Le forcing algérien dans ce double conflit procède d'une situation complexe qui attise l'intérêt de la communauté internationale. En plus de sa participation à la réunion d'Abuja, l'envoyé spécial du président de la République, Abdelaziz Belkhadem, a eu plusieurs contacts avec les responsables soudanais, à leur tête le président Omar El Bachir, ainsi qu'avec des représentants d'Idriss Déby, le président tchadien, dans le double objectif de trouver une solution au conflit du Darfour et au différend entre Khartoum et N'Djamena à propos des réfugiés du Darfour, estimés à plus de 1 million d'individus déplacés et vivant actuellement sur le territoire tchadien. Porteur de messages du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, destinés aux divers protagonistes du conflit, qui est en fait un, «le Darfour», mais qui porte des ramifications, l'envoyé spécial Abdelaziz Belkhadem a exposé les vues algériennes pour mettre fin aux troubles qui empoisonnent la vie de millions de gens depuis plusieurs années déjà. La volonté algérienne de mettre fin au conflit soudanais est aussi, selon des sources diplomatiques, une tentative de donner plus de crédit à l'Union africaine, initiatrice de plusieurs projets de mise à fin au conflit, au moment où la communauté internationale s'intéresse de plus en plus à cette partie de l'Afrique subsaharienne. Les Etats-Unis, par la voix de Condoleezza Rice, pressent les protagonistes du conflit à se mettre à la table des négociations et à trouver vite une solution au conflit du Darfour, tout en suggérant que des sanctions pourraient être prises à l'encontre du Soudan, sur le compte duquel sont mises les exactions commises au Darfour par les milices djendaouides, coupables, selon Washington, des exactions contre les populations et soutenues par les autorités soudanaises. Ce à quoi répond Omar El Bachir par une fin de non-recevoir aux menaces de Bush. De son côté, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, crie au génocide et pousse à l'envoi de forces onusiennes au Darfour soudanais. Ce à quoi répond encore Omar El Bachir... par un refus catégorique, arguant que le conflit se règlera dans un cadre soudano-soudanais, et loin de toute pression, et encore moins une intervention extérieure. L'UA, qui a déjà des forces africaines (principalement nigérianes) sur place, compte sur l'influence des hommes forts de l'Afrique pour contraindre les «frères ennemis» du Soudan à signer un communiqué commun, mettant un terme définitif à une guerre fratricide et inutile. Les derniers développements du dossier ont été constitués par le communiqué signé, avant-hier, par les deux groupes d'opposition armée du Darfour, et dans lequel ils sollicitent du régime d'Omar El Bachir plus de concessions pour appeler à une fin des hostilités et décider de désarmer leurs hommes. En définitive, ils veulent deux choses, et pas des moindres: le poste de vice-président d'un gouvernement de transition et la participation de leurs cadres à toutes les assemblées élues et à tout gouvernement à constituer. Selon les parties en conflit, la négociation n'est pas aisée, mais la solution est à portée. Et c'est dans cet esprit que le rôle de l'Algérie (considérée avec le Nigeria comme le plus influent dans cette affaire sur le plan continental) peut être déterminant. D'autant plus qu'Abdelaziz Belkhadem est très connu au Soudan et jouit d'une estime considérable depuis une vingtaine d'années. L'Algérie avait, la première, par le biais de son président, Abdelaziz Bouteflika, proposé l'envoi de forces militaires africaines qui assureraient le maintien de la paix tout en faisant pièce au souhait onusien d'envoyer des forces multinationales, chose que les Soudanais eux-mêmes rejettent, arguant que les Casques bleus ne feraient que compliquer davantage une situation à laquelle l'Occident n'est pas habitué. Cependant, l'activité politique du Nigeria et de l'Algérie auprès de Khartoum avait eu un effet bénéfique. Les autorités de Khartoum rappelèrent à l'ordre leurs milices du djandjaouide et l'envoi d'une miniforce africaine au Darfour pour le maintien de la paix, avait été permis. Le processus, ainsi enclenché, peut, à court terme, déboucher sur une solution rapide, au moins sur le plan de la guerre au Darfour et des exactions génocidaires qui sont perpétrées «par des forces incontrôlées». La négociation politique, de longue haleine et fort complexe, du reste, peut se permettre de tergiverser.