Il est de tradition depuis 50 ans de fêter l'anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures. L'Algérie devenait maître de ses richesses pétrolières et gazières. L'anniversaire de cette année a une signification particulière,, c'est aussi le soixantième anniversaire de l'indépendance.. C'est une halte que nous devons mettre à profit pour mesurer nos acquis et nos erreurs dans un monde éminemment dangereux, à la fois sur le plan de la géopolitique, mais aussi sur le plan des changements climatiques Près de 1300 milliards de dollars de rente en soixante ans. Qu'avons-nous fait? S'il est honnête de mettre à l'actif de la période 65-78 le démarrage d'une industrie «industrialisante» avec un effort considérable en raffinage,pétrochimie et liquéfaction du gaz naturel, avec 25 milliards de dollars près de 60 au cours actuel) force est de constater que peu de choses ont été réalisées depuis. Certes, nous avons eu la décennie moire, ensuite la décennie rouge, mais rien n'explique comment dans la double décennie de la gabegie, période qui a vu la «combustion» de 1000 milliards de dollars, nous ne pouvons pas comptabiliser des actions pérennes En nous tournant vers l'avenir, il est de la plus haute importance de mettre en place une nouvelle révolution basée sur le savoir, seule défense immunitaire qui nous permettra de réussir la transition énergétique verte et un développement durable à visage humain. On aura tout dit de cette épopée des trentenaires qui ont mené à bout de bras l'indépendance énergétique neuf ans après l'indépendance territoriale Le 24 février 1971, le président Houari Boumediene prononce le discours qui restera dans les annales:«Kararna taemime el mahroukate». Il ne faut pas croire que ce fut simple, mais fort de l'expérience que Mossadegh a tenté en Iran et qui échoua, le président prit toutes les précautions, notamment une diplomatie lumineuse qui a permis à l'Algérie de ne pas subir le sort de l'Iran Le succès des nationalisations a donné lieu à une série de nationalisations dans les autres pays. Etat des lieux Où en sommes-nous 60 après l'indépendance et 51 ans après? Sommes- nous devenus autonomes par rapport à la rente? Dans un contexte éminemment anxiogène, à l'échelle internationale, du fait d'une géopolitique, l'Algérie est face à un nouveau défi énergétique: la transition vers le renouvelable. L'Algérie doit mener sa révolution verte. «Cinquante ans après l'indépendance pétrolière, (nationalisation des hydrocarbures), nous devons réussir la révolution verte en misant sur les énergies renouvelables. La transition énergétique qui est inéluctable et que nous devons gérer avant qu'elle ne nous soit imposée est un nouveau départ Une autre révolution énergétique verte cette fois qui donnera une visibilité au pays. Le citoyen devrait avoir en tête que l'énergie n'est pas gratuite. Nous consommons plus de 800 millions de m3 par semaine au prix actuel c'est près de 200 millions de dollars par semaine qui partent en fumée. En décembre, le m3 de gaz avait atteint 1$! Nous devons en faire le meilleur usage quand ont sait que beaucoup de pays souffrent du manque d'énergie et l'utilisent d'une façon rationnelle Chaque m3 de gaz naturel épargné est une richesse pour les générations futures Notre modèle énergétique ne crée pas de richesses. Il est à 80% dédié à la satisfaction du train de vie, tertiaire avec 20%, le transport avec 40%. L'industrie et l'agriculture ne consomment que moins de 20% d'énergie. Nous sommes 45 millions d'habitants et nous consommons 1500 kWh/habitant/an. 98% de notre énergie sont fossiles. À peine 2% de renouvelables. Nous consommons à peu près 16 millions de tonnes de carburants/an. À ce rythme de consommation débridé, nous en avons pour moins de 20 ans. Nous aurions 2500 milliards de mètres cubes. Là encore, vint ans pour la fin du gaz naturel, même les découvertes de Sonatrach sont loin de compenser une consommation débridée Notre rythme de consommation de 7%/an est intenable, ! Nous aurons un sérieux problème de consommation ou d'exportation. Avant la fin de la décennie Il nous sera impossible de faire les deux. Continuer comme cela compromet l'avenir des générations futures car nous ne jouons pas la prudence! Quand le président de la République a décidé de la mise en place d'un ministère dédié à la Transition énergétique, il a compris que le moment était venu de sortir par le haut de l'ébriété énergétique; en misant sur la sobriété énergétique est la seule voie de salut. Impacts des changements climatiques L'Algérie étant un hot spot et sera de plus en plus impactée selon les études du Giec par les changements climatiques. Elle connaîtra des incendies de plus en plus récurrents, des inondations imprévisibles et catastrophiques et surtout un stress hydrique dont nous commençons à voir les effets désastreux, de plus en plus. Nous serons de plus en plus impactés, notamment par le stress hydrique qui sera avec la chaleur l'un des combats à mener. Aujourd'hui il a fait 20 C en février. Face