Du 14 au 17 janvier, le Théâtre national algérien, par l'entremise de l'association Arc-en-ciel, aura été le confluent de quatre conceptions du quatrième art. Pour son baptême du feu, la jeune association a décidé de donner un aperçu sur le Théâtre dans toute son universalité et, du même coup, dire que, désormais, la scène algérienne devra compter avec ses membres. La prestation qu'il ont donnée pendant ces journées ne peut que plaider en leur faveur. Bien que le public ait surtout été enrôlé parmi les proches des cercles du théâtre, certaines brebis égarées, venues juste pour reprendre goût à un spectacle qui se cherche encore, feront une heureuse découverte à travers ces comédiens et en assistant aux pièces que l'association a proposées. La bonne veille magie du théâtre a opéré. Tantôt lourde, tantôt enjouée et hilare, l'ambiance, tant à l'orchestre qu'aux balcons, peu à moyennement occupés, ne sombrera pas dans l'ennui. Tous issus d'une école de formation supérieure spécialisée, les membres d'Arc-en-ciel, comédiens, metteurs en scène, scénographes ou critiques d'art auront réalisé une belle entrée en scène. Mais revenons au menu que nous a proposé cette Association. Pour la cérémonie d'ouverture, Le mariage de monsieur Mississippi du Suisse-allemand F.Durrenmatt, suivie le deuxième jour de L'art de la comédie de l'Italien Eduardo de Filippo. A ce stade du programme, l'intention des organisateurs est claire. A l'austérité et aux pesants silences du Suisse-Allemand, il lui a été opposé, avec l'Italien, un théâtre vif et mouvant. Face aux deux acteurs principaux se partageant les planches dans Le mariage de monsieur Mississippi, huit se relaieront et feront entendre leurs pas et leurs répliques dans L'art de la comédie. Déjà, le contraste entre deux théâtres se dessine nettement tant la distance est grande. Une mise en scène stoïque, une autre se jouant du théâtre lui-même, le dada de certains auteurs italiens étant d'insérer une représentation dans la représentation. Ce dernier mode, troublant et fascinant, profitera du large assentiment du public. En Italie, c'est au public de rue qu'il est destiné. Troisième journée. Un autre théâtre. Zoo Story, de l'Américain Edward Franklin Albee, sera conforme à la tendance individualiste impulsée à partir du nouveau monde et exposera une triste conception de la personne: une prison. Cette fois encore, ils ne seront que deux sur scène, mais l'intrigue n'est pas de la même fréquence que celle du Mariage de monsieur Mississippi. Bien plus chargée de la douleur face à l'impossible communication de soi, la pièce s'apparente à une séance de divagation où le désordre mental visible n'est pas moins qu'un appel au secours, des supplications à la recherche d'une sortie de l'isolement. La quatrième journée, achèvement de cette manifestation, se fera en apothéose. La demande en mariage, Le tragédien malgré lui et L'ours, trois pièces en un acte sélectionnées parmi l'oeuvre d'Anton Pavlovitch Tchekhov auront convaincu les plus récalcitrants. La Russie rurale n'a souffert d'aucun ajustement et c'est avec des costumes propres à elle que les acteurs ont évolué. Tchekhov, et ceux qui sont derrière le montage de la pièce le lui reconnaissent, n'a pas besoin d'adaptation pour être apprécié. Pris entre le subjectivement douloureux et l'objectivement risible, dans ce double regard qui donne à la fois la grandeur du drame et son côté ridicule, le théâtre de Tchekhov, qui prend à son profit des situations simples, banales, proches de ce que chacun de nous peut vivre, séduit et accroche. Les journées théâtrales d'Arc-en-ciel auront surtout été l'occasion pour les jeunes artisans de ces pièces de se faire connaître et de confirmer leur aptitude à mener des réalisations de qualité. Comédiens, critiques, scénographes et metteurs en scène ont tout simplement brillé. Des noms comme Saïdi Merzoug, Radia Serouti, Samir El Hakim, Tebal Zerzour et Selami Amar, pour ne citer que ceux-là, plus accessibles à la mémoire du large public, étant comédiens, cacheront peut-être d'autres qui n'ont pas moins de mérite. Charchal Mohamed, qui a déjà fait une apparition au TNA, à la direction d'une troupe d'amateurs de Méliana, est revenu lors de ces journées mais en tant que traducteur, adaptateur et comédien. Trois disciplines dans lesquelles il se défend. Mouzarine Ahmed réussira quant à lui, à gérer deux pièces antagonistes, Le mariage de monsieur Mississippi et L'art de la comédie, une difficulté dont il s'acquittera avec les honneurs. Iaiche Kamel fera le pari, pas évident du tout, de porter à l'entendement du public un Zoo Story, sombre et ésotérique. Samia Benabderabou et Belkacem Amer Mohamed, enfin, s'éclateront avec l'irrésistible Tchekhov. L'Association, qui n'en est encore qu'à ces débuts, souhaite retrouver la fierté que devrait procurer l'exercice de cet art-profession.