Le Burkina Faso, qui jurait en novembre ne pas vouloir négocier avec les jihadistes, a-t-il finalement encouragé l'option du dialogue pour se protéger des assauts de ces groupes? Dirigés ou non par Ouagadougou, des initiatives ont récemment pris place dans le nord du pays. «Nous ne négocierons pas!»: c'était le credo répété par le président Roch Marc Christian Kaboré lors de la campagne électorale pour sa ré-élection fin 2020, se démarquant ainsi à dessein de l'ancien chef d'Etat Blaise Compaoré qui avait fait du dialogue avec les groupes terroristes maliens une garantie pour éviter les attaques au Burkina Faso. Mais ces groupes, affiliés pour certains à Al-Qaïda et d'autres à l'organisation Etat islamique (EI), ne sont désormais plus seulement au Mali: l'ouest du Niger et une large partie du territoire burkinabè subissent aussi leurs assauts les de ces extrémistes qui s'y sont implantés et recrutent localement. La fermeté de Ouagadougou, encouragée par l'allié français qui refuse toute négociation, a commencé à s'effriter début février quand le Premier ministre, Christophe Dabiré, a déclaré que «toutes les grandes guerres se sont terminées autour d'une table».Un «pavé dans la mare», selon une source diplomatique sahélienne à Ouagadougou, comme «une reconnaissance que la volonté de dialoguer est toujours là». La guerre au Sahel a fait depuis 2012 des milliers de morts. Les civils en sont les premières victimes et l'année 2020 fut la plus meurtrière, selon l'ONG ACLED, spécialisée dans la collecte de données. La question du dialogue divise les Etats sahéliens, pris en tenaille entre leurs partenaires et leurs populations. Le Mali a retenu l'option mais ne l'a pas lancée officiellement, tandis que le Niger se refuse à toute négociation en estimant que les jihadistes qui prennent d'assaut sa frontière ouest sont basés au Mali. Autour de Djibo (nord du Burkina), ville martyr de la guerre dans la région dite des «trois frontières» entre Mali, Burkina Faso et Niger, des «initiatives» de dialogue «émanant des communautés locales» ont eu lieu, selon une source sécuritaire de haut rang. Selon une autre source, «des contacts ont eu lieu à partir du moment où le Président Kaboré a été à Djibo, en juin 2020, où il a dit aux leaders communautaires qu'il était prêt à gracier ceux qui déposeraient les armes». «Le message semble être passé», dit un responsable d'ONG à Djibo. Ces initiatives de dialogue «se font avec le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaïda) qui cherche à implanter une gouvernance locale mais pas avec l'Etat islamique au grand Sahara (EIGS, affilié à l'EI)». De fait, les groupes affiliés à Al-Qaïda veulent tisser des liens avec les communautés locales - dans certaines localités du centre du Mali voisin, des accords très locaux de gouvernance ont été trouvés - ce n'est pas le cas de l'EI. Au Burkina Faso, dans le nord et l'est, l'EIGS est très implanté, parfois plus que les groupes du GSIM. Et les attaques continuent: une ambulance a encore sauté sur une mine mardi, tuant six civils dont une femme enceinte.