En pleine crise d'hystérie diplomatique, le royaume du Maroc a déclenché les hostilités avec l'Allemagne, rappelant son ambassadeur à Berlin parce que, dit-il, «la République Fédérale d'Allemagne a multiplié les actes hostiles et les actions attentatoires à l'égard des intérêts supérieurs du royaume», selon le communiqué publié par le ministère marocain des Affaires étrangères. Dans son réquisitoire, le MAE marocain s'en prend à l' «activisme antagonique» de Berlin, depuis la prétendue «reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental». Cette nouvelle salve ne constitue pas une surprise, Rabat ayant déjà décidé en mars dernier, de «suspendre tout contact» avec l'ambassade d'Allemagne au Maroc, suite à de «profonds malentendus» avec Berlin «sur différents dossiers» dont celui du Sahara occidental. Mais cette surenchère intervient au moment même où le Maroc multiplie les déclarations belliqueuses et les pressions envers l'Espagne, depuis que le président sahraoui Brahim Ghali y est hospitalisé, pour contamination par le Covid-19. Chantage aux migrants poussés en masse à Ceuta, pressions accrues avec le trafic de cannabis à grande échelle, Madrid cherche à apaiser Rabat, mais en vain. Avec l'Allemagne qui a des positions plus conformes aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU sur la question du Sahara occidental, à savoir l'organisation d'un référendum d'autodétermination auquel le peuple sahraoui a droit, le royaume marocain tente le tout pour le tout et espère, en envenimant les rapports, imposer un profil bas non seulement à l'Allemagne mais aussi et surtout à l'Union européenne. Rabat pense, en effet, à la décision prochaine de la Cour de justice européenne (CJUE), saisie par le Front Polisario, pour statuer sur l'exploitation illégale et effrénée des ressources du peuple sahraoui par le Maroc et les puissances qui le soutiennent. Berlin a essayé, en réponse à la lettre du MAE Nasser Bourita invitant les instances du pays à boycotter l'ambassade allemande, de calmer les emportements délirants du royaume marocain. Mais, sans les «concessions» espérées par celui-ci, c'était peine perdue d'avance et les relations sont restées au point mort. Il semble que même cet état de fait ne convient pas aux dirigeants marocains qui nourrissent des ambitions autres et sont prêts à user de tous les subterfuges, y compris le rappel d'un diplomate. Le Maroc qui n'a pas digéré son absence à la Conférence de Berlin sur la Libye, organisée par l'ONU, en dépit, dit-il, de son «rôle régional», reproche, en outre, aux dirigeants allemands une «complicité à l'égard d'un ex-condamné pour des actes terroristes, notamment en lui divulguant des renseignements sensibles communiqués par les services de sécurité marocains». Le nom du soi- disant terroriste n'est pas cité dans le communiqué mais il s'agit sans doute de Mohamed Hajib, un binational germano-marocain, condamné en 2010, au Maroc, à 10 ans de réclusion pour «terrorisme», sentence réduite à 5 ans en 2012. Depuis, il consacre son temps à des critiques sans complaisance sur les réseaux sociaux. Rompu à la politique du mensonge et du chantage, le royaume marocain démontre qu'il fait peu de cas du geste de l'Allemagne qui lui a octroyé, en décembre 2020, 1, 4 milliard d'euros dont 202,6 sous forme de dons, comme aide d'urgence contre la pandémie de Covid-19.