Par son fils : Walid Khelifi La vie est belle, ne laisse rien ni personne te faire croire le contraire. Ces mots que mon p�re m'a l�gu�s devraient �tre prononc�s � tous nos proches, et m�me aux inconnus. Ces paroles de sagesse d�coulent d'une exp�rience riche et exceptionnelle, que ce soit en termes d'engagements, de v�cu ou m�me de d�ceptions. Nos vies sont ainsi faites : perfectibles, incertaines et erratiques ; mais ce qui demeure pour vrai de par les si�cles et les temps, c'est que notre passage sur cette terre est une chance, une b�n�diction par del� les troubles et les complications. Celui qui a connu l'amour ne serait-ce qu'un jour ; celui qui a �t� heureux ne serait-ce que le temps d'un tour, peut certifier que r�ellement, la douleur est la ran�on du bonheur. Cet amour pour la vie, ce sentiment de paix � l'�gard du monde, je l'ai toujours per�u chez mon p�re. Le courage et la joie sont d�cid�ment les attributs des rois. Mon p�re n'en �tait pas un, bien au contraire, il a toujours combattu les privil�ges de naissance et de rang, pour ne favoriser que la dignit� et l'�galit�. Pour autant, il a toujours gard� une admiration patente pour l'univers des convenances, des bonnes mani�res et de l'�l�gance h�rit�es de l'aristocratie europ�enne qui a marqu� l'histoire de par son faste et son raffinement. Mon plus grand compliment fils, me disait-il, c'est une femme d�tach�e de la CIA qui me l'a fait. C'�tait � l'occasion d'une rencontre FLCIO UGTA en 1996, dont mon p�re menait la d�l�gation alg�rienne, qu'un agent des services am�ricains, une certaine Joanna, d�clara � propos de lui : Cet homme, vous le mettez seul au milieu de Bombay, et il en ressortira avec mille id�es.� Ce mot l'a touch�, et il garda de ce voyage aux Etats-Unis une grande impression de grandeur et de respect envers cet antre du capitalisme d�brid�. Lui qui eut � visiter l'URSS en 1976, fut troubl� par la diff�rence de perceptions qui �manait de ces deux pays autrefois �ennemis� ; l'un sentait la libert�, l'opulence, et l'autre la d�tresse et l'ennui. Mais c'�tait pour lui et ses amis, tous marxistes plus jeunes, un crime de l�se-majest� que de l'avouer. Donc m�me bien apr�s la d�sillusion communiste, il ne le confessait qu'� mots couverts. Eh �amis de Max� comme les appelait tendrement un gars du village. Il leur disait vous �amis de Max�, vous ne faites que parler ; moi pour ma part, j'ai une terre � labourer. Cette sagesse paysanne, tr�s t�t, il l'int�gra dans son parcours de vie. Quand les enfants pleuraient en Alg�rie, Boumedi�ne les couvrait de son burnous A Gouraya, coquet village berb�rophone et colonial de la c�te alg�rienne, une bande de �r�volutionnaires � nourri au boumedi�nisme, activait, qui dans le volontariat, qui dans le militantisme, pour porter les fleurs d'Alg�rie � leur bourgeonnement. Ces jeunes gens, fins lettr�s et intellectuels � souhait, auront � arpenter les grandes villes du monde, et � c�toyer les hautes fonctions de l'Etat. �Tout ceci gr�ce � Boumedi�ne�, me r�p�tait-il. �Il a fait d'un peuple de gueux, une nation qui compte dans le monde.� Il n'est point ici question de d�terrer la querelle de �sourds� qui vibre ces temps-ci sur les choix de l'illustre pr�sident alg�rien, mais il s'agit ici de rendre voix � un sentiment partag� par beaucoup d'Alg�riens de l'�poque, qui faisait qu'on �tait fier de son pays, et fier de lutter pour son essor. Mon p�re me rapporta une histoire elle-m�me cont�e par ma grand-m�re. �a disait en somme que quand les enfants pleuraient en Alg�rie, Boumedi�ne les couvrait de son burnous. Cette anecdote �mouvante trace la pr�sence de ce personnage �minent dans l'inconscient des Alg�riens de l'�poque, et jusqu'� maintenant, sa m�moire demeure entour�e de respect et de consid�ration par ceux qui ont pris part � cette �belle aventure� pour la dignit�. Plus tard, terminant ses �tudes � l'ENA, mon p�re serra la main � �l'homme au burnous�. Il me relata la venue du pr�sident � l'occasion de la nouvelle promotion de futurs fonctionnaires, et son discours � leur adresse : �Vous �tes tous ici, parmi la cr�me de l'Alg�rie, et vous jurez de servir votre pays. Soit, mais laissez-moi laissezmoi vous dire une chose ; attention � ne pas oublier votre peuple quand vous serez aux responsabilit�s. Car il est ais� de promettre, mais tellement difficile de rester honn�te.