Il s'en est fallu de peu pour que le chef de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon parvienne à se qualifier au second tour de la présidentielle française, lui qui était donné, aux premiers jours de la campagne à moins de 10% des intentions de vote. Aussi, son parcours prend-il non pas la tonalité d'un échec mais bel et bien celui d'une victoire qui permet à sa formation politique, La France insoumise (LFI), de revendiquer désormais le statut d'unique représentant crédible de la Gauche. Il aura fallu cette troisième et sans doute dernière tentative de course à l'Elysée pour que Mélenchon, vétéran de la politique française, obtienne, du haut de ses 70 ans, son meilleur score: 21,95%, soit à peine un peu moins que Marine Le Pen, candidate de l'extrême droite, passée au second tour avec 23,15%, derrière le président sortant, Emmanuel Macron, crédité de 27,85%. Pendant des mois soupesé à moins de 10%, Mélenchon semblait le seul à croire en sa bonne étoile mais il a su inculquer sa fougue et ses certitudes à ses militantes et militants de sorte qu'il confirme désormais le poids de la France insoumise sur l'échiquier politique français en phase de reconstruction. Et cela prend encore plus de sens avec l'échec cuisant des autres formations censées incarner la gauche, notamment le parti socialiste dont la candidate Anne Hidalgo a obtenu 1,75%, le parti communiste qui doit prendre en compte les 2,28% de Fabien Roussel et les Verts avec les 4,63% affichés par Yannick Jadot. Plus divisée que jamais depuis que Benoît Hamont a essuyé les plâtres d'une descente aux enfers, en 2017, le PS est quasiment anéanti. Le PCF résiste mais il est enfermé dans ses ultimes donjons. La gauche est aujourd'hui presque totalement insoumise et c'est pourquoi Jean-Luc Mélenchon est en droit de haranguer ses troupes en leur assurant que «la lutte continue! La lutte continue! Nous disons à tous ceux qui, jusque-là, n'ont pas voulu l'entendre: ici est la force». Ce cri de joie, au soir du premier tour, est en même temps un acte de foi dans l'avenir, partant du principe que, malgré de nombreux appels à l'unité, pas moins de six candidats de gauche étaient sur la ligne de départ de la présidentielle. Faisant fi de la raison, aucun d'entre eux n'a tenu compte des sondages qui montraient la montée en puissance du candidat de la France insoumise et aucun d'entre eux n'a eu l'élégance de se retirer au profit de Mélenchon. «Ils n'ont pas eu le sens de leur devoir, de bien comprendre que, lorsque l'on est candidat à une élection présidentielle, on est au service de cette histoire. Ce n'est pas l'histoire qui est au service de votre petit ego», a ainsi fustigé l'ancienne candidate du PS, Ségolène Royal, au lendemain du scrutin. « Aujourd'hui, ils se seraient retirés, on aurait Jean-Luc Mélenchon au second tour», a-t-elle tristement regretté. Le tribun de la France insoumise a tiré son parti de cette redistribution des rôles, ayant su capitaliser le vote utile de tous les déçus du PS, du PC, des écologistes et même des abstentionnistes, de sorte qu'il est, d'ores et déjà, l'arbitre du second tour, puisque Macron comme Le Pen n'ont pas d'autre choix que celui de tenter de séduire ses partisans et l'invité-surprise des législatives qui vont suivre dans quelques semaines et dont il y a fort à parier qu'elles lui souriront davantage que la présidentielle. Les sondages faisant foi, Mélenchon a la côte chez la majorité des jeunes de 18 à 24 ans (un tiers de ses électeurs contre 21% pour Macron et 18% pour Marine Le Pen). Et son ancrage dans les banlieues populaires constitue un atout. Très critique envers l'UE, déterminé à sortir de l'Otan, il se voit harcelé pour sa position favorable à la Russie et sa «complaisance envers l'islam(isme)» tant décrié par ses rivaux. D'où les nombreux points de désaccords avec les partis de gauche dont le PS, 25 députés et une force locale encore vive avec 25 départements, 5 régions et 5 villes dont Paris. Mais l'homme sera encore sur le pont, «pour un moment» selon la députée LFI Clémentine Autain.