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Neuf films à départager
Prix Bouamari-Vautier 2021 à l'Institut du Monde arabe
Publié dans L'Expression le 31 - 01 - 2022

Organisé par l'association France-Algérie, cet événement porte les noms de deux prestigieux réalisateurs algériens. Il s'agit de Mohamed Bouamari ainsi que René Vautier, militant politique engagé et anticolonialiste, il est particulièrement connu par son film «Avoir vingt ans dans les Aurès» (1972). Engagé pour l'indépendance de l'Algérie, il a filmé l'ALN en lutte. Tous deux ont marqué le cinéma algérien par leur regard et leur engagement.
L'Association France-Algérie «considère le cinéma comme un réel outil de développement et de connaissance. Elle s'inscrit dans la volonté d'encourager les jeunes cinéastes algériens et franco-algériens en leur apportant une visibilité nouvelle et le développement d'un réseau professionnel»,peut-on lire sur le communiqué de l'IMA. Et d'ajouter: «Dans cet esprit, L'AFA organise annuellement le prix Bouamari-Vautier. Ce Prix récompense en numéraire un premier film de fiction et un premier documentaire réalisés et sortis durant l'année qui précède la cérémonie de remise du Prix. Exceptionnellement, en raison de la Covid-19, ce sont des films réalisés en 2020 qui ont concouru pour l'édition 2021». Pour cette édition, le jury sera présidé par Dominique Cabrera, réalisatrice et actrice française et composé de Nadir Moknèche, réalisateur franco-algérien, Farid Bentoumi, réalisateur, scénariste et acteur franco-algérien, Alexandre Arcady, réalisateur français, Denise Brahimi, écrivaine et spécialiste du cinéma maghrébin, Malika Laichour Romane, productrice et réalisatrice et enfin Tahar Boukella, universitaire scénariste formateur. Ce jury composé de personnalités des arts et de la culture est amené à visionner neuf films, entre documentaire et fiction et voter pour les deux films de leur choix. Ces films sont l'apanage de réalisateurs soit algériens ou d'origine algérienne, de double nationalité et ou abordée l'Algérie dans leur films, a-on pu remarquer.
6 fictions en lice
On citera le long métrage dramatique «Cigare au miel» de l'Algéro-Brésilien Kamir Aïnouz et dont le synopsis du film est comme suit: «Selma, 17 ans, grandit au sein d'une famille berbère bourgeoise et laïque. Mais elle prend conscience après avoir rencontré Julien, un garçon aussi attachant que provocateur, du patriarcat familial qui l'entoure et l'empêche de s'épanouir. Tandis qu'au même moment, l'islamisme radical fait rage en Algérie et que sa famille s'effondre, Selma découvre le pouvoir de son propre désir. C'est une battante. Puisant sa force parmi ses proches, elle entreprend sa quête d'émancipation.» Moult fois récompensé l'année dernière, «Ibrahim» de Samir Guesmi aborde l'histoire du jeune Ibrahim qui partage sa vie entre son père, Ahmed, écailler à la brasserie du Royal Opéra, sérieux et réservé, et son ami du lycée technique, Achille, plus âgé que lui et spécialiste des mauvais coups. C'est précisément à cause de l'un d'eux que le rêve d'Ahmed de retrouver une dignité se brise lorsqu'il doit régler la note d'un vol commis par son fils et qui a mal tourné. Les rapports se tendent, mais Ibrahim décide alors de prendre tous les risques pour réparer sa faute...Dans «La vie d'après» le réalisateur Anis Djaâd, aborde la question du statut de la femme divorcée, obligé de faire fi des rumeurs et qu'en dira- t-on en étant obligé de quitter carrément son village avec son fils, fuyant ainsi les mauvaises langues qui traînent sur elle. Elle continuera ainsi à emmagasiner les problèmes et les coups bas, elle et son fils...Un film dramatique, mais nécessaire.
