurité loin, très loin de ses côtes. Depuis cette date, humiliante, cruciale et déterminante pour Washington, près de 60.000 bateaux ont été interceptés et interrogés par les forces de l'Otan, en Méditerranée, alors que 75 autres ont été interpellés et 500 escortés: c'est l'opération «Active Endeavour» ( «Participation Active») à laquelle participe l'Algérie. Au sud de l'Algérie se trouve la vaste bande du Sahel, c'est-à-dire une autre zone qui pose problème pour Washington, qui y voit une vaste région désertique mais hautement dangereuse, infestée de bandes rebelles, de cigarettiers organisés en groupes maffieux, de contrebandiers de tous bords, de séparatistes invétérés et de salafistes djihadistes. Même si plusieurs pays ont été intégrés dans le plan américain dit Pan-Sahel, l'Algérie présente bel et bien un pays à part entière, avec un capital d'expérience cumulé dans la lutte contre le terrorisme. Il s'agit enfin du pays qui possède l'armée des frontières la plus importante, la mieux équipée, et dont les frontières sont les plus hermétiques. Voilà en clair les soucis américains exposés, et voilà les motifs pour l'Algérie de percer au niveau régional et d'aller au plus vite vers la professionnalisation et la spécialisation de son armée. En tirant le plus des Forces militaires avec lesquelles elle est en contact, elle peut, à terme, et c'est ce qui se dit déjà dans les cercles initiés, mener des missions humanitaires et de maintien de la paix sous l'égide de l'ONU ou de l'Otan.