Au deuxième jour du procès de l'ancien ministre de la Justice, Tayeb Louh, qui bouclait deux ans de son incarcération, le procureur général près le tribunal criminel de Dar El Beïda à Alger, a requis une peine de 10 ans de prison ferme à l'encontre de Tayeb Louh. Le représentant du parquet a également requis une peine de 7 ans de prison ferme contre Saïd Bouteflika, le frère cadet du défunt ex-président déchu, Abdelaziz Bouteflika et l'homme d'affaires Ali Haddad. La même peine a été requise contre l'ancien inspecteur général, Tayeb Belhachemi et l'ancien inspecteur du ministère de la Justice, Laâdjine Zouaoui. Pour les autres accusés, à savoir Sid Ahmed Semaoun, juge d'instruction, le procureur Khaled Bey du tribunal de Sidi M'hamed, ainsi que l'avocat, Darfouf, le représentant du ministère public a requis une peine de 3 ans de prison ferme. Ces derniers sont poursuivis pour falsification de documents officiels et de jugement, sur instruction de Tayeb Louh. Le parquet général a également requis la privation de tous les accusés de leurs droits civiques et politiques contre tous les accusés. D'après le procureur général, l'ancien ministre de la Justice a bel et bien commis les faits qui lui sont reprochés, dans le cadre de plusieurs affaires, à l'image, entre autres, de celle liée à l'annulation des mandats d'arrêt internationaux émis en février 2013 contre l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil et les membres de sa famille dans le cadre de l'affaire de corruption dite Sonatrach 2. Dans son réquisitoire, le représentant du ministère public a affirmé que Tayeb Louh avait chargé son inspecteur général d'intervenir auprès du procureur général près la cour d' Alger, afin de lui demander de faire pression sur le juge d'instruction dans l'objectif d'annuler les mandats d'arrêt lancés contre Chakib Khelil, son épouse, Najet Aarafat et ses deux fils. Suite à quoi, le juge d'instruction a convoqué l'ancien ministre de la Justice et les membres de sa famille pour les entendre, avant de les libérer. Le même procureur a affirmé qu'il existe des preuves révélant l'intervention auprès du président de la cour de Ghardaia, sur ordre du ministre de la Justice, en vue d'antidater un procès-verbal, dans le but de permettre à une candidate libre (membre du comité central du FLN) de se présenter aux élections législatives de mai 2017, à Ghardaia. Selon ce procureur général, Meriem Benkhalfa s'est présentée, le 5 mars 2017, soit au lendemain de l'expiration du délai, pour déposer sa liste de parrainage devant la commission électorale de la wilaya de Gherdaïa. De même, le parquet confirme l'intervention du ministre, à travers son inspecteur général et son secrétaire général, en faveur de Mahieddine Tahkout dans l'affaire l'opposant à l'Entreprise nationale des véhicules industriels (Snvi). La juge Sihem Sakhri près la chambre administrative du tribunal de Rouiba, a dénoncé les pressions exercées sur elle par la procureur général près la cour de Boumerdès, Djamila Zigha, sur ordre du ministre, pour favoriser l'homme d'affaires Tahkout Mahieddine. L'implication de Tayeb Louh dans l'affaire du renouvellement partiel des membres du Conseil de la nation est également prouvée. La commission rogatoire instruite chez un opérateur téléphonique a conclu que le ministre a passé, au moment des faits(29 décembre 2016), plusieurs coups de téléphone avec l'auteur de l'agression commise sur les juges de la commission électorale, qui n'est autre que le sénateur Sid Ahmed Aouragh. Malgré la gravité des faits, le ministre de la Justice n'avait pas ordonné au procureur général d'engager des poursuites judiciaires. L'affaire en question concerne les SMS que Tayeb Louh échangeait avec Saïd Bouteflika et ceux échangés entre ce dernier et Ali Haddad. Après les auditions et le réquisitoire, place aux plaidoiries de la défense. Les nom-breux avocats qui se sont relayés au prétoire ont plaidé l'innocence de leurs mandants. La défense de Tayeb Louh a déploré l'absence de la liste de parrainages sur la base de laquelle il est inculpé de falsification de document officiel et abus de fonction. Ce document n'a aucune valeur juridique, indique-t-on. Cela participe de l'une des dérives de la Justice, selon un des avocats de la défense, lequel a déploré le fait qu'un juge d'instruction près la Cour suprême, ait insinué, lors de l'audition de Tayeb Louh, le 22 août dernier, que ce dernier ambitionnait de devenir président de la République. En sa qualité de ministre, Tayeb Louh ne peut pas tomber sous le coup des dispositions des articles 215 et 232 du Code pénal qui prévoient des peines contre les juges et les fonctionnaires seulement. «La justice transitionnelle qu'on avait souhaitée, a laissé place à une justice de règlement de comptes pour des considérations politiques», a-t-on argué. «L'issue de cette affaire qualifiée d'«historique», aboutira soit à l'inscription en lettres d'or de l'indépendance de la justice algérienne, soit au classement de l'Algérie comme République bananière», a-t-on soutenu.