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Le temps du pragmatisme
L'Algérie et son armée à la lumière de l'impact mondial de la guerre en Ukraine
Publié dans L'Expression le 02 - 04 - 2022

L'objectif est clair: formuler une opinion respectueuse des autres opinions sur ce sujet avec, cependant, le souci de préserver l'image et le prestige d'une organisation essentielle pour la sauvegarde de l'Etat, ainsi que pour la défense de son espace géographique. Fondée depuis un peu plus d'un demi-siècle à peine, cette organisation est toujours apparue à juste raison aux yeux des Algériens comme un symbole de l'unité nationale, le garant de l'intégrité territoriale du pays et un instrument de modernisation de l'Algérie indépendante. Comme dans la plupart des pays nouvellement indépendants, son ingérence dans le champ politique au lendemain du cessez -le-feu conclu à Evian en mars 1962 entre le GPRA et le gouvernement français, s'est faite par défaut, c'est-à-dire en tant que palliatif aux divergences des hommes politiques qui ne parvenaient pas à s'entendre pour édifier et gouverner le nouvel Etat. Ces divergences éclatèrent au grand jour en juin 1962 lors du congrès de Tripoli qui s'est disloqué avant même sa clôture.
Intervenant ainsi dans un pays sorti exsangue de la guerre de libération, et où l'anomie sociale était le reflet d'un sous- développement manifeste, les militaires ont nécessairement cédé à la tentation autoritaire en vigueur dans les tiers-mondes d'alors. Ils ont d'abord adopté une attitude progressiste dès l'indépendance, puis consenti aux réformes libérales à partir de la fin des années 1980.
Les arguments en ont été fournis successivement dans le programme de Tripoli (1962), la proclamation du 19 juin 1965 et la Charte nationale de 1976, puis dans toute la littérature du FLN après 1978 et surtout 1986. L'épisode tragique de la décennie 1990 a, certes, mis en exergue un décalage ahurissant par rapport aux normes régissant le pouvoir dans les démocraties libérales contemporaines, mais ce dernier ne peut aucunement être qualifié de totalitaire, ni même de dictatorial au sens d'un asservissement intégral, structurel et permanent de la société. De plus, parmi les appareils institutionnels établis en Algérie, l'appareil militaire est, malgré ses imperfections, le seul à avoir incarné sans discontinuer l'ordre, la discipline, le sens du collectif et la volonté d'éviter à notre jeune Etat de sombrer dans ses crises de croissance. Il est resté son principal support et son pilier le plus solide. Jusqu'à l'heure actuelle, force est de constater que nous ne sommes pas encore parvenus à en construire un autre, malgré maintes tentatives. C'est la raison pour laquelle, depuis février 1989 et encore davantage depuis février 2019, la polémique fait rage autour des modalités d'une telle entreprise. Des approches n'ont pas cessé d'être préconisées par les nombreux protagonistes de la scène politique. Mais aucune ne fait consensus alors que les difficultés de toutes sortes s'amoncellent, empêchant le pays de décoller sérieusement.
La question se pose alors de savoir si, dans ces conditions, la solution consiste malgré tout à faire de la détermination de la politique nationale, le monopole des formations partisanes, c'est- à- dire à déposséder les militaires de toute influence dans l'accès au pouvoir et son exercice. Si telle était l'option, ça laisserait supposer que nos partis auraient atteint leur plein développement. Ils auraient donc la capacité de rassembler autour d'eux des populations averties pour assumer valablement leurs fonctions classiques de représentation authentique des électeurs et d'exercice du pouvoir dans un but précis: faire respecter la loi et promouvoir la croissance économique, ainsi que le progrès social, indispensables à la consolidation de la nation.
Or, on voit bien dans la façon d'être desdits partis, comme d'ailleurs des individus, que ce n'est pas encore le cas parce que, malgré la qualité de beaucoup d'adhérents, il manque assurément un double préliminaire. Le premier est leur capacité à mobiliser la population, à recruter et à former le personnel politique; le second est la forte assimilation réciproque entre la société et l'individu. En effet, dans l'état d'incomplétude où ils se trouvent encore malgré les qualités de beaucoup d'adhérents, et leurs efforts, nos partis tardent à incarner effectivement les fonctions d'intégration et de mobilisation par lesquelles un débat politique constructif s'introduit dans la société.
Quant aux individus, ils sont initialisés et normés dans des traditions tribales séculaires auxquelles s'est greffé un environnement colonial répressif, aliénant et déstructurant qui ne laisse aucune chance à une véritable autonomie individuelle. Par voie de conséquence, et pendant de nombreuses générations, l'individu a été privé de l'opportunité de faire son apprentissage du dur «métier» de citoyen et de conquérir son libre-arbitre.
