12 planches, représentant des oeuvres de l'artiste-peintre Baya, sont exposées jusqu'au 4 mai au Palais de la culture d'Oran. L'initiative est de l'association Fard, (Femmes algériennes revendiquant leurs droits), qui a tenu à marquer la célébration du mois du patrimoine en optant pour un des monuments de la peinture algérienne, ceci d'autant plus que, cette année, le mois du patrimoine concerne en particulier les oeuvres non matérielles. De tous les textes écrits au sujet de cette femme hors du commun, les organisateurs en ont retenu, tout d'abord, le texte fondateur d'André Breton, datant des années 1940. Baya avait 16 ans, quand elle a été invitée à Paris pour exposition à la galerie Maeght. Les deux autres textes sont signés respectivement par la non moins célèbre Assia Djebar, actuelle académicienne, en 1986, et Mouny Berrah, celle que le monde de la presse a perdu récemment. Sur l'univers magique, idyllique, féerique ou paradisiaque des représentations des oeuvres de Baya, le consensus est fait. Mais pour trouver les origines de son inspiration, on fait remonter le temps et Baya est berbère, andalouse mais aussi algéroise dans la pure tradition de la Casbah, fantasmée et meublée presque exclusivement de femmes. Pour les deux critiques d'art, l'homme n'est pas exclu dans la peinture de Baya mais seulement absent. Baya a été mariée à l'âge de 22 ans à un musicien et elle a été amenée à cesser de peindre pendant une bonne période, jusqu'aux années 1960. Quand elle a repris le pinceau et ses gouaches (l'huile et la toile n'étant pas ses matériaux de prédilection car, ne lui connaissant que deux toiles, elle n'a dû les utiliser qu'à de rares occasions), on voit apparaître, peut-être, pour la première fois, des instruments de musique. Pour le reste, rien n'a changé et ses personnages féminins, à la chevelure abondante et noire, représentant des femmes fières aux allures de princesses, évoluent toujours au milieu d'un monde peuplé d'oiseaux rares, de créatures fantasmagoriques mais surtout de couleurs dont elle seule semble détenir le secret de la préparation. Curieusement, pour la musique, hormis une interprétation symbolique de «son homme» qu'on peut avancer, dans les deux textes, on évoque surtout le luth, un instrument qui, évidemment, de par sa particularité, renvoie à un espace culturel prédéterminé. Pourtant, en y regardant de près, on s'aperçoit, du moins dans cette collection exposée, que les instruments à cordes représentés sont des violons ou des harpes. Il est ainsi du tableau intitulé Maïda à la lanterne, datant de 1966 mais surtout de La dame rose au Coran (1967), où l'on distingue bien l'archer à côté du violon. Les violons sont reconnaissables à la forme de leur table d'harmonie, de leurs ouies, etc. Dans son tableau intitulé Instruments de musique, il est, effectivement, question de derbouka, et d'un instrument à vent typique (zorna?), mais aussi de la harpe, un instrument grec développé en Occident au point de lui attribuer des appartenances paradisiaques. C'est bien une preuve d'universalité de Baya qu'on ne peut restreindre à une culture précise, dans le sens étroit du terme.