En France comme en Algérie, ces nouveaux documents administratifs souffrent des lenteurs bureaucratiques. Le leader mondial de la fabrication des cartes à puce (cartes d'identité nationale, cartes d'identité militaire et cartes de sécurité sociale) ainsi que les passeports biométriques, le groupe François-Charles Oberthur, doit faire contre mauvaise fortune bon coeur. Avant d'empocher ses centaine de millions d'euros des contrats qu'il vient de décrocher, le groupe doit patienter le temps que les différends soient aplanis. D'abord en Algérie puis en France. En Algérie, où Oberthur a pratiquement gagné le marché pour fabriquer quelque sept millions de cartes Cnas et doit attendre que la question «de l'autorité de sécurité soit réglée». Au fait, la problématique qui semble se poser actuellement en Algérie est la suivante: ayant lancé un avis d'appel d'offres pour la fabrication des cartes à puce Cnas, et l'avis d'appel d'offres pour les cartes d'identité qui de même nature sont sur le point d'être également lancés, l'Algérie n'a pas encore défini qui sera l'autorité de sécurité. Cette autorité aura pour rôle de garder le code secret que renferme chacune de ces cartes. En effet, chaque carte a son PKI ( Public Key informatique), la clé informatique, qui est un code secret et qui assure la conformité du document. Le code devait être gardé au niveau d'un ministère ou d'une structure qui jouerai ainsi le rôle d'autorité de sécurité. Du coup, c'est la guéguerre entre les services du ministère de l'Intérieur, ceux de la chefferie du gouvernement, du ministère de la Santé et de la Cnas...La course est ouverte et sur le chemin de cette compétition, c'est la fabrication de ces documents modernes qui est retardée. Le Maroc a déjà pris une sérieuse longueur d'avance sur l'Algérie. 20 millions de puces pour la carte d'identité du royaume du Maroc seront fabriquées par Oberthur Card Systems. «Oberthur Card Systems est fier d'annoncer qu'il a été sélectionné pour fournir au royaume du Maroc son produit ID-One Cosmo destiné au plus important déploiement de cartes d'identité sans contact au monde», a affirmé Xavier Fricout, directeur Identité Marketing & Solutions, chez Oberthur Card Systems. «Ce succès renforce notre stratégie dans le domaine de l'identité orientée vers des produits intégrant les normes et les standards et garantissant un haut niveau de performance, de sécurité et d'interopérabilité», a ajouté Xavier Fricout. «Nous sommes particulièrement fiers d'avoir été choisis pour participer au plus important programme national de documents d'identité sans contact. C'est un contrat majeur pour Oberthur Card Systems», a affirmé pour sa part Pierre Barberis, un autre responsable du groupe. Le Maroc prend les devants Evidemment, le Maroc n'a pas entamé la procédure de modernisation des cartes d'identité de ses citoyens avant l'Algérie. Mais il a été plus vite dans la concrétisation de l'opération. Plus de 20 millions de composants sans contact, du système d'exploitation et de l'application d'identité sont embarqués au Maroc, il y a quelques mois pour les besoins de l'opération. Cette fourniture intervient dans le cadre du contrat, d'une durée de quatre ans, entre la Direction générale de la Sûreté Nationale (Dgsn) du royaume du Maroc et de Thalès Security Systems, portant sur le déploiement d'un système complet de production et de personnalisation de cartes nationales d'identité. On croit savoir que l'avis d'appel d'offres pour les cartes d'identité à puce est prêt au niveau des services du ministère mais son annonce tient à des procédures et des lenteurs purement administratives «Nous sommes au courant que le ministère de l'Intérieur algérien lancera l'avis d'appel d'offres. Nous suivons avec beaucoup d'intérêt l'évolution de la situation car ce marché est important pour notre groupe», a indiqué M.Fricout. Cela étant, cette société n'est pas présente en Algérie seulement dans le cadre de la fabrication des cartes pour la Cnas. C'est après tout le client du CPA à qui il livre 110.000 cartes en 2006 et atteindra le nombre de 10 millions en 2010. «On est en négociation avec Satim pour la fabrication d'un million de cartes en 2007, le marché est en pleine expansion, on a ouvert un bureau à Alger et on a dépassé toutes les prévisions». Le groupe est également fournisseur des cartes de recharge pour les trois opérateurs de la téléphonie en Algérie et il est sur le point de finaliser un contrat de 10 millions de cartes avec Mobilis. Mais il n' y a pas qu'en Algérie que le groupe doit prendre son mal en patience. Encore qu'en Algérie, Oberthur est sûr de gagner le marché, «c'est juste le temps que les autorités algériennes tranchent la question de l'autorité de sécurité». C'est en France que le groupe souffre réellement. Il souffre de bureaucratie et «d'injustice» selon les responsables de ce groupe qui active à l'échelle de la planète. Il dénonce «le caractère discriminatoire et non transparent de la procédure ayant présidé au choix d'un prestataire pour la production des passeports personnalisés» entamée par les autorités françaises.L'affaire remonte à l'été 2005. