Près d'un an après l'envoi de 600 soldats français supplémentaires au Sahel pour reprendre l'avantage face aux jihadistes, Paris est sur le point de réduire le nombre de militaires déployés, de sources concordantes, à la faveur de l'arrivée prévue de renforts européens pour partager le fardeau. Les visites successives au Mali ces derniers jours des ministres français des Affaires étrangères et des Armées, Jean-Yves Le Drian et Florence Parly, doivent aider l'Exécutif à dresser un état des lieux de l'engagement français au Sahel, où des milliers de militaires se battent depuis 2014 au sein de la force Barkhane. Emmanuel Macron avait déjà promis en juillet de nouveaux arbitrages «en fin d'année» sur la plus grosse opération extérieure française. Or. selon des sources concordantes, le retrait de plusieurs centaines de militaires français (sur environ 5.100) est désormais sur la table pour revenir au niveau d'avant le mini «surge» (effort supplémentaire et localisé) de janvier.Un dossier «prioritaire pour l'état-major», qui pourrait également tailler dans les fonctions «transverses» (soutien, génie, renseignement...) dès la relève majeure de février, détaille une source militaire ayant requis l'anonymat.En janvier, au sommet de Pau (France), le président français et ses homologues du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad) avaient décidé d'intensifier la lutte antiterroriste face à une recrudescence d'attaques en 2019, mêlées à des conflits intercommunautaires. Barkhane a depuis remporté d'indéniables victoires tactiques avec ses partenaires locaux, en particulier contre l'Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) dans la zone des «trois frontières», aux confins du Mali, du Burkina Faso et du Niger. «L'EIGS a subi depuis plusieurs mois un certain nombre de pertes humaines, de frappes, de privations de moyens qui l'ont singulièrement affaibli, même s'il faut rester prudent», estime le commandant de Barkhane, le général Marc Conruyt. Mais les pouvoirs centraux de ces pays, parmi les plus pauvres du monde, peinent encore à réinvestir les territoires reculés fraîchement ratissés pour offrir protection, éducation et services de base à des populations livrées à elles-mêmes. Et l'autre nébuleuse jihadiste active dans la région, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al Qaïda, «a eu ces derniers mois tendance à tirer profit du fait que nous avons concentré beaucoup d'efforts sur l'EIGS», prévient le général. «Aujourd'hui il est l'ennemi le plus dangereux pour le Mali et les forces internationales». En France, cet effort militaire de longue haleine suscite certaines interrogations, alors que 50 soldats ont été tués au Sahel depuis 2013. Par ailleurs, l'attention des armées françaises est en train de se tourner vers le risque de conflits plus durs, de haute intensité sur la scène mondiale. «Après sept années, malgré nos grands succès tactiques, la situation n'évolue pas favorablement sur place. Nous constatons un bilan lourd, trop lourd, et un coût financier important pour la Nation», jugeait récemment le député Thomas Gassilloud (majorité présidentielle) en suggérant de «rester autrement, dans une stratégie de transition (...) dans un format moins lourd». Pour éviter l'enlisement et alléger son empreinte, la France mise sur deux axes: l'engagement de partenaires européens à ses côtés, et l'accompagnement intensifié des armées sahéliennes, dans l'espoir qu'elles soient un jour capables d'assumer la sécurité de leur territoire. Paris mise ainsi beaucoup sur Takuba, un groupement de forces spéciales européennes censées accompagner les Maliens au combat et aider à recréer de la confiance entre ces soldats et la population. Une centaine d'Estoniens et de Français ont accompli en octobre leur première mission dans le Liptako (nord-est). Quelque 60 Tchèques devraient prochainement les rejoindre, puis 150 Suédois en 2021. Il leur faudra faire leurs preuves pour espérer attirer d'autres Européens.