aux caprices climatiques récurrents et catastrophiques, la neutralité carbone en 2050 est devenue impérative, nous poussant à atteindre le seuil des 50% renouvelables en 2030. Et 100% en 2050 C'est le sens du modèle énergétique visé en relation avec d'autres paramètres, notamment climatiques, environnement mondial, ressources et développement prévisible, afin d'arriver à un modèle énergétique flexible et constamment adaptable. L'aspect scientifique devrait primer dans cette stratégie. Habitat et transports Le premier challenge est de faire des économies d'énergie. Nous consommions 60 millions de tonnes de pétrole, l'équivalent de 6 millions de tonnes par an, soit l'équivalent de 3 milliards de dollars,. Nos habitations ne sont pas performantes en matière d'efficacité énergétique. En Europe, c'est 50kW/m², chez nous c'est 200Kw/m². Ce sont des gisements d'économie d'énergie potentiels à récupérer. Dans le secteur des transports, ce sont 6.5 millions de voitures. La majorité des citoyens souffre des embouteillages. On perd à Alger l'équivalent de deux heures d'embouteillages par jour. On parle de 500.000 litres d'essence qui sont perdus. Avec un prix moyen de 1 dollar, c'est 500.000 dollars/jour. Soit, en moyenne, 100 millions de dollars /an pour la ville d'Alger et des milliers de tonnes de CO2, émises chaque jour. 100000 véhicules, au moins, doivent être convertis aux carburants propres. Nous allons opérer cette transition vers le GPL. Certes, un savoir-faire existe, il faut le stimuler. Cependant, nous devrons sortir des carburants fossiles comme le font les pays développés et miser sans tarder sur la révolution de la locomotion électrique. C'est le déclin des voitures thermiques dans le monde. Le passage graduel à la conversion GPL au GNC et à la voiture électrique va nous éviter l'importation des carburants Une industrie de la locomotion électrique est l'un des challenges qui nous permettra de rattraper le train du développement Une campagne de sensibilisation, et une politique de non- taxation et d'installation graduelle des bornes (sachant que l'on peut charger la voiture le soir dans des garages avec un temps long et une prise domestique). Ce qui est important aujourd'hui, c'est d'aller de plus en plus vers des camions électriques, des bus électriques, des trains électriques, des motocycles électriques, etc.... L'instauration d'une vignette verte pour une voiture électrique, on paiera le minimum de taxes avec zéro dinar pour la vignette et de même pour le péage sur les autoroutes, par exemple Nous pourrons même envisager une transsaharienne électrique, en implantant des centrales solaires sur le parcours Alger/Tamanrasset.. Mais rien ne peut se faire sans pédagogie. Enfin, il est vital de revoir la politique des subventions en protégeant les classes à faible pouvoir d'achat et en libérant les prix. Le gas oil algérien coùte cinq fois moins que celui des pays voisins et dix fois moins qu'en Europe! L'Algérie doit réussir sa «révolution verte»en misant sur les énergies renouvelables, Ce challenge consiste à réussir à disposer de 50% d'énergie renouvelable et d'économie d'énergie en 2030 et 50% en 2050. Ce changement passera par la mise en place, parallèlement, d'un modèle énergétique robuste et flexible, qui, sans tarder, commande de freiner par tous les moyens la consommation supplémentaire de gaz naturel. L'Algérie nouvelle décide de se battre scientifiquement pour un nouveau 24 février qui sera, celui d'une révolution de l'électricité et de l'hydrogène vert, à commencer par une rupture avec le gaspillage tous azimuts de l'énergie et de l'eau. Le modèle énergétique à 2030-2050 Le monde de l'énergie est plus chaotique que jamais. Les pays industrialisés commencent à mettre en place des taxes de pollution par une taxe carbone de plus en plus élevée, il sera de moins en moins possible de valoriser le pétrole autrement qu'en le transformant. Ce challenge consiste à réussir à disposer de 50% d'énergie renouvelable et d'économie d'énergie en 2030, et 100% renouvelable Un «plan Marshall» des énergies renouvelables doit à court terme mener le pays vers le fameux «mix énergétique» que les pays les plus développés s'emploient à mettre en place. «La transition énergétique permettra avant tout une indépendance dans le comportement en sortant de notre comportement actuel Tout cela devrait passer par la mise en place d'un vrai modèle énergétique robuste et flexible, qui, sans tarder, commande de freiner par tous les moyens la consommation supplémentaire de gaz naturel et de développer les autres sources d'énergie, notamment la géothermie, et le bois énergie. Le modèle que nous devons adopter est celui d'une neutralité carbone à l'horizon 2050. Pour les 15000 mW annoncés en mars 2020, si nous demandons à un investisseur de construire une centrale solaire de 1000 mW qui coûte 800 millions de dollars, la quantité de gaz naturel épargnée est de l'ordre de 200 millions de mètres cubes de gaz. Chaque mètre cube épargné par la mise en place rapide