� Par ces mots de feu Boumedi�ne, entendus tr�s jeune de ma part, je me suis fait une id�e sur l'engagement des �anciens�, de leur patriotisme et de leur espoir appel� Alg�rie. Les plus jeunes ne comprendront peut-�tre pas, comme le dit la chanson, mais il n'est pas interdit d'�couter. Ecouter cette force qui a port� toute une g�n�ration � la libert� et � la dignit�. Ecouter les berceuses de nos grands-m�res sur la duret� d'�tre parfois l�. Mais �couter aussi le silence de tous ceux qui ont lutt�, et qui ont �t� oubli�s. Se battre pour les d�sh�rit�s et les moins nantis est l'apanage des grands seigneurs, des �mes bien n�es, et � ceux-l�, personne ne pourra leur enlever ce que la justice leur doit. Quand je lui faisais part de mon scepticisme quant � son combat, il me r�pondait toujours : fils, tu grandiras et tu comprendras. Il m'a racont� tant de fois le film de Sitting Bull et du g�n�ral Custer, chefd'�uvre du septi�me art qu'il a d� regarder tant de fois. Il est plus pr�cis�ment question d'une sc�ne, que je n'ai pas vue, mais qui m'a �t� racont�e avec tellement de force et de conviction, qu'elle en est devenue une philosophie de vie et de courage pour moi. Dans la s�quence en question, le g�n�ral Custer, chef de la cavalerie am�ricaine, assi�ge les troupes de Sitting Bull, chef sioux, avec lequel il avait tiss� des liens d'amiti� et de respect, comme seuls deux �ennemis� peuvent saisir le degr� de leur honneur respectif. Mu par ce sentiment d'admiration envers le farouche Indien, le g�n�ral d�cide de lui envoyer un �missaire pour lui donner une chance de se rendre. Il en fut fait, et � cette proposition relevant du bon sens militaire, le chef indien r�torque � son �ami� am�ricain : �Dites au g�n�ral Custer, pour lequel j'ai beaucoup d'estime, que s'il me respecte vraiment, il doit me laisser me battre jusqu'� la fin� ce serait son honneur de me laisser essayer� dites � mon ami, laissez-moi essayer une derni�re foi�� Ce r�cit a lui tout seul m'a appris le sens du mot honneur, et gr�ce � cette m�taphore digne des plus grandes trag�dies, je me dis que ni la mort, ni les obstacles ne peuvent ternir la noblesse de ceux qui essayent une derni�re fois. Le souvenir d'une telle grandeur d'esprit, transpos� dans la r�alit� alg�rienne, nous fait dire qu'un jour ou l'autre, la lumi�re et la bravoure de gens � cette image guideront des intentions sinc�res, car la m�moire est un fleuve qui ne peut couler que dans l'oc�an du possible. Rien ni personne ne peut contrecarrer la marche de la dignit�, du progr�s et de l'accomplissement humain, car il en est ainsi : au d�but, il eut la lumi�re, et cette promesse divine � l'homme, l'univers et les c�urs la portent en leur sein. Mon p�re disait � propos du Maghreb, et plus particuli�rement de l'Alg�rie : mon fils les choses vont dans la bonne direction. Avant toute chose, Si Ahmed, comme l'appelaient ses proches, �tait un optimiste irr�m�diable, et un rationaliste acharn�. Ce qui lui permettait de toujours garder pleine mesure des d�fis humains, et enti�re confiance en la providence et ses desseins. A plusieurs reprises, j'ai eu � constater ses regrets et sa tristesse quant � la prise de pouvoir des �gens de la tradition� en Islam, au d�triment des �gens de la raison�. Il �tayait toujours