Dans un entretien accordé au journal français Le Monde, l'historien Mohamed Harbi s'est exprimé sur les relations algéro-françaises espérant que la crise entre Alger et Paris n'aille pas très loin. Ancien militant de l'indépendance, Harbi connaît parfaitement les liens complexes entre les deux pays. «La France et l'Algérie sont obligées de trouver un accord», dira-t-il. Il n'y a donc pas que les questions mémorielles, il y a également un «contexte géopolitique actuel, et vu les impasses auxquelles se heurtent les deux Etats, ils n'ont pas intérêt à une brouille durable», estime l'historien. Mais cet impératif de l'heure n'empêche pas des brouilles récurrentes, notamment celle provoquée par Macron, en niant l'existence d'une nation algérienne. Pour Harbi cette déclaration prend ses racines dans le passé colonial de la France. Il en veut pour preuve qu'il s'agit d'«un argument qu'on trouve largement développé dans le dossier présenté par la France aux Nations unies lors des débats sur l'Algérie avant 1962». Cela traduit un véritable problème de la France qui n'arrive visiblement pas à traduire «la maîtrise de ce qu'elle «a construit avec son ancien empire», note l'historien relevant que ledit problème concerne également, les opinions publiques. Il va de soi donc, que lorsque un président emprunte un lexique colonial, cela heurte les Algériens, dont le «sentiment national a été forgé à l'époque pour faire accepter la colonisation française». Pour sortir de la nasse mémorielle où il s'est lui-même mis, le président français doit impérativement reconnaître le massacre d'Etat, concernant, notamment le massacre du 17 octobre 1961, souligne l'historien. «On ne peut pas éviter cela. Il faut reconnaître la chose», constate l'historien, non sans reconnaître qu'«il y a d'autres problèmes qui barrent la route à celui qui, en France, veut se livrer à ce travail de reconnaissance». L'historien désigne les tenants du parti nostalgique comme la principale barrière. «Je ne sais pas si Macron trouvera la solution. En tout cas, il a eu le courage d'ouvrir le chantier», lui concède Mohamed Harbi. Concernant la démarche de Benjamin Stora, sans la mépriser, Harbi ne lui voit pas une issue positive, au motif qu'elle s'axe sur la réconciliation seulement. Du point de vue de l'historien algérien, «il aurait fallu aborder les choses sous l'angle «vérité et justice», avec en particulier la reconnaissance des massacres». Et d'affirmer: «Le problème, ce n'est pas la réconciliation, c'est la justice. C'est la justice qui va apporter la réconciliation, et non l'inverse.».