C'est ce qu'a fait Lounis Ait Menguellat dans le poème «I-wigad-iw» (À tous les miens) dans l'opus (Tudert-nni). Ci-après, j'ai repris en adaptation libre, ce poème que je considère majeur pour justement rendre hommage à cette génération pacifique, éprise de justice et qui lutte pour une Algérie plurielle et unique. Abreuvés à la même source, on s'est entendu et concilié dès notre première rencontre car nous savions que nous étions formés à la même école de la vie. Nous avons été éduqués à travers les mêmes aléas imposés par les circonstances. La vie nous a gratifiés de beaux et pires moments dans lesquels on s'est reconnu et bâti un comportement et une manière d'agir. Ainsi, on s'est forgé un socle et une référence communs pleins de sens et de dignité. L'avenir avec circonspection Dans les situations les plus tragiques, nous avons su sauvegarder l'essentiel car nous sommes conscients que nous n'avons qu'un seul pays et nous n'avons jamais admis une marâtre ou une tutelle. On s'est juré de ne pas le délaisser dépérir et lorsque l'un de nous flanche, l'autre se charge de le relever au nom des principes de droiture que nous nous sommes imposés. Il n'est plus question de s'entre-déchirer et se chamailler pour des situations relevant beaucoup plus de l'ego et qui sont entretenues par ceux-là qui tirent les ficelles, comme dans le jeu de marionnettes. Cela fait très longtemps qu'on est embarqué, ensemble, dans une même galère. Le temps parait court et long en même temps. On est toujours ravi de rencontrer ceux que nous aimons, à qui on se confie et que nous écoutons avec respect et intérêt car nos destins convergent. Même nos rêves ont les rêves communs. On est bien conscient de la situation et l'avenir nous l'appréhendons avec circonspection pour ne pas se laisser corrompre par les futilités dressées devant nous, par les Chasseurs de lumière, comme étant essentielles pour notre devenir. On s'est habitué à vivre ensemble, en ayant une pensée pour ceux qui nous ont quittés dans des conditions et des situations indescriptibles, ceux que nous connaissons bien sans pour autant oublier de croquer la vie à pleines dents et l'aimer à en mourir. Que de temps passé! Les cheveux grisonnants de nos têtes nous étonnent car nous ne les avons découverts que devant le miroir. Ravis de se voir, on l'est toujours à chaque rencontre, car cela nous fait oublier les soucis quotidiens et le vivre ensemble nous rassure. Accueillons l'avenir avec le sourire pour qu'il nous réserve un éden terrestre, à léguer à nos enfants et aux générations futures. Eh oui! la vie a été très dure pour nous et le sort ne nous a point épargnés. Nous avons été surpris par les flots des fleuves-tragédies qui ne sont pas arrivés à nous faire vaciller et ébranler. Malgré les injustices et les drames subis, il n'a jamais été question pour nous tous de renoncer à l'Idéal et faire marche arrière. L'idée de renoncement n'a jamais effleuré nos pensées car l'Avenir nous préoccupe plus que tout afin de mériter la dignité de ceux qui ont combattu pour les libertés dans des milieux souvent hostiles. Que le bonheur fasse tache d'huile Vers l'avant, nous avons progressé, en nous imposant la mesure du silence qui progresse à la vitesse de l'éclair, plus importante que le son. Lorsque la conscience a fait appel, le fleuve-tragédie, qui a failli emporter l'essentiel de notre pays, s'est figé car le flux et le froufroutement des marches s'est révélé plus résilient et plus résistant que les funestes manigances. On souhaite juste que le bonheur perdure et qu'il fasse tache d'huile car on ignore ce qui adviendra dans cet avenir incertain. À notre âge, chaque jour compte et on se doit d'affronter la vie avec dignité et sourire aux lèvres car demain, serait peut-être trop tard. L'incertitude qui pèse sur demain fait que c'est comme si nous avions un pied à terre et l'autre à l'étrier, comme les valeureux cavaliers, et en même temps un pied dans l'avenir et l'autre dans l'au-delà. Le poids de l'âge fait que nous sommes beaucoup proches de l'autre monde que de la jeunesse que nous vénérons et durant laquelle nous voulions croquer la vie à pleines dents alors qu'elle ne représente qu'un transit pour passagers... intérimaires. De tous les aléas affrontés, nous avons engrangé, toute une culture orale que nous avons consommée et semée comme viatique. Des poèmes nous avons été abreuvés. Soyons plus dignes et rendons hommage à tous les sages, poètes et philosophes, avant l'heure, et autres troubadours qui ont bercé notre jeunesse et qui ont affuté notre sens de l'honneur et de la dignité. Au final, nous ne sommes que des maillons d'une chaîne de transmission et en même temps les fils inextricables d'une oeuvre de tissage faite avec l'amour de notre culture. Nous avons été à la bonne école de la vie durant laquelle, les Ainés nous ont transmis leur savoir que nous avons remis aux relais de la nouvelle génération qui nous parfume et encense avec du baume empreint de notre identité.