Rattraper les vieilles démocraties
Cela se répercute naturellement sur la société qui peine à s'organiser et à consolider ses liens autour des normes modernes de la vie sociale. Quoi qu'il en soit, c'est là une réalité qui ne peut se modifier du jour au lendemain, car elle dépend d'un mûrissement inhérent au changement social. Or, ce dernier «se déroule dans le temps généralement assez long de l'action historique (entendue dans le sens) d'ensemble des activités (...) d'une société» (G. Rocher, 1968).
C'est cette historicité que nous tendons précisément à perdre de vue, en raison de notre impatience à rattraper les vieilles démocraties, sans trop nous concentrer sur les conditions objectives d'y parvenir. Nous en sommes même arrivés à nous imaginer, en dépit du bon sens, que les choses ne tiennent qu'à un simple choix binaire entre, d'un côté, les civils («madania») qui auraient systématiquement raison et, d'un autre côté, les militaires («askaria») qui auraient automatiquement tort, entre le bien d'une part et le mal d'autre part, entre les partis porteurs irremplaçables de projets d'amélioration de la réalité sociale et l'armée qui ne serait vouée, en toutes circonstances, qu'à rester dans ses casernes. Pourtant, les choses ne sont pas aussi simples parce que notre pays a vécu son contact avec la modernité dans la violence destructrice, le sang et les larmes. Aujourd'hui, il se situe à la croisée des chemins la plus périlleuse qu'il ait eu à vivre depuis son indépendance sur tous les plans et dans un environnement doublement critique: 1-un environnement national anxiogène en raison des contraintes énormes d'ordre démographique, économique, financier, social et autres;
Un ordre bipolaire depuis 1945
2-2- un environnement international où le fracas de la guerre en Ukraine montre nettement que les contours d'un bouleversement à grande échelle sont en train de poindre à l'horizon d'une société internationale angoissante apparue après l'effondrement de l'Urss en 1991.C'est une société où l'Occident s'est attaché à reconstruire à sa guise, sur les décombres de l'ordre bipolaire en vigueur depuis 1945, un monde où prévaudraient sa pensée, ses valeurs, ses intérêts et sa façon d'agir, sans aucune considération des intérêts et des difficultés multiples des pays en développement. Aujourd'hui en tout cas, tout porte à croire que les cartes vont être rebattues au niveau international. Ce qui nous oblige à nous demander sérieusement si, à l'échelle nationale, la greffe de la démocratie libérale sur des sociétés retardataires est réalisable de façon immédiate et volontariste. Ou bien n'est - ce qu'une illusion qu'il faut démythifier parce qu'elle relève d'une logique de l'historicité, similaire à celle qui concerne le domaine socio- économique.
C'est dire en tout cas que la formule lapidaire «madania machi askaria», aussi innocente que soit a priori l'intention des jeunes manifestants qui l'ont brandie dans les marches populaires, ne rend aucunement compte de la complexité du réel dans un pays nouvellement indépendant tel que l'Algérie. En effet, notre Etat comme ceux d'autres pays anciennement colonisés, s'est retrouvé vers la fin de l'ère coloniale face à la nécessité de faire face à quatre «révolutions» simultanées:
1-«une révolution nationale»;
2-«une révolution de l'autorité»;
3- «une révolution de la participation»;
4- «une révolution du bien -être». (G. Almond,1964). Chacune de ces «révolutions» charrie des difficultés énormes auxquelles les théories brandies ici ou là et les controverses ambiantes n'ont pas de réponse pratique immédiate. Elles nécessitent plutôt de prendre du recul pour pouvoir les appréhender dans le temps et dans l'espace à travers la leçon de l'expérience des autres nations, notamment celles qui nous ont surpassés. Près de sept décennies se sont écoulées entre 1954 et 2022. C'est déjà trois générations. Mais les difficultés du démarrage, celles de 1954 et celles de 1962, sont toujours d'actualité, bien que sous d'autres formes et dimensions, malgré les avancées importantes advenues dans le pays. Ce dernier ne pourra pas les surmonter si ses forces vives se dispersent dans des polémiques stériles et des rivalités de clocher. Il ne pourra pas non plus les surmonter si la société est constamment exposée à des discours d'évitement caractéristiques de la langue de bois, au lieu d'être mobilisée par des propos de raison, de vérité, de transparence et de savoir focalisés principalement sur les enjeux actuels. Il nous sera également difficile d'aller de l'avant en nous retournant sans cesse vers le passé pour brandir à tout bout de champ le souvenir impérissable de nos glorieux martyrs. C'est en tout cas la leçon que nous délivre l'histoire des pays développés qui n'ont jamais cessé de mettre le cap sur l'avenir. C'est une leçon probante non seulement en raison de leur supériorité dans beaucoup de domaines, mais aussi pour trois autres raisons au moins qu'il n'est pas inutile de rappeler:
1-Ces pays «ont eu le temps de former une nation»;
2-«ils ont eu le temps de créer des institutions stables et des habitudes d'obéissance à la loi»;
3-«ils ont eu le temps de transformer le sujet en citoyen à travers le développement du suffrage universel, des partis politiques, des groupes de pression et des moyens de communication».(R.G- Schwartzenberg, 1977).
