Malgré l'ampleur des critiques qu'il essuie de tous les côtés, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez signe et persiste. Hier, il a «défendu» sa volte-face sur le Sahara occidental en promettant des relations «plus solides» avec le royaume marocain qui obtient la soumission de Madrid à son diktat pour cesser son chantage aux migrants. « Nous mettons fin à une crise» diplomatique car «le plus important est que nous posons les bases d'une relation beaucoup plus solide, beaucoup plus forte avec le royaume du Maroc», a déclaré Sanchez lors d'une visite dans l'enclave espagnole de Ceuta, sur la côte nord du Maroc. Sanchez affirme qu'il n'a fait qu'«approfondir la position déjà manifestée par d'autres gouvernements espagnols» par le passé et «suivre la position manifestée par d'autres nations puissantes» comme «la France et l'Allemagne». Côté algérien, les réactions indignées se succèdent toujours, de la part des formations politiques, de la société civile ainsi qu'au sein même de la population, alors que des appels commencent à se faire entendre sur la nécessité de faire payer le prix du gaz à sa juste valeur, c'est- à- dire son coût réel, et non le tarif convenu, quelques années plus tôt. Il faut dire que la demande a tendance à s'envoler et que la loi du marché s'imposera d'elle-même à bien des pays producteurs. Les motivations du gouvernement Sanchez concernant la sauvegarde des enclaves de Ceuta et Melilla, ainsi que l'assurance attendue du royaume marocain de renoncer au chantage exercé à coups de migrants vont nécessairement avoir un coup préjudiciable à la «relation privilégiée» que Madrid prétend vouloir conserver avec Alger. Sur le plan interne, le gouvernement espagnol doit également s'attendre à des séismes prévisibles, Pedro Sanchez devant s'expliquer sur sa décision en faveur des thèses spécieuses du royaume marocain sur le Sahara occidental lors de son passage, mercredi prochain, devant la Chambre des députés. C'est ce qu'a annoncé, hier, la porte- parole du gouvernement, tout en prétendant, litanie obligée, que l'accord avec le Makhzen «n'affecte en rien la relation avec d'autres pays, l'Algérie étant aussi un partenaire solide, stratégique et prioritaire et un fournisseur d'énergie fiable». Encore faut-il qu'Alger puisse en dire autant pour ce qui est du partenaire espagnol qui n'en est pas à son premier coup de Jarnac puisqu' en 1975, le même procédé a vu Madrid opérer une trahison au détriment du peuple sahraoui en attente de son droit à l'autodétermination. Faisant fi des usages diplomatiques, voilà qu'il récidive pour, dit-il, «garantir son intégrité territoriale « soi-disant menacée par les velléités marocaines qui ne sont rien d'autre que celles d'un «concierge de l'Europe» et ce faisant, il ouvre la voie à de graves complications dans la région euro-maghrébine dans la mesure où Alger ne saurait demeurer les bras croisés face à une telle dérive. Etant l'un des principaux fournisseurs de l'Espagne en gaz, l'Algérie ne peut sans doute réduire ou couper le robinet dans l'immédiat mais rien ne l'empêche, en pleine flambée des prix de l'énergie accentuée par le conflit ukrainien, de revoir à moyen terme ce partenariat douteux en réservant son surplus à des partenaires réellement fiables. Il appartient d'ores et déjà à Madrid de poursuivre sa «réduction de dépendance» avec l'importation de GNL américain qui sera certainement profitable à son économie, fortement ébranlée, ces temps-ci, par les conséquences de la crise en Ukraine. Auparavant, il faudra à Pedro Sanchez et au PSOE surmonter la bronca générale et le malaise profond que leur décision a créés au sein de la coalition au pouvoir. Les alliés de Podemos sont favorables à l'autodétermination du peuple sahraoui et ils ont dit leur colère contre «l'incohérence» et «l'opacité» de cette décision. Idem pour le Parti populaire (PP, droite) qui exige des explications sur le revirement dans un cadre qui «faisait consensus depuis 47 ans». Tout cela dans un contexte de grogne sociale généralisée dont l'impact risque fort d'être aussi fatal au gouvernement Sanchez.