ses propos par des r�f�rences historiques pointues, qui allaient des �protestants � de l'Islam comme il les appelait, les �mu'tazilats �, aux grandes �pop�es scientifiques de Bagdad, Cordoue et Grenade. Tr�s t�t � son contact, j'ai pris connaissance de noms comme Avicenne, Averro�s, El Ba�roni, Al Kindi. Tous ces noms illustres attestent de la pr�sence des musulmans dans le panth�on du savoir, et sont la preuve que l'Islam n'aurait jamais d� se r�signer � la fermeture, la crispation et l'intol�rance. Un autre Islam est possible, et l'histoire nous l'enseigne. A toutes les tentations de la reddition et de la capitulation, Si Ahmed opposait la r�alit� d'une �poque de floraison et de raison. S'il y a d�j� eu un matin, c'est que pour l'�ternit�, il faut croire au lendemain. Il avait � l'�gard de la nature un �merveillement presque enfantin La conviction que nous n'avions rien � envier aux Occidentaux �tait ferme et constante, et la po�sie d'un Omar Kheyyame suffisait � lui faire tirer un sourire sage et r�solu : non la science, la r�ussite et le d�passement n'avait rien d'exclusif � un seul peuple, mais �tait un bien commun � toute la famille humaine qui �tait riche de par ses d�clinaison culturelles multiples. Il d�plorait souvent dans nos apart�s la supr�matie de l'�motion sur le bon sens dans les contr�es musulmanes, et il faisait remonter la cha�ne du d�clin � la succession id�ologique qui va de Ibn Hanbal � Ibn Abdel Wahab, en passant par Ibn Thaymiya. Sans �tre trop savant, on peut pr�ciser que Si Ahmed voyait dans la sph�re d'ob�dience islamique un combat entre ceux qui essayaient d'�lever l'homme par le savoir et le raisonnement, et ceux qui l'emp�traient dans des consid�rations et des croyances r�trogrades, juste bon pour d�pouiller l'humanit� des moyens de son accomplissement. �Il faut se m�fier du r�gne de l'�motion, et ne jamais oublier que la raison est la gardienne du logis�, disait-il. Il avait cette �foi� incommensurable aux bienfaits de l'approche rationnelle, et portait la science au sommet de l'ordre social et historique, et m�me s'il admettait les limites de la raison, on ne peut �voquer sa m�moire sans rappeler � combien il affectionnait l'exercice intellectuel, porteur de sens et de salut pour le genre humain. �L'homme n'est ni bon ni mauvais, il est de son temps�, martelait-il � qui voulait l'entendre. Il avait une confiance presque mystique dans la marche de l'histoire, et ne voyait dans les convulsions de celle-ci qu'un renforcement de l'exp�rience humaine en vue de sa pl�nitude. �L'humanit� ne se pose que les questions qu'elle peut r�soudre�, tel �tait son credo. Il abhorrait pardessus tout la victimisation, et croyait en la possibilit� qu'� l'homme de parfaire sa destin�e. Il n'aimait pas que des peuples ou des civilisations �justifient� leur �chec par des pr�textes � bon compte. Il �tait passionn� de philosophie et de musique germanique, d'histoire et de politique fran�aise, tout en restant tr�s proche de la nature. A l'abstraction parfois trop pesante, il opposait �le sens de la r�alit�, acquis tr�s t�t au contact de la mer et de son silence. Plus jeune il �tait un fieff� p�cheur, et cette intimit� avec la mer cr�a en lui la n�cessit� de toujours se battre contre les �l�ments de la nature et de l'histoire. Pour lui, la grande bleue et ses tumultes �tait une all�gorie de la vie ; toujours tenir la barre m�me dans les moments de doute, esp�rer le rivage m�me dans les brumeuses routes, et toujours garder � l'esprit l'horizon du port qui nous attend. Combien de fois je me suis lev� en le trouvant avec sa cigarette, seul et c�toyant le r�gne des arbres et des oiseaux. Il �tait intarissable sur leurs noms, leurs origines et leurs bienfaits. Il aimait se blottir dans le silence de la nature, en bon verdier qu'il est, rendant