En 1962, l'Algérie avait déjà formé 44 pilotes,11 ingénieurs et 20 mécaniciens. Quand l'idée de créer une aviation militaire a traversé l'esprit de Abdelhamid Boussouf, personne n'y a cru. Il était inadmissible de penser aux bombardiers et chasseurs dans un pays en guerre avec les armes de fortune. Ahmed Ben Bella a, de son côté, pensé aux hommes grenouilles pour saboter les navires français. Les pionniers de l'aviation militaire algérienne témoignent. Hossein Senouci estime que l'idée de Boussouf était destinée à parachuter des armes dans les frontières intérieures qui étaient fermées. Lors de la rencontre avec la première équipe qui devait partir en formation, «Boussouf nous avait parlé de base de l'aviation qui devait rester secrète», indique Senouci, «mais les Russes le lui avaient déconseillé. Ils lui conseillèrent, au contraire, l'utilisation des hélicoptères. Or, chacun sait que les hélicoptères sont lents, surtout avec la charge de 1500 kg d'armes et de munitions, ils deviennent des cibles faciles. Nous étions partis en Urss pour la formation». L'orateur précise que la formation était différente de celle dispensée aux Russes. Chaïchi Baghdadi remonte à plus loin en révélant que le premier groupe d'aviateurs est parti à Alep en Syrie en 1957. Après le congrès de la Soummam, Ouamrane fut chargé par le Cnra d'aller solliciter les pays arabes pour ouvrir leurs écoles militaires aux Algériens. «Ils ont vite répondu à la demande», souligne Baghdadi, «le premier groupe était constitué de 5 pilotes et de 8 ingénieurs et la formation a duré une année. Le premier groupe du Caire est parti en janvier 1958 pour une formation de 18 mois. Il y a eu d'autres pays qui nous ont accueillis comme l'Irak ou la Jordanie». Le véritable créateur de l'aviation algérienne est sans conteste Saïd Aït Messaoudène. Il était officier de l'aviation française. Présent samedi au forum d'El Moudjahid dans la salle, visiblement très malade, il a été chaleureusement applaudi par l'assistance. Tous les témoins s'accordent à reconnaître l'empreinte indélébile de cet homme sur l'aviation algérienne. Il a déserté l'armée française pour prendre en charge l'aviation naissante. En vérité, les premiers pilotes ont été formés en Chine. «Ils ont été formés pour piloter les Mig 15. Ils sont revenus en 1960. Ils ont rejoint le groupe d'Egypte et ont formé 20 pilotes et ingénieurs», ajoute Baghdadi. «Lorsque le cessez-le-feu a été annoncé, l'Algérie avait déjà formé 44 pilotes, 11 ingénieurs, 6 contrôleurs, 20 mécaniciens et 6 parachutistes», énumère-t-il. Senouci relève que «les effectifs de l'aviation en 1962 dépassaient ceux de la Tunisie et du Maroc réunis». Lorsque l'ambassadeur de Syrie à Alger prend la parole pour souligner «la bravoure» des pilotes algériens dans la guerre d'octobre 1973, Baghdadi rappelle honnêtement que l'aviation algérienne est «arrivée en retard», comme il rappelle que les pilotes ont perdu le sens de l'orientation dans la guerre des sables avec le Maroc. Mais l'aviation est tout de même née grâce à la détermination de ses pionniers et au concours de beaucoup de pays amis, à leur tête la Chine qui «nous fournissait souvent l'armement gratuitement», s'accordent à dire les témoins de cette épopée. On aura remarqué la présence de Mouloud Hamrouche lors de cette commémoration du cinquantenaire de la journée de l'étudiant, organisée par l'association Machaâl Echahid. Hamrouche qui n'est pas aviateur dit être venu parce qu'il est invité par ses anciens amis. Ce dernier avait suivi une formation en Irak dans le corps de l'infanterie, rappelle-t-on. Le débat a été très passionnant. Aït Messaoudène, très ému, a voulu apporter sa contribution. Senouci a dû essuyer ses larmes. La salle d'El Moudjahid a vécu hier des moments émouvants. Les nouvelles générations ont compris que les fondateurs de l'Algérie contemporaine avaient une vision lointaine dans leur lutte pour l'indépendance du pays.