Il y a, dans la vie d'une institution, d'inoubliables délicieux et vifs moments, incrustés dans nos mémoires. Et la justice est une de ces institutions précisément. Nous gardons en mémoire, des noms de magistrats incomparables, morts ou encore en vie, et parmi eux, citons sans crainte de nous tromper, feue Latifa Kassanti! S'étant éteinte depuis plus de deux ans, partie en silence après un âpre combat contre la maladie, l'ex-brave, exceptionnelle juge du siège, alors, la plus respectée de tous, présidente du pénal, puis membre du Conseil supérieur de la magistrature, a laissé derrière elle, des tonnes d'anecdotes dont nous puisons, de temps à autre, quelques perles immortelles. Cela va faire deux longues années que disparaissait l'extraordinaire magistrate de la Cour suprême, Feue Latifa Kassanti. Très subtile et souple dans ses contacts avec les personnes qui l'ont connue, elle venait dans les salles d'audience, pour juger simplement les gens, avec tout son savoir-faire, acquis durant des décennies, notamment à Blida et Alger, où elle n'avait que des «admirateurs», tous corps confondus! Juste après les détenus, il y avait les avocats, se collègues magistrats, nous pensons à Soued-Soultana Adda, qui la respectaient beaucoup, pour sa droiture, son intégrité, sa générosité, sa fidélité et sa bonhomie! Cette juge, irréprochable épouse de l'avocat de Blida, Me Ahmed-Mansour Kassanti et mère exemplaire de famille, ne pennait jamais le risque de buter sur un auteur de malentendus, pour garder le statut qui lui allait si bien. Une fois, s'apercevant que le conseil, un ancien rusé bâtonnier, très dissipé, pris d'une bougeotte inqualifiable, et voulait, coûte que coûte, essayer d'aider son client coincé par les pertinentes questions de la magistrate, elle prit la résolution de changer le placement du détenu et de son avocat. Eberlué devant tant d'audace, le conseil qui était un dur à cuire, voulut protester, mais elle le bloqua systématiquement: «Allons, allons, Me, j'ai la police de l'audience. Voudriez-vous changer la loi pour me l'ôter? Je gère mon audience comme bon me semble!» Le bâtonnier se tut et l'audience reprit dans un ordre voulu par la présidente de la chambre correctionnelle, en l'occurrence Latifa Kassenti, cette juge qui n'est malheureusement plus là pour nous épater, mais qui a laissé derrière elle, d'impérissables perles que nous nous faisons un réel plaisir de vous relater de temps à autre. Lorsqu'elle finit et leva l'audience, Kessanti invita le bâtonnier dans la vaste salle de délibération pour une petite «derdacha», en compagnie de Soued-Soultana Adda, Zahia Gazem, et le défunt Mustafa Benimam, alors procureur général, de l'audience.