Dans une déclaration rendue publique avant-hier, de nombreuses organisations de défense des droits humains, des associations socioculturelles et des personnalités nationales, mettent en garde le pouvoir contre "toute condamnation, à travers l'instrumentalisation de la justice, pouvant atteindre, même symboliquement, l'islamologue Saïd Djabelkhir". Une mise en garde qui intervient, faut-il le signaler, quelques jours seulement avant le prononcé du verdict, fixé pour jeudi, dans le procès intenté contre ce chercheur en théologie, poursuivi pour "atteinte à la religion et aux préceptes de l'islam", suite à une plainte d'un enseignant universitaire informaticien, appuyé par cinq avocats qui se sont constitués de surcroît comme partie civile. Pour les signataires dudit document, "ce procès revêt la vieille soutane des procès de l'inquisition quand des savants sont conduits au bûcher pour leur faire expier leurs 'idées hérétiques'". "Derrière ce procès moyenâgeux, se cache une politique de mise à mort de la liberté de conscience et de toute pensée rationnelle pouvant contribuer à la formation de l'esprit critique du citoyen". Dénonçant cette "dangereuse escalade contre les libres penseurs", ils estiment que "l'acceptation" par la justice de ce procès est en soi "une prise de position hostile à l'islamologue". Une acceptation qui, soutient-on, "trahit la volonté du pouvoir politique, auquel la justice est entièrement assujettie, de faire taire un libre penseur dont les réflexions et interventions publiques sont aux antipodes des propagandistes zélés d'une lecture rigoriste et obscurantiste des textes religieux, à l'ombre de laquelle se dissémine insidieusement le poison mortel de l'idéologie wahhabite". Afin d'étayer leurs propos, les rédacteurs de la déclaration évoquent la suppression du droit à la liberté de conscience dans la nouvelle Constitution "imposée" au peuple le 1er novembre 2020. Ce recul en matière de libertés démocratiques, estime-t-on, trouve sa traduction immédiate dans cette "cabale politico-judiciaire" menée contre Saïd Djabelkhir, mais aussi contre toute personne mettant en cause l'idéologie officielle du régime. Au-delà de l'élan de solidarité manifesté à l'endroit de cet islamologue spécialiste du soufisme, les initiateurs de ladite déclaration appellent les citoyens à se mobiliser davantage pour imposer "le respect de la recherche académique", "le respect de la liberté de conscience, de culte et de pensée" et "l'instauration d'un régime démocratique fondé sur les valeurs universelles de liberté, d'égalité et de progrès". Notons enfin que parmi les signataires de ce document figurent le Comité de défense des libertés (CDL) de Béjaïa, la Coordination nationale des universitaires algériens pour le changement (Cnuac), la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (Laddh), l'Association féminine Anili de Tizi Ouzou (ex-collectif Assirem n'Djerdjer), le Noyau universitaire de réflexion (université d'Annaba), l'Association Fadhma n'Soumer (Alger), Riposte internationale-Algérie, le Collectif des enseignants et travailleurs ATS de l'université de Béjaïa, les cafés littéraires de Tichy, Aokas et Béjaïa, le journaliste Arezki Aït-Larbi, l'ancien député démissionnaire Khaled Tazaghart. KAMAL OUHNIA