Exil et évasion
Dans «Rêve», Omar Belkacemi a choisi, quant à lui de nous narrer le quotidien oisif de Koukou, un jeune de 20 ans, qui vit dans un village en haute montagne de Kabylie. Au village, il dérange par son look et son comportement original. Il est mal vu par le comité des sages du village, qui décident de l'interner dans un asile psychiatrique. Son frère Mahmoud, enseignant de philosophie dans un lycée à Béjaïa, est révolté par la décision du comité. Pendant son séjour au village, Mahmoud mène un combat quotidien pour convaincre son père et les sages du village de l'innocence de son frère. Mais face à la morale et à l'ordre établi, Mahmoud ne peut rien faire. Désespéré, il fait fuir son frère du village....Dans un autre registre narratif et dispositif cinématographique est le film «Soula» de Salah Issaâd. Un film audacieux qui aborde aussi la question de la femme célibataire.
En effet, Soula est une jeune mère célibataire, chassée du foyer familial. Prête à tout pour sa petite fille, elle se retrouve embarquée avec elle de voiture en voiture afin de passer la nuit à l'abri. Sur l'asphalte des routes algériennes et au hasard des rencontres, cette aventure nocturne les conduit vers leur tragique destinée. Dans «Voyage en Kabylie», les réalisateurs Hace Mess et Mathieu Tuffreau dresse le portrait de Zahir qui vit dans un petit village de Kabylie. Un jour, il découvre à la mort de son père l'existence d'un frère en France, Mathieu. Il l'invite dans son pays où il lui demande de ne rien dire à leur soeur Lamia, qui cherche à en savoir plus.
Dans le documentaire «Leur Algérie», Lina Soualem questionne elle aussi le rapport à l'exil et la notion de l'immigration, tout en invitant au dialogue interculturel, à travers sa propre histoire.
En effet, après 62 ans de mariage, les grands-parents de Lina, Aïcha et Mabrouk, ont décidé de se séparer. Ensemble ils étaient venus d'Algérie en Auvergne, à Thiers, il y a plus de 60 ans, et côte à côte ils avaient traversé cette vie chaotique de l'immigration.
Pour Lina, leur séparation est l'occasion de questionner leur long voyage d'exil et leur silence.
Dans «Les visages de la victoire», Lyèce Boukhitine lève le voile sur des femmes Des femmes dont on n'entend quasiment jamais la parole.
Dialogue des cultures
Les femmes des Immigrés des Trente Glorieuses. Elles s'appellent Chérifa, Aziza, Jimiaa, Mimouna.... Elles ont dû renoncer à leurs désirs de jeunesse, pour suivre des hommes qu'elles n'ont presque jamais choisis, et se résigner à leur sort, afin d'élever leurs enfants du mieux qu'elles ont pu.
Leur victoire, c'est leur résilience, et leur volonté d'émancipation, qui leur donnent au visage un sourire de jeune fille comme retrouvé au fond du coeur. Enfin, dans «Ne nous racontez plus d'histoire!» Ferhat Mouhali et Carole Filiu Mouhal abordent également l'histoire de l'Algérie autrement.
En effet, Elle est française, il est algérien. Toute leur enfance a été bercée par la guerre d'Algérie. Souvenirs traumatisants d'un départ forcé pour la journaliste, fille de pieds-noirs; récit mythifié d'une indépendance glorieuse pour le réalisateur, militant des droits humains. Chacun a eu droit à sa version de l'Histoire. Loin de l'historiographie officielle, ils rencontrent des témoins aux discours volontairement oubliés et qui se battent contre la guerre des mémoires pour faire entendre une vérité plus apaisée.
En somme, que des films intéressants et utiles à voir! Il est bon de savoir enfin que l'Association France-Algérie (AFA), est une association fondée en 1963 par Germaine Tillion et Edmond Michelet, avec le soutien du général de Gaulle et de plusieurs hautes personnalités politiques et intellectuelles telles que Raymond Aron. Elle est présidée, aujourd'hui, par Arnaud Montebourg qui succède à Jean-Pierre Chevènement. Saluons la qualité des films proposés. Il sera difficile au jury, sûrement, de départager entre eux, tant nombreux sont bien riches par leurs propos et leurs visions cinématographiques.


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