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, un programme de sécurisation des passeports a été mis en place qui a conduit les Etats-Unis à demander une impression numérisée des photos pour le 26 octobre 2005 et l'intégration d'une puce électronique contenant les éléments d'identité pour le 26 octobre 2006. L'Union européenne fixait au 28 août 2006 l'exigence d'une puce électronique et à août 2008 la numérisation des empreintes digitales. La France est actuellement le seul des 27 pays figurant dans ce programme à n'avoir pas rempli les obligations qui étaient les siennes. Revoyons les péripéties de l'affaire : le 12 août de l'année 2005, le ministère de l'Intérieur français a accordé au groupe Oberthur un contrat qui lui garantissait la production des passeports biométriques français. La société a été retenue après avoir assuré «la satisfaction générale depuis près de deux ans de l'intégralité» de la production et de la distribution des 500.000 passeports annuels du Royaume de Belgique et qui était très largement moins-disante. Le monopole de l'Etat A l'inverse, l'Imprimerie nationale a été recalée même si elle a, dans le cadre de son monopole d'impression, répondu à l'appel d'offres lancé par l'administration le 16 août 2005. Sa candidature a été écartée par l'administration en raison d'insuffisances techniques. Seulement voilà, le marché gagné par Oberthur a été suspendu suite à la pression qui serait exercée par la société d'imprimerie. «Le blocage de la production des passeports a pour origine la suspension du marché initié par le ministère de l'Intérieur à l'été 2005, par le personnel de l'Imprimerie nationale». Le Conseil d'Etat a décidé de confirmer la suspension de l'attribution du marché le 3 mars dernier, ce qui a conduit le ministère de l'Intérieur français à publier un communiqué attribuant à l'Imprimerie nationale la production et la personnalisation des passeports électroniques. La société Oberthur se trouve ainsi évincée d'un marché «qu'elle avait régulièrement emporté», ce qui met directement en péril les investissements qu'elle avait réalisés ainsi que quelque 90 emplois directs. Privée du marché de la personnalisation tout en continuant à fournir les livrets, l'Imprimerie nationale, à travers ses syndicats, a porté l'affaire en justice. Elle a soutenu que son monopole «devait être étendu non seulement à l'impression mais à la personnalisation et à la distribution des passeports», alors même que ces missions étaient jusque-là assurées par les services du ministère. C'est ainsi que les autorités françaises ont failli à leur engagement pris envers l'Union européenne qui a conditionné le versement d'une aide d'Etat de 197 millions d'euros à la clarification dans un sens restrictif de ce monopole. Toujours selon les responsables de Oberthur, l'Imprimerie nationale a participé à l'appel d'offres lancé par le ministère de l'Intérieur «sans évoquer qu'il pourrait porter atteinte à son monopole, après avoir signé le 12 août 2005 un protocole d'accord pour fournir, dans le cadre de son monopole, les livrets vierges au bénéficiaire du marché». Il convient de signaler que ce groupe international ne doit pas sa survie à ce contrat. Il a déjà gagné ses lettres de noblesse ailleurs. «Seulement la référence que constitue la production des passeports français lui aurait permis de gagner de nouveaux marchés et de développer ainsi l'activité et l'emploi en France» soutiennent les dirigeants de la société. Salué pour le succès remporté lors des déploiements d'envergure pour le département de la Défense américain, les administrations belge et thaïlandaise, Oberthur Card Systems est aujourd'hui un leader incontesté sur le marché de l'identité et de la sécurité, renommé pour la qualité de ses systèmes d'exploitation et de ses applications. Avec un chiffre d'affaires de 500,8 millions d'euros en 2005, Oberthur Card Systems est un des tout premiers fournisseurs mondiaux de solutions à base de cartes à puce, de logiciels et applications incluant les cartes SIM, les cartes multi-applicatives, ainsi que de services allant du conseil à la personnalisation. Son offre de produits innovants, son expertise dans la sécurité et le niveau élevé de qualité de ses services lui assurent des positions fortes sur ses principaux marchés: Oberthur est ainsi présent sur le marché international et réalise l'essentiel de son chiffre d'affaires à l'exportation.