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«Le Pen est le curseur des déchirures»
Nadia Nenni-Moulai, Franco-Algérienne, journaliste et écrivaine à, l'Expression
Publié dans L'Expression le 23 - 04 - 2022

L'Expression: Quelle lecture faites-vous des résultats de la présente élection présidentielle française
Nadia Nenni-Moulai: On assiste à la suite logique de 2017 où l'effritement des principaux partis politiques était déjà bien entamé. Les deux finalistes, à savoir Emmanuel Macron et Marine Le Pen, étaient donnés gagnants au premier tour depuis quelques semaines. Pour autant, l'entrée en campagne d'Eric Zemmour et son ascension fulgurante dans les médias et donc dans les sondages avaient laissé penser qu'il pouvait potentiellement figurer au second tour. Finalement, Marine Le Pen a montré avec son score- qu'elle améliore par rapport à 2017- qu'elle est durablement installée dans le champ politique français. C'est d'autant plus performant qu'au début de la campagne, Eric Zemmour a rapidement pris la lumière. Il s'est montré capable de construire une stature au moins d'homme politique, grignotant, à la fois sur l'électorat du Rassemblement national mais aussi sur celui des Républicains. Marine Le Pen qui a commencé sa campagne en 2020 s'est, alors, presque trouvé ringardisée. Contrairement à ce qu'avait dit Gérald Darmanin la concernant- «Je vous trouve trop molle»- elle ne s'est ni ringardisée ni ramollie. Elle s'est recentrée grâce à Eric Zemmour, ce qui lui a permis de dérouler sa stratégie de «notabilisation». Une stratégie commencée, il y a des années, au sein du Front national, d'ailleurs. Tout l'enjeu de Marine Le Pen a consisté à débarrasser le parti créé par son père, Jean-Marie Le Pen, des combats d'arrière-garde raciste et antisémite comme celui lié à l'Algérie française.
Le changement de nom, Rassemblement national, s'inscrit dans cette optique. Aidé par la logique médiatique et mercantile de certains médias français, la stratégie de dédiabolisation a porté ses fruits. Au-delà de la dédiabolisation médiatique, le score de Marine Le Pen montre sa capacité à mobiliser des sujets d'inquiétude des Français, immigration, islam et terrorisme, et de les imposer dans le débat médiatique. D'ailleurs, Emmanuel Macron, élu en 2017 pour son approche libérale, anglo-saxonne et pragmatique en ce qui concerne les valeurs n'a pas réussi à freiner les relents droitiers de sa famille politique. Lui, aussi, est allé sur les sujets de l'extrême droite sans parvenir à imposer sa vision ouverte et progressiste à son camp ni même à l'opinion.
La présence de la représentante de l'extrême droite au second tour, n'est-il pas un signe d'un malaise profond au sein de la société? Comment peut-on expliquer cette montée en puissance de l'extrême droite en France?
Comme je le disais, la présence de l'extrême droite au second tour de l'élection présidentielle n'est pas vraiment une surprise. Au-delà de Marine Le Pen, ce sont surtout ses idées qui se sont propagées dans le débat public. La droitisation de l'opinion française ne me semble pas être une réalité nouvelle. Je pense qu'elle s'inscrit dans un continuum qui remonte à l'histoire coloniale et à la guerre d'Algérie, notamment. À mesure que se posaient la question sociale, le chômage de masse endémique, la crise économique mais aussi la place de la France dans le monde, on a vu peu à peu monter l'angoisse identitaire. L'affaire du voile en 1989 à Creil en est un exemple. Or, là où les politiques auraient dû déconstruire ces angoisses, y apporter des réponses cohérentes et apaiser, ils ont opté pour une approche électoraliste. L'un des moments clés se déroule en 2005 quand Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur visite une famille de La Courneuve endeuillée par la mort d'un de leur enfant, victime d'une balle perdue. Il parle alors de «nettoyer au Karcher la cité des 4000». Les mots sont jugés stigmatisants. Surtout que Valérie Pécresse, candidate de Les Républicains à la présidentielle de 2022, a repris les mêmes mots pour parler des quartiers. On voit bien la tentation permanente des politiques de taper sur les quartiers comme si c'était une garantie de victoire électorale. Depuis 20 ans, les exemples sont nombreux pour montrer à quel point les idées d'extrême droite ont percé le manteau politique mais surtout médiatique. Ce point est important car le contexte médiatique français est très concentré. Moins de dix milliardaires possèdent l'essentiel des titres de presse. Outre, l'homogénéisation de l'information, les médias sont pris dans des logiques commerciales. Les chaînes d'information en continu ont largement contribué à la normalisation des idées du RN. Et quoi de plus payant économiquement que d'agiter des sujets polémiques comme l'islam, la laïcité attaquée ou l'immigration. Je rappelle qu'Eric Zemmour avant de se présenter à la présidentielle, s'est imposé comme un journaliste et écrivain à succès. L'une des émissions où il a pu dérouler ses théories devant des millions de Français étaient diffusés sur une chaîne du service public.
