Par Boubaya Ali Faïz Cette inégalable prouesse étant jumelée aux hauts faits de l'engagement en faveur de la paix et la liberté dans le monde, ainsi qu'à l'empreinte qualitative pour un ordre économique international équitable dans le cadre du Mouvement des non-alignés et de l'Opep(2), pour ne citer que ceux-là, ont, à des moments cruciaux, placé l'Algérie à l'avant-scène internationale et lui ont permis de s'imposer depuis comme une puissance régionale incontournable(3). Toutefois, en dépit de la considération vouée à son égard, certains pays et acteurs internationaux ne lésinent sur aucun effort ou moyen machiavélique pour tenter de discréditer l'Algérie et toucher à ses intérêts vitaux, en semant les troubles et en répandant des calomnies dans le cadre de la propagande numérique contemporaine(4), ce dont notre contribution tentera d'en discerner certaines trames sournoises, selon la doctrine de «l'aléa moral de kuperman» en dehors de toute vision «complotiste». Emergence de la théorie de l'aléa moral de kuperman: désigné en anglais: «Moral hazard», «l'aléa moral» ou «l'asymétrie d'information», est un phénomène polysémique, appréhendé dans les domaines des assurances, des finances et du management. Les premières idées le concernant sont apparues à l'époque de la Grèce antique et furent développées, tout au long, jusqu'à la théorie économique contemporaine. Analyse scientifique de la situation Il fut formalisé au XVIIe siècle par le philosophe et économiste écossais, Adam Smith, qui le définit comme: «La maximisation de l'intérêt individuel sans prise en compte des conséquences défavorables de la décision sur l'utilité collective»(5). C'est une situation de risque dans une relation où l'une des deux parties contractantes peut difficilement contrôler l'autre, s'il agit conformément à ses engagements, suscitant ainsi la prise de risque inconsidéré du fait de l'existence d'une protection, contrat d'assurance ou garantie d'un tiers. À titre d'illustration, ce concept est intelligible dans les systèmes de protection sociaux où les citoyens sont persuadés qu'ils seront soutenus et protégés par les pouvoirs, en cas de péril au risque d'inciter certains d'entre eux à des comportements imprudents, à l'image des personnes les moins attentives à leur santé, en raison de l'assurance maladie. La forme la plus extrême de l'aléa moral se manifeste, lorsqu'un assuré suscite sciemment un sinistre, afin d'encaisser l'indemnisation prévue comme les vols prémédités de voitures ou de magasins. Après avoir analysé scientifiquement plusieurs conflits à travers le monde, le politologue américain Alan J. Kuperman a transposé cette notion sur le contexte controversé de l'intervention humanitaire, en la considérant comme une «assurance politique protectrice», qu'il a jugée imparfaite, en faveur des groupes minoritaires séditieux vis-à-vis des risques de génocide et autres violences de masse de la part des structures relevant de la sécurité publique. L'attente prolongée d'une intervention étrangère de la part des groupes récalcitrants dans les pays touchés par des conflits internes favorisera, selon l'expert, le déploiement de stratagèmes plus risqués, qui amplifieraient, lors des échauffourées la probabilité/gravité d'une violence létale fortuite et les coûts financiers engendrés pour le rétablissement de l'ordre et ou de la paix. Perspective sournoise Parmi les conséquences négatives potentielles de l'aléa moral, Kuperman a révélé que certains clans mutins en interne, fomentent des insurrections, tout en escomptant des répressions disproportionnées des forces de l'ordre, dans la perspective sournoise de susciter une intervention étrangère et faire chuter le régime en place, dont la conspiration serait souvent tramée de concert avec un ou différents Etats interventionnistes. Il a démontré aussi que ce qu'il a qualifié de «stratégie sécessionniste» fut exploitée pour l'acquisition de l'indépendance de certains pays en Europe et en Afrique, ainsi que pour l'autonomie d'une région au sein d'un pays asiatique sur fond de tragiques conflits interethniques(6). La récurrence des mouvements de protestation manipulés pourra-t-elle amplifier la gravité de l'aléa moral à même de menacer la stabilité de l'Algérie? À l'instar du reste du monde, l'Algérie a connu plusieurs mouvements de protestation depuis son indépendance d'une manière saccadée. Parmi les plus prégnantes et récentes contestations qui ont fait couler beaucoup d'encre, on évoque les protestations survenues dans les régions du Sud et de la Kabylie et plus particulièrement le Hirak populaire du 22 février 2019 qui a insufflé le préambule de l'actuelle Constitution et dont l'évènement fut décrété «Journée nationale de la fraternité et de la cohésion peuple-armée pour la démocratie», une année après. Sans discréditer les contestations précitées -sauf l'incitation à la subversion, la rébellion et l'appel à la sécession- qui doivent être menées désormais dans un cadre réglementé, plusieurs références crédibles ont démontré que celles-ci furent infiltrées par des sphères intérieures et extérieures