Tous les habitants d'Algérie marqueront aujourd'hui, de fort belle manière, le nouvel An berbère, Yennayer, reconnu par l'Etat comme journée chômée et payée. Une reconnaissance qui était inévitable pour réconcilier les Algériens avec leur histoire, leur culture et leur identité mais aussi avec leur langue, plusieurs fois millénaire, tamazight. La reconnaissance de Yennayer comme jour férié est venue s'ajouter à la constitutionnalisation de tamazight, d'abord comme langue nationale puis, en 2016, comme langue officielle. Il s'agit là du couronnement d'un très long combat identitaire pacifique qui a été jalonné par plusieurs escales importantes et dont les balbutiements remontent au moins à la crise dite berbériste de 1949. Puis il y a eu la longue période du combat mené par les militants de l'Académie berbère, pilotée par l'ancien maquisard Bessaoud Mohand-Arab avant qu'une nouvelle génération ne reprenne le flambeau durant la fin des années soixante-dix. Ce qui donna naissance au printemps berbère lequel a fait éclater encore une fois, au grand jour, la question identitaire en Algérie. L'identité amazighe ne pouvait et ne peut aucunement être occultée plus qu'elle ne l'était. Après le printemps berbère, la question identitaire amazighe a été quelque peu réhabilitée mais loin des institutions de l'Etat. C'était plutôt dans le cadre culturel, notamment dans les universités où des étudiants très sensibles et sensibilisés à la question identitaire amazighe, ont commencé à activer, culturellement, en faveur de cette cause. Ce n'est que suite aux événements d'octobre 1988 que la question identitaire amazighe allait connaître un saut qualitatif indéniable, notamment grâce à l'explosion spectaculaire du nombre d'associations culturelles qui allaient prendre en main la promotion, voire l'enseignement de la langue amazighe et ce, pendant plusieurs années. L'exemple le plus édifiant est celui de l'association culturelle «Idlès» de Tizi Ouzou que présidait le docteur Mouloud Lounaouci, qui était l'un des 24 détenus du printemps berbère de 1980. Cette association a été d'ailleurs le précurseur de l'enseignement de tamazight en Algérie avant que des dizaines d'autres ne viennent lui emboîter le pas. C'est durant la même période, et suite à la marche historique marche du Mouvement culturel berbère (MCB) à Alger, le 25 janvier 1990, que la langue amazighe accède, pour la première fois, dans les institutions. Il s'agit du lancement de deux départements de langue et culture amazighes, de Béjaia et Tizi Ouzou. Il s'agissait du premier acquis officiel du combat identitaire qui allait être suivi d'autres. Mais pour cela, il fallait encore poursuivre ce combat pacifique, inlassable et exemplaire, mené pendant des décennies et dont la vitesse de croisière allait être atteinte en septembre 1994 avec l'initiation, par le MCB, de la grève du cartable. Une autre action pacifique qui permit après plus de sept mois de grève scolaire, d'arracher enfin l'introduction de la langue amazighe dans le système éducatif algérien. En effet, cette langue a été enfin introduite à l'école algérienne dès septembre 1995, suite à des accords signés entre les représentants du Mouvement culturel berbère et les représentants de l'Etat. En plus de l'enseignement de la langue précitée, ces accords ont porté principalement sur la création, pour la première fois dans l'histoire d'une institution de la République, rattachée à la Présidence, et qui allait avoir pour mission la promotion et la réhabilitation de l'amazighité sous toutes ses facettes. Il s'agit du Haut commissariat à l'amazighité. Depuis, plusieurs autres institutions scientifiques étatiques chargées aussi de la promotion de l'Amazighité, langue et culture, ont vu le jour, comme le Centre national pédagogique et linguistique pour l'enseignement de tamazight (Cnplet), l'Académie algérienne de langue amazighe et le Centre de recherche en langue et culture amazighes de Béjaïa.