Les puristes (algérois) vous affirmeront sans contredits que la finale d'aujourd'hui est la finale de Coupe rêvée. Sans doute ont-ils raison, plusieurs paramètres militants pour cet axiome. Certes, cela reste un match de football, mais un match, malgré tout, spécial par la saveur que ces deux grands clubs du football algérien savent apporter et la ferveur que leurs supporters savent entretenir. Peut-être bien que nous restons nostalgiques des joutes homériques des années 60/70 quand le mot ‘'derby'' disait bien ce qu'il voulait dire. C'était l'époque des Abdouche, Méziani, Bétrouni, Bachta, Allik, Branci, Tahir Hassan, Draoui qui, sans les citer tous, ont illuminé ces années d'exception du football algérois singulièrement, algérien en général, ont donné à une rencontre de jeu à onze ses lettres de noblesse où Mouloudéens et Usmistes, s'ils sont adversaires le temps d'un match, restaient les amis de toujours. Des joueurs (et amis donc) issus pour la plupart d'entre-eux de ce quartier mythique de Bab El Oued car, pour ceux qui sans doute l'ignorent, le MC Alger et l'USM Alger (Ittihad Al Assima) sont deux clubs du populeux quartier de Bab El Oued (précisons toutefois que le MCA a eu ses fonts baptismaux au coeur de la Casbah autre quartier légendaire d'Alger) qu'ils ont su honorer par un football chatoyant et de haute facture, cumulant les titres nationaux (sept Coupes d'Algérie pour l'USMA, cinq pour le MCA, le Mouloudia ayant été six fois champion d'Algérie et l'Union cinq fois) et internationaux (deux coupes maghrébines en 1974 et en 1975 et la coupe d'Afrique des clubs champions en 1976 pour le MCA qui a explosé lors de ces fantastiques années 70). Avec ses milliers de supporters qui ne sont pas seulement ceux d'Alger, mais que l'on retrouve à Tizi Ouzou, à Oran, à Annaba, à Sétif, Batna, Tlemcen, Ouargla et un peu partout dans les villes et villages d'Algérie, le MC Alger est connoté plus comme étant un phénomène de société, plus qu'un club de foot parmi d'autres. Pouvait-il en être autrement pour un club qui a été, avant l'heure, une école de militantisme et de nationalisme. Le MCA par l'engouement -jamais égalé- qu'il suscite autour de lui reste un cas d'école. L'USMA, nettement plus jeune, créée à la fin des années 30, a su, cependant, se frayer sa propre voie dans un football de l'indépendance, dominé par son éternel concurrent mouloudéen, mais aussi par cet extraordinaire Chabeb de Belcourt (CRB) des Lalmas, Achour, Selmi, Abrouk, Metrah, Djemâ, Kalem qui ont marqué ces années de feu, devenues aujourd'hui, légendaires. C'était aussi, sans doute surtout, l'époque où l'on jouait sur le tuf, où les joueurs se contentaient d'un sandwich qu'ils avalaient après avoir fourni des efforts et mouillé leurs maillots, mais point de primes astronomiques alors que les conditions de jeu étaient éprouvantes, mais le coeur y était. Tous est là en fait, à cette époque on jouait pour l'amour des couleurs, où la ‘'starmania'' n'existait pas encore, quand aujourd'hui les joueurs, qui roulent carrosse, s'inquiètent d'abord de l'épaisseur du portefeuille qu'ils vont recevoir sans, pour l'essentiel, fournir les prestations et obligations liées à leurs contrats professionnels. Hier, une certaine innocence baignait le jeu à onze qui a su donner les joies les plus pures au foot algérien, alors qu'aujourd'hui, nanti de tous les moyens que l'Etat a mis à sa disposition, ce même foot algérien ne cesse d'être tiré vers le bas comme en attestent les résultats catastrophiques de nos clubs et équipes nationales dans les joutes continentales, arabes et internationales. Aussi, la finale d'aujourd'hui entre le MCA et l'USMA si elle nous remet dans l'ambiance des derbys du passé, n'est plus, loin s'en faut le «Derby» d'antan car, nonobstant les qualités intrinsèques des sociétaires mouloudéens et usmistes force est de dire qu'à ceux d'aujourd'hui, il manque ce qui a été la marque des footballeurs d'hier: la valeur morale et l'abnégation dans leur mission sur un terrain de football. Espérons seulement que, l'espace d'un match de coupe, le MCA et l'USMA retrouvent cette grandeur, la grandeur d'âme qui a été celle de leurs aînés.