Un pan entier de la société française est abasourdi par la réédition du face- à- face de 2017. Quel enseignement en tirez-vous en tant que professionnel des médias?
Je ne pense pas que la société française soit abasourdie. À moins qu'elle ne suive pas l'actualité et les médias. Je pense que ces résultats s'inscrivent dans un continuum. Je pointe de mon côté la responsabilité de certains médias qui se gargarisent, voire créent des polémiques autour de sujets électoralement payants. Je pense qu'il est urgent que les rédactions, les partis mais tous les espaces où se concentrent des formes de pouvoir s'ouvrent aux Français issus des quartiers. La façon dont ces espaces leur sont fermés et dont leur narration médiatique est confisquée ne peut plus continuer, ainsi. Les réseaux sociaux permettent de rééquilibrer ce rapport de force. Or, les réseaux sociaux sont devenus quasi hors de contrôle. S'ils jouent le rôle de contre-pouvoirs, ils ne permettent pas vraiment de peser sur la décision publique. Il faudrait une révolution copernicienne dans les médias et la société française, pour infléchir la montée des idées d'extrême droite.
Marine Le Pen ne risque-t-elle pas de provoquer de graves déchirures au sein de la société française en montant les uns contre les autres en catégorisant qui est le Français de souche comparativement à tous les autres Français?
Je pense que Marine Le Pen n'est que le symptôme d'une société française mal dans ses baskets. La peur de l'altérité, le racisme aussi, la peur de la mondialisation et le déclassement national mais aussi international (la France a perdu de sa superbe au plan international) expliquent la percée des idées d'extrême droite. Marine Le Pen est un curseur des déchirures de la société française. Dans son essai, L'archipel français (Seuil, 2019), l'analyste politique, Jérôme Fourquet identifie bien les lignes de fractures de la société française. Il montre, par exemple, que l'élection disruptive de Macron en 2017 n'avait rien de fortuite. La fin du clivage droite-gauche mais aussi l'émergence du Front national en 1983, la crise des banlieues en 2005- et on peut le penser la fin des empires coloniaux- ont fortement secoué la société française. À des échelles différentes. Par-dessus tout, J. Fourquet montre que l'effondrement de la matrice catholique mais aussi républicaine puis laïque qui a cimenté la France jusqu'au milieu du XIXe siècle, explique la situation actuelle. D'ailleurs, que ce soit Le Pen ou Macron, les sujets qui y sont liés- l'émergence de l'islam par capillarité-sont des incontournables pour toute personnalité politique.
Dans certains milieux politiques et médiatiques français, on présente le deuxième tour de l'élection opposant le candidat Macron à Marine le Pen comme étant de mettre les Français à choisir entre «la peste et le choléra». Qu'en est-il de votre analyse?
Je ne suis pas d'accord avec cette comparaison. D'abord, parce que le taux de létalité de la peste est de 60% contre 6% pour le choléra. Cette comparaison a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux et je la trouve très à propos. Malgré sa politique jugée néo-libérale à l'égard des plus précaires et stigmatisante vis-à-vis des musulmans, Emmanuel Macron reste représentant d'une formation plutôt de centre-droit. Je ne pense que ce soit opérant d'établir ce genre de comparaison parce que cela empêche de cibler le vrai danger qui est l'extrême droite. Si l'on lit le programme de Marine Le Pen, on voit bien que les premières mesures qu'elle appliquerait en tant que présidente viseraient les Français de confession musulmane, les étrangers, les binationaux mais aussi...les pauvres. Le programme de Marine Le Pen est loin d'être social au contraire. Entre baisse des péages autoroutiers ou baisse de la TVA sur l'énergie, ses mesures ne garantissent pas du tout une hausse du pouvoir d'achat. Sans parler de la redistribution qui est absente de son programme. Les plus démunis ne risquent pas de voir d'embellie. L'essentiel de sa campagne et de sa stature politique, elle l'a construite sur les questions liées à la peur de l'altérité et à la xénophobie! Mais, Emmanuel Macron porte une responsabilité dans la hausse de l'extrême droite depuis 5 ans. Alors qu'il avait promis de la faire baisser, il n'a cessé de «jouer» avec pour sa propre réélection. Surtout, il donne le sentiment d'avoir trahi ses propres convictions, lui qui a répété à plusieurs reprises avoir une vision ouverte, inclusive de la laïcité, être contre l'assimilation. Je pense que la déception d'une partie des votants qui auraient pu voter pour lui au 1er tour est inversement proportionnelle à l'attente qu'il a suscitée en 2017.


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