Signe des temps, c'est à la veille de la tenue du 35e sommet ordinaire de l'Union africaine que la Cédéao a décidé, jeudi, de ne pas imposer, contre toute attente, de nouvelles sanctions, autres que sa suspension des instances de l'organisation régionale, au Burkina Faso, non sans demander aux militaires qui y ont pris le pouvoir, le 24 janvier, un calendrier rapide de retour à l'ordre constitutionnel. En décidant de ne rien décider, la Cédéao marque un changement radical par rapport aux mesures prises à l'encontre du Mali et, à un degré moindre, de la Guinée, également concernés par les coups de force de 2020 et 2021. Preuve que l'alerte est chaude au sein de la Cédéao, puisque le président ghanéen Nana Akufo-Addo a averti, dans son allocution d'ouverture que «la résurgence des coups d'Etat dans notre région est un sujet de grave préoccupation. Cette évolution met en cause le mode de vie démocratique qu'on a choisi», même s'il faut «rester ferme». Une «fermeté» nuancée par son homologue du Sénégal, le président Alassane Ouatara qui appelle, lui, à «réfléchir sur ces coups d'Etat malgré les sanctions» prises. D'où la recommandation du représentant spécial de l'ONU en Afrique de l'Ouest et au Sahel, Mahamat Saleh Annadif qui a exhorté à une prise en compte de «l'importance de coordonner davantage les efforts de la Cédéao, l'Union Africaine, et les Nations unies pour assurer une transition rapide» dans les pays concernés. Or, c'est bien cette distanciation entre les différentes organisations qui met mal à l'aise les peuples des pays tributaires d'une instabilité politique sous-jacente à une forte dégradation de la situation sécuritaire. En envoyant, pour la première fois, au Burkina Faso une mission militaire composée des chefs d'état-major des pays membres, avant d'y dépêcher une mission ministérielle, la Cédéao semble avoir pris la mesure des multiples dysfonctionnements entre les faits reprochés et les sanctions censées les contraindre. Nul doute que ces questions qui préoccupent toute la région sahélo-saharienne où sévissent les groupes terroristes en puissance exponentielle vont être débattues à Addis-Abeba, lors de la 35e session des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA, dans la mesure où elles influent sur les agendas de la bonne gouvernance, d'une part, et du développement intégré que portent le Nepad et la Zlecaf, d'autre part. Il est évident que les sanctions décidées et appliquées par la Cédéao, au lendemain des derniers sommets d'Accra, au Ghana, ont rencontré un rejet, voire une condamnation des peuples de la région et c'est aussi vrai au Mali, qu'en Guinée ou au Burkina. En imposant la fermeture des frontières avec les pays de la Cédéao, l'embargo sur les échanges commerciaux et les transactions financières et en gelant les avoirs du Mali, l'organisation régionale a donné du crédit aux populations qui estiment que l'instrumentalisation néo-coloniale est à la source de toutes ces manoeuvres. Un sentiment qui interpelle, au plus haut point, l'UA sommée de concilier les principes de son Acte fondateur avec les ambitions légitimes des peuples dont elle est supposée refléter les aspirations à la souveraineté et à l'indépendance pleine et entière.