du plan renouvelable que l'on exporte devrait servir à financer ce plan solaire. Il nous faut mettre en place des partenariats stratégiques. Le gaz naturel qu'on ne consommera pas servira à financer le plan solaire. Enfin, nous devons avoir une vision de ce que sera 2030-2050 Le grand challenge, c'est de pouvoir aller aussi à la pétrochimie Il sera plus que jamais nécessaire que nos entreprises fassent leur mue pour être en phase avec la réalité du monde. Nous ne pouvons pas continuer à naviguer à vue. La mise en place d'un Haut Conseil de l'Energie, boussole d'aide à la décision, permettra la mise en place d'un modèle énergétique flexible qui fait l'inventaire de toutes les énergies disponibles fossiles (uranium) et renouvelabless (solaire, éolien, géothermie, bois...). Tenant compte constamment de ce qui se passe dans le monde, il nous indiquera l'effort à faire en termes de rationalisation de la consommation d'énergie. Le plan hydrogène vert En mettant en place parallèlement un modèle énergétique robuste, flexible sans tarder,celui-ci commande de freiner par tous les moyens la consommation supplémentaire de gaz naturel.Ainsi, nous irons vers la création de richesses hors de la rente avec l'intelligence des dizaines de milliers de diplômés à qui il faut donner le goût de l'invention en les encourageant à contribuer par les milliers de microentreprises, à la réussite de cette transition énergétique. Pour cela, le premier des défis est de prendre le train de la Révolution électrique en produisant de l'hydrogène vert qui remplacera à terme le gaz naturel sur le déclin et nous permettra d'engranger une nouvelle rente, celle issue de nos compétences et non pas d'une manne céleste que nous avons dilapidée. La société Shems créée en juin 2021 s'occupe du développement des énergies renouvelables L'hydrogène vert sera de plus en plus sollicité. Beaucoup de pays industrialisés et émergents ont développé l'hydrogène vert, provenant de l'énergie électrique renouvelable. C'est à la fois un combustible et un carburant. L'Allemagne étant à la pointe dans ce domaine Nous pourrons profiter de cette expertise pour pouvoir asseoir, à la fois un plan renouvelable solaire, avec des usines de dessalement de l'eau de mer, qui nous permettront de disposer de l'eau pure et ensuite, produire l'hydrogène vert par l'électrolyse de l'eau. L'hydrogène vert pourra être exporté vers 2030, remplaçant graduellement le gaz naturel. Pour cela, Il faut un partenariat d'exception, pour un transfert de technologie exceptionnel. Avec l'Allemagne, mais aussi la Chine qui est leader dans les électrolyseurs, L'Algérie devra se battre pour rentrer dans l'aval pétrolier et gazier en Europe Elle devrait vendre des produits à forte valeur ajoutée, carburants, mais aussi produits pétrochimiques. L'électricité renouvelable sera la colonne vertébrale de la consommation énergétique du futur. C'est un changement total de mentalités. Il nous faut mettre en place un plan Marshall avec une ambition comme tous les pays qui se respectent en fixant une utopie mobilisatrice: un deuxième 24 Février pour une nouvelle indépendance, Conclusion Durant le forum du gaz qui s'est tenu à Doha, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a parlé de coopération et de valorisation du gaz naturel pour qu'il remplisse le rôle attendu. L'Algérie devrait abriter un Institut de l'hydrogène vert en Algérie pour le compte du Forum des pays exportateurs de gaz qui permettrait la formation des compétences de spécialistes et de chercheurs. C'est dans cette perspective que nous avions proposé d'installer l'Institut de la transition énergétique à Sidi Abdellah (Iteer), qui pourra profiter aussi du partenariat d'exception avec les deux locomotives mondiales, que sont l'Allemagne et la Chine. Le 24 février 1971 a été une rupture. L'Algérie récupérait ses ressources fossiles. C'est une nouvelle rupture à laquelle nous sommes conviés. Celle d'accomplir une transition énergétique assumée vers le Développement humain durable Tout le secret est justement de mobiliser le plus grand nombre autour d'une utopie seule capable de sauver l'Algérie quand la rente ne sera plus là. Notre pays doit pouvoir prendre, à temps, les virages rendus nécessaires par l'évolution du monde. Nous devons pouvoir évoluer dans un monde de plus en plus complexe, en misant sur les savoirs et les expériences pour affronter ces défis La première chose à faire, c'est de miser sur l'intelligence et le savoir. Un pays sans ressources pétrolières comme l'Inde exporte pour 25 milliards de dollars de logiciels. Donnons aussi aux jeunes l'espoir et la volonté de réussir. Donnons-leur une utopie. Laissons-leur une Algérie en ordre de marche. Après soixante ans d'indépendance, nous devons nous réveiller de ce farniente trompeur du baril à 90 $ Mobilisons la jeunesse pour enfin réussir cette Révolution du neurone en mettant le cap sur un Développement durable à visage humain, qui ne laisse personne sur le bord de la route. Ancien ministre MERS,MTEER