L'ANP et son chef Houari Boumediene
Ce processus laborieux a commencé depuis au moins les débuts de l'époque moderne, voici quatre siècles. C'est une durée qui est sans commune mesure avec les soixante années à peine d'indépendance de l'Algérie, acquise en 1962. Depuis cette date, des efforts considérables ont certes été fournis pour édifier un Etat et consolider une nation. Des hommes et des femmes ont travaillé dur, avec enthousiasme, pour donner du sens à l'oeuvre de décolonisation dans le cadre d'un projet sociétal clair et global, impulsé précisément par l'ANP et son chef historique, Houari Boumediene. Mais en 2022, le monde a changé et beaucoup reste à faire parce qu'il y a eu non seulement des imperfections et des échecs, mais aussi parce que, à maintes reprises, la marche a été sérieusement ralentie par le manque de concentration ou de savoir-faire, ainsi que par des convulsions aux effets parfois dévastateurs.
Quoi qu'il en soit, l'heure semble au recadrage des approches et des priorités. Ce qui implique de ne pas se borner à raisonner techniquement sur les seules règles juridiques régissant le pouvoir dans les démocraties développées, mais d'adopter résolument une attitude pragmatique. Il s'agit en l'occurrence de prendre d'abord la pleine mesure des réalités de notre pays sans se hasarder à vouloir lui appliquer coûte que coûte des théories auxquelles la société n'est pas tout à fait préparée. L'essentiel est d'ériger ses aspirations, toutes ses aspirations, en source d'action pour l'ensemble des acteurs dans le cadre d'une dynamique collective. Car aucun d'entre eux n'est en mesure de lutter seul contre la crise multiforme que nous traversons à l'instar de nombreux autres pays.
En cette décennie 2020, toutes les forces vives de l'Etat sont concernées en tant que son avant-garde. Il s'agit des organisations politiques, des administrations, de la justice, des assemblées élues, des associations, des syndicats, des entreprises, des banques, de l'école, de l'université, des intellectuels, des médias, des professionnels de la culture, de la mosquée, des Algériens expatriés, de la police, de la douane...qui ont à corriger leurs imperfections et à agir pour tarir les sources de la crise. Il s'agit aussi de l'institution militaire dont la fidélité à la nation, le professionnalisme, la discipline, la cohésion et le sens de l'Etat en font un rempart solide contre les adversités extérieures et les velléités déstabilisatrices, ainsi que le principal vecteur de transmission des valeurs de Novembre.
Tous ces acteurs sans exception ont vocation à coopérer en mettant en commun leur intelligence dans une sorte de «comité» de crise capable d'explorer des chemins nouveaux, de motiver la société, de regagner sa confiance et de préparer l'après crise. En mettant à plat leurs atouts et leurs faiblesses, tout en écoutant attentivement les clameurs de la jeunesse algérienne, ils sauront anticiper les conséquences alarmantes d'une démographie croissante et préparer l'Algérie du centenaire de l'indépendance (2062) à tenir dignement son rang dans le nouvel ordre mondial qui fermente déjà sous l'effet des événements d'Ukraine.
Nos gouvernants n'ignorent probablement rien de tous ces enjeux, ni de la réalité complexe qui les entoure. Aussi, tout porte à croire qu'ils en approfondiront l'analyse dans le cadre d'une attitude prospective destinée à jalonner la voie de sortie hors de cette phase critique de notre histoire. Nos gouvernants n'ignorent pas non plus que le pays a besoin de retrouver les croyances politiques et morales qui ont orienté son entendement et sa conduite vers la construction d'un Etat, la cristallisation de l'âme nationale et la formation d'une société autour de l'idée de patrie algérienne. Ce qu'il faut, aujourd'hui, à cette société, c'est de se retrouver autour d'un idéal et d'un projet créateur d'espérances pour des individus soudés entre eux par des liens durables et prêts à aller de l'avant dans le siècle qui vient.
*Membre du Conseil de la Nation


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