hommage � son milieu par la m�ditation et la contemplation. Il avait � l'�gard de la nature un �merveillement presque enfantin, et ce sentiment quasi panth�iste, il le nourrissait comme un rayon rend vie � une saison. Me voyant parfois obscurci et encombr� par le poids de la r�flexion, il me racontait toujours l'histoire de la �salade�. En fait, durant ses ann�es d'�colier, un ma�tre leur demanda un travail � domicile, une sorte de travail pratique. L'exercice consistait � faire pousser des feuilles de salade. Eh bien ce fut la premi�re vraie r�v�lation de la vie du tout jeune Khelifi Ahmed. De ce moment de gr�ce innocent et profond, il en garda le go�t de la simplicit� et de l'humilit�. �Mon fils, je regardais pousser ma salade, et c'�tait pour moi une des plus grandes joies de ma vie.� Tr�s t�t, confront� � mes angoisses m�taphysiques dont je lui faisais part, il me r�pondait �va voir pousser ta salade, il n'y a que cela de vrai�. C'est cette sagesse, plus qu'autre chose, qu'on gardera de lui ; il �tait cultiv�, lettr� et engag�, mais pourtant c'est ce recul, ce bon sens qui nous ont le plus marqu�s. Car on a beau conna�tre ses textes, il n'en est rien si on n'a pas fait l'exp�rience du retour � soi, seule � m�me de nous conf�rer paix et lucidit�. �Le plus important dans la vie, c'est de dormir tranquille.� Il paraphrasait mon grand-p�re, qui avait coutume de lui dire avec un fort accent : �Ecoute Ahmed, moi je dors comme un bibi ; �a vaut tout l'or du monde.� Sans aucun doute, Si Ahmed a v�cu tranquille, et est parti tranquille tant il est rest� en accord avec lui-m�me et ses principes. Jusqu'� la derni�re seconde, il inonda son monde de par sa force et son optimisme, et la meilleure fa�on de lui rendre hommage, nous ses proches et ses amis, c'est de continuer le combat. Mon p�re m'a appris qu'il n'y avait pas de pi�tre combat, et que tous, nous sommes appel�s � mener le n�tre. Chacun � notre niveau, � notre hauteur, nous avons notre combat ; l'essentiel, disait-il, �tait de donner un sens � sa vie. Soit aimer quelqu'un, soit se battre pour ses id�es ou tout simplement �tre l� et exister dignement. Pas d�vot durant sa vie, il croyait tout de m�me � sa �bonne �toile�, qui le m�nerait toujours � bon port, disait-il. Il me disait lors de conversations m�morables, avec une pointe de bravoure morale : �Fils, lorsque tu ne sais pas o� aller, tourne-toi et vois d'o� tu viens�� Son adh�sion au �candidat� Benflis Et comment �voquer la m�moire de Si Ahmed sans mentionner son parcours militant, voire politique. Tr�s t�t engag� pour le droit des travailleurs et des ouvriers de par son extraction id�ologique, il devint plus tard un des piliers de l'UGTA. Beaucoup au gouvernement et aux affaires lui ont �reproch� d'outrepasser les lignes du syndicalisme pour �d�border� sur le champ min� de la politique. Mais lui, surtout aux c�t�s du regrett� Benhamouda, ne s'en cachait pas, et consid�rait que la politique �tait une chose trop s�rieuse pour la laisser aux autres. Il partageait avec l'ancien secr�taire g�n�ral une vision de grandeur et de fiert� pour l'Alg�rie, et tr�s t�t leur collaboration aboutit � la n�cessit� de cr�er un �front� qui regroupe toutes les bonnes volont�s soucieuses du bien du pays. On conna�t par la suite le sort qui a �t� r�serv� � cette entit� politique, d�tourn�e de sa vocation premi�re par des mains peu scrupuleuses. Mais il n'est nullement ici le temps des r�glements de comptes, tant la hauteur d'esprit de Si Ahmed nous astreint � une certaine forme de pudeur intellectuelle, qui fait elle-m�me r�sonance � son exigence de dignit� et d'honneur : quand on a c�toy� les plus grands, on a toujours peur de d�cevoir leur m�moire, comme le disait le po�te. Alors pour ne pas trahir leur legs, parlons, oui parlons et �crivons que ces deux comp�res