Le tribunal de Sidi M'hamed(Alger) a condamné jeudi l'islamologue et chercheur en soufisme, Saïd Djabelkhir à une peine de 3 ans de prison ferme, assortie d'une amende de 50 000 dinars. Sa condamnation a choqué plus d'un, d'autant plus que tout le monde s'attendait à ce que le tribunal prononce la relaxe. La peine prononcée à son encontre a soulevée un tollé et une vague d'indignation sur les réseaux sociaux. Les internautes dénoncent, notamment la judiciarisation du débat d'idées et l'atteinte à la liberté de conscience. Son procès est perçu comme «une dérive judiciaire et une régression pour la liberté d'expression». Sa défense avait relevé que la plainte déposée contre lui était «irrecevable», car émanant de particuliers. «Ce procès risque d'être une brèche qui transformerait les tribunaux et cours de justice en espaces d'inquisition», lit-on dans les commentaires publiés sur les réseaux sociaux. À titre de rappel, le mis en cause est poursuivi par sept avocats et un universitaire de Sidi Bel Abbès, pour «offense aux préceptes de l'islam et aux rites musulmans». «La liberté de conscience et la liberté académique ne sont pas du domaine du tribunal, qui aurait dû déclarer son incompétence à se prononcer sur cette affaire», relève-t-on. Il est reproché à Saïd Djabelkhir d'avoir écrit sur sa page facebook que le sacrifice du mouton est une tradition païenne, qui existait avant l'avènement de l'islam. Il a pointé du doigt certaines pratiques dans les sociétés musulmanes comme le mariage précoce des filles mineurs à l'âge de pré-puberté. Il est à noter que l'article 144 bis 2 du Code pénal punit le dénigrement du dogme ou des préceptes de l'islam des mêmes peines prévues pour le délit d'offense envers le prophète et les envoyés de Dieu, c'est-à-dire l'emprisonnement de 3 à 5 ans et d'une amende de 50 000 à 200 000 DA ou l'une de ces deux peines seulement. Au coeur de nombreuses controverses avec des wahhabite ayant une vision fondamentaliste et rigoriste de l'islam, l'islamologue a accusé les salafistes de vouloir imposer leur interprétation des textes, comme étant des vérités absolues». Le professeur Ghaleb Bencheikh qui a exprimé son soutien à Saïd Djabelkhir, indique qu'«on ne peut pas criminaliser le débat d'idées. C'est une atteinte grave à la liberté de conscience et à la recherche académique. Cette affaire dénote un archaïsme de la pensée que je dénonce. Tout cela relève de l'archaïsme. J'espère vivement qu'on reviendra à la raison lors du procès en appel. Il faut que la justice algérienne soit digne. On s'est assez donné en spectacle comme cela. Des partis politiques ont également réagi: le président de Jil Jadid, Soufiane Djilali s'est dit choqué par la peine prononcée contre Saïd Djabelkhir. «Après la criminalisation de l'action politique et du travail journalistique, on criminalise la recherche académique», déplore le PT. Certains dénoncent «la machination sordide de tenter de transformer la justice en un appareil d'inquisition et de contrôle de la pensée». La Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (Laddh) a dénoncé, dans un communiqué, «la criminalisation des idées, du débat et de la recherche académique, pourtant garanties par la Constitution».