Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a promis vendredi «d'enterrer l'ennemi» dans un message envoyé selon un média d'Etat depuis le front du conflit qui en un an, a plongé dans le nord du pays plus de neuf millions de personnes dans la faim, affirme l'ONU. Les récents développements de la guerre en Ethiopie, où les rebelles tigréens menacent de marcher sur la capitale Addis Abeba, inquiètent la communauté internationale. Plusieurs Etats ont appelé leurs ressortissants à quitter le pays, le dernier vendredi étant le Canada qui a leur demandé de partir «immédiatement». Mercredi, Fana BC a affirmé que M. Abiy s'était rendu sur le front pour y mener la contre-offensive, laissant la gestion des «affaires courantes» à son vice-Premier ministre Demeke Mekonnen. Les rebelles, eux, ont affirmé cette semaine se trouver à quelque 220 km d'Addis Abeba. Les communications sont coupées dans les zones de combats et l'accès des journalistes y est restreint, rendant difficile toute vérification indépendante. Vendredi, dans une interview diffusée par la chaîne d'Etat Oromia Broadcasting Corporation, le prix Nobel de la paix 2019 se dit certain de la victoire face au Front de libération du Tigré (TPLF).»Jusqu'à ce que nous enterrions l'ennemi (...) jusqu'à ce que l'indépendance de l'Ethiopie soit confirmée, nous ne ferons pas marche arrière. Ce que nous voulons c'est voir une Ethiopie debout pendant que nous mourrons», a-t-il dit. M. Abiy a assuré que l'armée avait pris le contrôle de la ville de Kassagita (nord-est d'Addis Abeba, dans la région Afar) et prévoit notamment de reprendre à proximité le district de Chifra, plus au nord.»L'ennemi n'est pas au niveau face à nous, nous gagnerons», a-t-il dit. Le gouvernement, qui a déclaré l'état d'urgence début novembre, a imposé jeudi soir de nouvelles restrictions relatives à la diffusion d'informations sur la guerre. Marqué par les atrocités et la famine, le conflit a fait plusieurs milliers de morts et plus de deux millions de déplacés. Vendredi, le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies a affirmé que la situation humanitaire s'est rapidement détériorée au Tigré, où l'aide peine à arriver depuis des mois, mais aussi dans les régions de l'Amhara et de l'Afar, où les combats se sont étendus. Selon un communiqué de l'organisation, 9,4 millions de personnes y souffrent de la faim «en conséquence directe du conflit en cours», contre environ 7 millions en septembre.»La région Amhara (...) a observé la plus grande progression des chiffres avec 3,7 millions de personnes désormais en besoin urgent d'aide alimentaire», dit le PAM. «De tous les gens qui dans le nord de l'Ethiopie ont besoin d'aide, plus de 80% (7,8 millions) sont au-delà de la ligne de front».Cette semaine, de la nourriture a été distribuée à Dessie et Kombolcha pour la première fois depuis que ces villes amhara ont été prises par les rebelles il y a près d'un mois, affirme l'organisation. La malnutrition a également progressé à travers les trois régions et touche selon les données du PAM entre 16 et 28% des enfants. En Amhara et au Tigré, 50% des femmes enceintes et allaitantes sont mal-nourries. Les combats ont endommagé plus de 500 structures de santé en Amhara, a selon le Bureau de coordination humanitaire de l'ONU (Ocha). La communauté internationale a intensifié ces dernières semaines ses efforts diplomatiques pour obtenir un cessez-le-feu, sans succès pour le moment. Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a exprimé lors d'un entretien téléphonique avec le président kényan Uhuru Kenyatta, également impliqué dans ces efforts, sa «profonde préoccupation au sujet des signes inquiétants d'escalade militaire en Ethiopie», selon un communiqué du Département d'Etat vendredi. M. Blinken, qui a récemment averti des risques d'»implosion» de l'Ethiopie si aucune solution politique n'était trouvée, a également réaffirmé le «besoin urgent d'aller vers des négociations». Les rebelles du Front de libération du Tigré (TPLF) ainsi qu'un responsable d'hôpital ont fait état vendredi de deux frappes aériennes à Mekele, la capitale du Tigré, le TPLF évoquant un «drone» pour la première fois. Hayelom Kebede, directeur de la recherche à l'hôpital de référence Ayder, a déclaré que les bombardements ont eu lieu à 09h00 et 12h30 heures locales, le premier ayant détruit deux maisons. «Nous attendons toujours le bilan des victimes», a-t-il dit. La porte-parole du Premier ministre Abiy Ahmed, Billene Seyoum, a dit n'avoir «aucune information» sur d'éventuelles frappes de drones à Mekele. La guerre a démarré au Tigré en novembre 2020 lorsque M. Abiy y a envoyé l'armée fédérale afin d'en destituer les autorités, issues du TPLF, qui défiaient son autorité et qu'il accusait d'avoir attaqué des bases militaires. M. Abiy avait proclamé la victoire trois semaines plus tard, après la prise de la capitale régionale Mekele. Mais, en juin, le TPLF a repris l'essentiel du Tigré et poursuivi son offensive dans les régions voisines de l'Amhara et de l'Afar.