d'un temps croyaient en l'Alg�rie �ternelle. Durant les crises qu'a connues le pays, les deux hommes, alli�s du droit et de la justice, ont toujours �uvr� � ce que l'unit� nationale soit pr�serv�e. Nous aurons � relater les faits plus en d�tails ult�rieurement, mais ce qu'il faut pr�ciser, c'est que la haute estime dans laquelle les deux personnages pla�aient la destin�e du pays, faisait d'eux des Elliot Ness en puissance, toujours alertes � l'int�r�t national, et vigilants quand � l'�volution des param�tres politiques de l'Etat alg�rien, lequel �tait cens� donner corps � l'�lan d'enthousiasme nich� au c�ur de chaque Alg�rien. �Nous avons �t� spoli�s de notre espoir�, me disait-il � chaque fois, avec une d�ception qui �tait trop appuy�e pour �tre objectiv�e ; non d'abord et avant tout, mon p�re et Abdelhak Benhamouda �taient des gens qui avaient l'Alg�rie chevill�e au corps, et ne transigeaient pas avec sa grandeur et son int�grit�. Pour d�crire et raconter toutes les p�rip�ties politiques, tous les hauts faits d'armes, parfois les d�convenues qu'a pu vivre Si Ahmed, il faudrait tout un roman qui porterait comme intitul� : �Il s'est battu, pour que l'on se souvienne. � Oui, en ces temps de disettes, de vaches maigres que conna�t notre pays, il est plus qu'obligatoire de rappeler qu'il y a eu des gens qui se sont battus avec le plus intense don de soi . Ni les al�as mat�riels, ni le froid, ni les coups du sort n'ont eu raison du combat l�gitime de ces deux patriotes. �Quand on a l'Alg�rie dans le c�ur, on ne se pr�occupe pas de son estomac�, r�p�tait-il � longueur de journ�e. Ce d�sint�ress�ment, cette vocation, ce sacerdoce, Si Ahmed l'a port� jusqu'au firmament de l'engagement. Les deux patriotes avaient une haute id�e de l'activit� de la raison, lumi�re parmi les contingences de la vie, et outre leur d�fense acharn�e du patrimoine �conomique alg�rien, des services publics accessibles � tous, ils misaient toute leur �nergie r�novatrice dans le secteur de l'�ducation, seul � m�me, d'apr�s eux, de sortir les peuples d'une torpeur chronique. L'�ducation est la base d'une nation, me r�p�tait mon p�re inlassablement, en pointant un doigt accusateur sur la r�cup�ration id�ologique dont faisait l'objet l'�cole alg�rienne. �En sus de la sant�, mon fils, c'est l'�cole qui donne vie � une nation.� Ces paroles, entendues maintes fois, resteront � jamais grav�es dans mon esprit. Citant Benhamouda, paix � son �me, qu'il aimait � appeler �Cheikh�, il me confia cette pens�e lourde de sens et d'espoir : �Si Ahmed, aux Etats-Unis, ils ont beaucoup de mus�es� sauf, ya Si Ahmed, que leurs mus�es, ils parlent du futur.� Cette irr�pressible confiance en la science et en la noblesse de l'activit� intellectuelle, les deux patriotes la partageaient. Tout comme leur foi inexpugnable en la capacit� de l'Alg�rie et de sa jeunesse a tutoy� la r�ussite. �Le monde est guid� par des id�es ; c'est les id�es qui m�nent le monde, fils.� Ce sentiment imp�rieux de la pr�dominance de la pens�e sur les affaires du monde, il ne l'a jamais tout au long de sa vie quitt�. Il n'en est pas jusqu'� son adh�sion au �candidat� Benflis qui fasse �cho � son pressentiment fort que l'Alg�rie s'en sortirait. L'ex-Premier ministre, pour lequel il avait de l'amiti� et de la fraternit�, repr�sente ses derni�res batailles dans l'ar�ne Alg�rie. �Je ne m'inqui�te pas pour mon pays, mon fils, car m�me si tous les hommes se liguaient, ils n'arr�teraient pas la marche en avant de l'histoire. Quelqu'un qui croyait en la vie et en l'Alg�rie, telle a �t� la destin�e de ce patriote fini. Papa, nous avons appris avec toi � ne pas avoir peur, car tu as v�cu debout, et tu nous as appris � combattre jusqu'au bout. Ton souvenir rayonne sur nos vies, comme l'�toile du bonheur console les amis. Asta sempre camarade