hostiles aux fins de déstabilisation(7), par le biais de campagnes de désinformation qui conditionnent les affects en mettant en branle l'indignation, la crainte et l'aversion. Un des stratagèmes de 4e génération fut entamé par les tentatives de dénigrer le nationalisme algérien et rompre le lien fort et sacré fusionnant le peuple avec l'ANP. Le fraternel slogan «djeïch-chaâb, khawa-khawa» (l'armée et le peuple sont des frères) célébré durant les premières manifestations du Hirak fut perverti en d'autres refrains irrévérencieux et offensants, dans le but de déconsidérer les hauts cadres militaires et ternir par ricochet l'image de l'armée algérienne et d'autres institutions officielles, au point d'amenuiser la confiance entre gouvernants et gouvernés, répandre la désunion et s'acheminer vers l'affaiblissement du bouclier de la patrie. La persistance des mouvements de protestation en Algérie engendrerait un aléa moral, selon les arguments de Kuperman. Pour ce faire, les instigateurs misent actuellement, semble-t-il, sur la résilience des contestations et maniganceraient pour leur recrudescence, via les outils numériques, en incitant à leur radicalisation (violences) et l'observation de grèves, ou au moins les perpétuer et faire miroiter que la durabilité de la mobilisation de masse finira par améliorer le niveau de vie après la déchéance du régime en place, d'autant plus qu'elle serait soutenue prétendument par la communauté internationale(8). Un complot révélé par le MDN Une telle fabulation et bien d'autres peuvent constituer non seulement un champ fertile, suscitant des tensions sociétales, mais peuvent aussi altérer certaines facultés cognitives des citoyens en ancrant dans leurs mémoires des distorsions mnésiques (faux souvenirs) post-manipulation(9). C'est pour cela que le combat contre la désinformation devient désormais un enjeu majeur d'intérêt stratégique. Pour preuves non exhaustives, on rappelle que le MDN a révélé au mois d'avril 2021 le démantèlement d'une cellule criminelle composée d'activistes du mouvement séparatiste « MAK», classé terroriste, lequel projetait de commettre des attentats terroristes et d'autres actes criminels durant lesdites protestations à dessein de susciter une intervention étrangère(10). À l'étranger, un mémorandum hostile marocain portant le soutien au prétendu «droit à l'autodétermination du peuple kabyle en Algérie», a été soumis aux pays membres du Mouvement des non-alignés à l'ONU au mois de juillet 2021. Ajouté à cela, les ingérences incessantes appelant au respect du droit de la liberté d'expression par certains Etats et organismes, sans pour autant qu'ils aient balisé d'une manière tangible, les limites de ce principe à l'égard des risques de saper la paix et la sécurité internationales. À ce stade d'analyse, le recoupement des indicateurs susmentionnés avec l'accroissement éventuel du degré de l'aléa moral de Kuperman corroborent les contours d'une machination combinée, visant l'intégrité et la sécurité de l'Algérie, au moment où celle-ci relève plusieurs nouveaux défis dans une région des plus instables. La consolidation de l'unité nationale et la lutte contre les campagnes de désinformation s'imposent plus que jamais par l'aiguisage de l'esprit critique et de la responsabilité citoyenne, ainsi que par une sensibilisation plus accrue aux médias et aux réseaux sociaux dès le jeune âge. Bibliographie: (1)- Mamoudou Gazibo, L'instabilité en Afrique et ses déterminants. In: Introduction à la politique africaine. Presses de l'université de Montréal, 2010. (2)- Karl P. Sauvant, Le groupe des 77 à ses débuts, Chronique ONU, Volume 51, Issue 1, août 2014. (3)- Claude Roosens L'Algérie entre les deux grands. Une ambiguïté? (1962-1978), Studia Diplomatica, vol. 34, n° 5, Egmont Institute, 1981. (4)- Colon David, Propagande: la manipulation de masse dans le monde contemporain, Editions Belin, 2019. (5)- Marteau Didier, Limiter l'aléa moral sur les marchés de matières premières agricoles, Les Echos, quotidien français, publié le 4 mars 2011. (6)- Kuperman Alan J., Tragic Challenges and the Moral Hazard of Humanitarian Intervention: How and Why Ethnic Groups Provoke Genocidal Retaliation, Ph.D. dissertation in Political Science, MIT, 2002; In: JEANGENE VILMER Jean-Baptiste, Au nom de l'humanité? Histoire, droit, éthique et politique de l'intervention militaire justifiée par des raisons humanitaires, Thèse de doctorat, Université de Montréal, 2009. (7)- À titre non exhaustif: Ahmed: Bensaada, Qui sont ces ténors autoproclamés du Hirak algérien? Editions APIC, Alger, 2020; Charlotte Gaudreau, Frédéric Thomas, Soulèvements populaires. Points de vue du Sud, Alternatives Sud, vol. 27, n°4, 2020. (8)- Nadjib Touaibia, En Algérie, comment les islamistes infiltrent le hirak, l'Humanité, quotidien français, publié le mardi 20 avril 2021. (9)- Carole Lembezat, Les fake news peuvent créer de faux souvenirs, Courrier international, hebdomadaire français, publié le 27 août 2019. (10)- Voir le communiqué du ministère de la Défense nationale publié le 25 avril 2021 sur son site internet: www.mdn.dz.