Le RND, c'est la banlieue du pouvoir, l'instrument d'une politique. On retiendra de la prestation de Ahmed Ouyahia, en marge de la réunion des cadres du Rassemblement national démocratique, au siège du parti à Ben Aknoun, cette déclaration sibylline: «Quoique indigné par le comportement de certaines personnes appartenant à des partis de l'Alliance présidentielle, le RND restera dans cette Alliance». Cela veut dire d'un côté, que s'indigner, cela ne revient pas à exprimer une opinion politique, ni d'un autre côté a fortiori à claquer la porte, Ahmed Ouyahia n'étant pas connu pour être un adepte de la chaise vide. Loin s'en faut. S'indigner, c'est tout simplement dire un sentiment personnel, sans incidence sur le parcours ni sur la carrière politique. Nuance de taille dans la bouche d' Ahmed Ouyahia qui connaît le poids des mots. Et ne va pas plus vite que la musique. Après les mots, les dates. Le chef du RND a confirmé la déclaration faite mercredi par le président de l'APN, Amar Saâdani, en précisant qu'il a bien adressé une correspondance à Saâdani lui demandant de programmer la présentation de la déclaration de politique générale entre le 24 et le 31 mai. Sachant qu'il a présidé un conseil du gouvernement le 10 mai, sa décision de démissionner aurait été prise entre cette date et le 17 mai, mais il a temporisé pour des questions d'agenda protocolaire (visites de délégations étrangères). On retrouve bien là le caractère lisse de Ahmed Ouyahia qui répugne à faire des vagues en présence d'étrangers, modération sans doute acquise lors de son passage aux Affaires étrangères. Autre précision de taille: le RND serait l'auteur de l'idée de la création de l'Alliance présidentielle qui n'est pas le fruit d'une génération spontanée. Entrer en dissidence maintenant ce serait renier ses propres convictions et M.Ouyahia ne mange pas de ce pain-là, tout en réservant ses critiques à l'endroit de ceux qui avaient affirmé qu'il allait rejoindre les rangs de l'opposition. M.Ouyahia en profite pour mettre les points sur les i, en réaffirmant son soutien au programme du président de la République. Reste que pour l'ensemble des citoyens, son départ du gouvernement restera une énigme, puisqu'une opacité totale entoure sa démission. Le manque de transparence justement va à l'encontre de l'affirmation de Ahmed Ouyahia, selon qui il est indispensable d'informer les citoyens de certaines vérités pour parvenir à les convaincre de la réalité, ajoutant que pour «redonner espoir aux citoyens, il importe de procéder à une explication et à une mobilisation tout en faisant barrage aux manipulations». Le citoyen lambda aurait aimé que l'exemple de la transparence vienne d'en haut. De tout ce qui précède, il ressort que Ahmed Ouyahia ne quitte les rênes du gouvernement que pour reprendre celles du RND, c'est à dire qu'il se contente de migrer d'un appareil vers un autre, en prenant soin d'utiliser un filet de protection, en bon commis de l'Etat qu'il est. Petite parabole pourrait laisser entendre que M.Ouyahia est un enfant du système. Il en maîtrise les rouages et est rompu aux moeurs et usages. L'expérience a montré que tous ceux qui se sont retrouvés sur la touche, en croyant être en réserve de la République, n'ont jamais pu retrouver le giron du pouvoir. Dans le jeu de l'équilibre des forces en présence, Ahmed Ouyahia, tout en marquant sa différence, a compris qu'il n'est pas question de se faire remarquer par une opposition frontale à la ligne officielle, une ligne dont il est au demeurant partie prenante. Le credo est le suivant: «Je continue à soutenir le programme du président de la République» Si différend il y a, il est donc à chercher dans les incompréhensions entre les personnes, et non entre le chef de l'Etat et le RND, qui fait plus que jamais partie de l'Alliance présidentielle et de la coalition gouvernementale, l'une n'allant pas sans l'autre. En d'autres termes, le RND, c'est la banlieue du pouvoir, l'un des instruments de réalisation d'une politique d'Etat. Et Ahmed Ouyahia, qui a montré à maintes occasions qu'il n'a pas d'état d'âme, ne se départira pas de son flegme habituel et restera zen jusqu'au bout. Le RND est un appareil et c'est en tant que tel qu'il réagit.