Le général al-Burhane, nouvel homme fort du pays, a nommé un nouveau conseil de souveraineté qui écarte des partisans d'un transfert du pouvoir aux civils. Une décision qui a provoqué de nombreuses réactions. Hier, c'était journée test pour les protestataires soudanais partisans d'un pouvoir civil comme pour les généraux au pouvoir. En effet, les forces de sécurité ont tenté de disperser à coup de grenades lacrymogènes les milliers d'opposants au coup d'Etat sortis dans Khartoum et sa banlieue. Les partisans d'un pouvoir civil, réduits à s'organiser par SMS ou graffitis sur les murs avec internet coupé depuis trois semaines, veulent montrer qu'ils pèsent encore, alors que les militaires devront faire preuve de retenue pour rassurer la communauté internationale qui a condamné le putsch du 25 octobre au Soudan. Comme à chaque démonstration de force de la rue, les forces de sécurité ont tiré des grenades lacrymogènes sur des défilés dans l'est de Khartoum ainsi qu'à Omdourman, banlieue nord-ouest séparée de la capitale soudanaise par le Nil blanc. Dès les premières heures du matin, soldats et paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) se sont positionnés en masse à Khartoum, installant des barrages volants pour empêcher les rassemblements et bloquer les ponts reliant le centre de Khartoum aux banlieues. Malgré ces obstacles, des cortèges sont partis de nombreux quartiers aux cris de «Non au pouvoir militaire» et «A bas de le Conseil» de souveraineté dirigé par le général Abdel Fattah al-Burhane, auteur du coup d'Etat. Depuis le coup d'Etat, 15 personnes ont été tuées et plus de 300 blessées dans la répression des manifestations, selon des médecins. Des centaines d'opposants et des militants ont été arrêtés, d'après les syndicats et autres associations prodémocratie. Avec son coup de force, le chef de l'armée a rebattu les cartes d'une transition qui battait de l'aile depuis des mois. Il a fait rafler la quasi-totalité des civils au sein du pouvoir et mis un point final à l'union sacrée entre civils et militaires qui avait clos 30 ans de dictature Béchir. Jeudi, il a acté la rupture avec la réinstallation et la réforme du Conseil de souveraineté -plus haute autorité de la transition depuis la destitution sous la pression de la rue du président Omar el-Béchir en 2019-, qu'il avait dissous le 25 octobre. Il a ainsi reconduit au sein du Conseil des militaires et nommé des civils apolitiques en remplacement des partisans d'un transfert complet du pouvoir aux civils. Lors du putsch, le général Burhane a suspendu des articles de la déclaration constitutionnelle censée encadrer la transition jusqu'aux élections. Il les a réintroduits jeudi mais après en avoir retiré toutes les mentions faites des Forces de la liberté et du changement (FLC), bloc civil né de la révolte populaire de 2019. Pour Volker Perthes, émissaire de l'ONU au Soudan, «la nomination unilatérale du Conseil de souveraineté rend beaucoup plus difficile un retour aux engagements constitutionnels» de 2019. Le Premier ministre renversé Abdallah Hamdok est lui toujours en résidence surveillée. L'armée n'a libéré que quatre ministres, en dépit des appels quasi-quotidiens de la communauté internationale à un retour au gouvernement civil d'avant-25 octobre. Le général Burhane promet depuis plusieurs jours la formation «imminente» d'un gouvernement, sans y être parvenu jusqu'ici.